Description
Vaisseau. Journal Particulier du Cⁿ Théodore Leschenault Botaniste chef attaché à l’expédition. Année 9. 10. de la république française. (1800-1802).
In-folio (41 x 26 cm) recouvert d’une toile gris-brun, portant l’inscription à l’encre « Journal Particulier » sur le plat.
Toile déchirée en plusieurs endroits, coins usés, plats presque détachés.Manuscrit à l’encre brune, sur papier bleuté avec les lignes tracées au crayon, composé d’un titre et 132 pages et de 3 ff. manuscrits contrecollés en marge.
Des ratures et plusieurs additions en marge apparaissent tout au long du manuscrit.
•Chap. 1er - Séjour au havre arrivée à Tenériffe, Séjour dans cette ile.
Quelques lignes sur l’arrivée au Havre précèdent la transcription d’une 1ère Lettre [datée] havre 10 Vendémiaire an 9eme [2 octobre 1800] contenant une longue description des Marpas peuplade de l’afrique inconnue jusqu’à présent (3 pages).
Le texte d’une deuxième lettre datée 20 Vendémiaire (le havre) décrit la maison de campagne du C[itoye]n Germain, riche particulier du havre, et deux autres lettres (24 et 27 vendémiaire) retracent les derniers préparatifs et aléas du départ.
Le Journal proprement dit commence le 26 vendémiaire [18 octobre], relate le départ des deux vaisseaux le Géographe et le Naturaliste et les vaisseaux anglais croisés jusqu’àTénériffe (p. 9) dont la description s’attarde sur les habitants, la végétation, la faune, le climat, le commerce …
•Chap. 2. (p. 20).Traversée deTénériffe à l’Ile de France.
Séjour dans cette ile; Observations météorologiques; Description d’animaux.
Le voyage fut long :
Le 24 Brumaire nous coupames le tropique du cancer…Depuis plus de 4 mois
nous tenions la mer (p. 24); il évoque la vie à bord, décrit les albatros, la traversée
du cap de Bonne espérance, et l’arrivée mouvementée à l’Ile de France dont les côtes se profilent le 23 ventôse [14 mars] à l’horizon.
Le Séjour à l’Ile de France (p. 27) commence par des réflexions sur Bernardin
de St Pierre, sur l’esclavage, retrace rapidement l’histoire de l’île et raconte l’installation du narrateur, ses rencontres avec Du petit hoire, botaniste distingué [Du Petit-Thouars] ou le directeur du jardin botanique Séré [Nicolas Céré], qu’il entrecoupe d’observations botaniques et d’une Notice sur les plantes que nous avons transporté d’Europe. Placés dans l’entrepont du vaisseau, les arbres sont totalement étiolés à l’arrivée. Suivent d’autres paragraphes intitulés : Observation sur une albinosse, Notice sur l’accouchement d’une négresse, Note sur quelques animaux de l’ile de france.
Il mentionne (p. 36) l’abandon de Michaux et Delisse, botanistes à bord du Naturaliste, débarqués pour raison de santé (avril 1801), et évoque le décès du Citoyen Riedlé (qui surviendra àTimor en octobre 1801).
Puis reprend des Observations météorologiques, qu’il complète par des paragraphe intitulés : Sur l’humidité de l’atmosphère, Sur la température des eaux de mer, Phosphorescence des eaux de la mer, Descriptions de quelques animaux que j’ai observé pendant la traversée du havre à l’ile de france (petrel, albatros, requin, remora, marsouin, diodon, des coquillages et mollusques dont il ignore les noms mais donne une description précise).
•Chap. 3. (p. 51). Arrivée sur les côtes de la Nlle Hollande;
-Découverte du golphe le géographe; -entrevue avec les naturels;
-Naufrage de notre chaloupe; -coup de vent;
-Séjour dans la Baie des chiens Marins; -Traversée jusqu’à Timor.
L’expédition continue : Nous partimes de l’ile de france le 5 floreal [25 avril
1801];
Notre traversée jusqu’à la NlleHollande fut très heureuse. Le récit de la rencontre avec les « naturels » est haletant et fait preuve d’un souci d’observation toute scientifique : leur sagaie qu’ils brandissaient de la main gauche est une hampe de 6 à 7 pieds de longueur, nous ne pumes point distinguer de quelle matiere était la pointe…
Suivent des Réflections générales sur le golphe du géographe qui se termine ainsi : Le matin du jour ou nous quittames la terre, on tua sur le rivage un animal quadrupede amphibie qui avoit la tête d’un chat; il ressembloit beaucoup à la loutre de mer qui est gravée planche 43. dans le 3.ème Voyage de Cook…
La description de l’ile Stérile dont le nom donne tout de suite une idée regorge de kangouroos qu’ils tuèrent en grand nombre.
