Lot n° 59

Jean GENET. 2 L.A.S. (brouillons avec ratures et corrections), 1978, à son avocat [Roland Dumas] ; 7 et 4 pages in-fol. (dactylographies jointes).

Estimation : 1200 / 1500
Adjudication : 1400 €
Description
Procès contre son premier éditeur Marc Barbezat.[Paris 15 février 1978]. « La liste de mes revendications peut être