•Chap. 4. (p. 67). Arrivée à Timor;
-Notice sur l’état politique, et le commerce de compang;
-Moeurs et habitudes des malais riches de Coupang;
-Moeurs et habitudes des malais vulgaires; histoire naturelle;Notice sur la langueMalaise.
-Les membres de l’expédition s’installent à Coupang dont les habitants
détestent [les anglais] autant qu’ils paraissent disposés à aimer les français.
Le malais est méfiant, courageux et fort attaché à ses usages…
-À ses observations sur l’organisation de la société malaise succède un chapitre sur la langue malaise (p. 89) douce, agréable…facile à apprendre et dont il essaie
de donner la prononciation véritable car il n’est pas toujours d’accord pour
l’ortographe avec le vocabulaire que le Citoyen Labillardiere a donné dans le
Voyage « à la recherche de la Peyrouse » vocabulaire d’ailleurs beaucoup plus
complet que celui ci …
-Leschenault demande alors à poursuivre l’expédition sur le Naturaliste (commandé par Hamelin) où personne ne s’occupe spécialement de botanique et laisse le chef jardinier Riedlé sur la corvette le Géographe (la copie de sa lettre à Nicolas Baudin est jointe en marge).
•Chap. 5. (p. 98). Traversée de Timor au détroit d’Entrecasteaux;
-Descriptions de ce détroit, de ses habitans, de ses productions, de son sol;
-Ile Maria, Détroit de Banks, PortWestern.
-L’expédition le mène sur l’ile aux Perdrix, l’ile Bruny où il rencontre un grand nombre de naturels qui ce jour étoient accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, les uns et les autres étoient couverts de peaux de kangouroo puantes et déchirées, mais ces peaux ne cachoient point les parties que la pudeur européenne a le plus grand soin de couvrir…l’Ile Diemen [Tasmanie], l’Ile Maria, l’ile Swan… Le récit s’achève à Port Western par des observations sur la flore et la faune. Le même jour de notre départ de Port Western, Nous rejoignimes le Naturaliste; aussitôt que nous fumes rendus à bord, on fit mettre le cap en route pour le Port Jackson, ou nous arrivames peu de jours après.
[Signé]
Théodore Leschenault Botaniste
chef né à Chalon sur Saône le 14 novembre 1773 Port Jackson 15 fructidor an
10eme [2 septembre 1802].
Jean Baptiste Louis Claude Leschenault de la Tour (1773-1826) s’embarqua à l’âge de 27 ans sur le Géographe commandé par Nicolas Baudin. On sait peu de choses sur sa formation en tant que botaniste sinon qu’il fut soutenu par Jussieu pour faire partie de cette expédition.
Si la maladie l’obligea à suspendre son voyage en 1803, le blocus lié aux
guerres napoléoniennes l’empêcha de rentrer en France avant 1807. Ses travaux lui valurent la reconnaissance de ses pairs, il fut indemnisé de la valeur des collections qu’il avait rapportées en France et qui furent déposées au Museum. Il partit à Pondichéry en 1816 avec le titre de Naturaliste du Roi, en revint six ans plus tard et fut décoré de la légion d’honneur par Louis XVIII.Nommé pour une mission en Amérique, la maladie le ramena en France quelques mois plus tard.
Composé de cinq grands chapitres suivant un ordre chronologique, le fil de la narration est coupé d’observations ponctuelles. L’écriture est lisible, le style est vif, les descriptions sans emphase, et l’auteur n’hésite pas à se référer aux récits de ses prédécesseurs (La Billardière dans l’expédition d’Entrecasteaux, Voyages de Cook…). Leschenault paraît bien avoir rédigé son Journal après les événements décrits, vraisemblablement lors de la relâche à Port Jackson à l’été 1802.
Il convient de rappeler que l’expédition de Nicolas Baudin (St Martin de Ré, 1754 - IleMaurice, 1803) sur les côtes de l’Australie (appelée Nouvelle Hollande) fait partie des grands voyages d’exploration scientifique, ce qui confère à ce manuscrit une importance incontestable.
-Une copie des chapitres 3, 4 et 5, comportant quelques variantes dans l’orthographe et la présentation, est conservée aux Archives nationales de France, série Marine, 5JJ56.
-En revanche, les chapitres 1 et 2 qui relatent la relâche à Ténériffe, le séjour à l’Ile de France et le récit de la traversée semblent ne pas avoir été retranscrits du moins tels qu’ils apparaissent ici (les lettres retranscrites dans le chapitre 1 sont connues).
▬Remerciements les plus vifs pour l’authentification du manuscrit et pour
ses renseignements précieux à Michel Jangoux, professeur émérite des Universités de Bruxelles et de Mons, zoologiste spécialisé en biologie marine et dans l’étude des voyages dans les mers australes au XVIIIe siècle, auteur d’une biographie de Leschenault in Le Voyage aux Terres australes du Commandant Nicolas Baudin. Paris, PUPS, 2013.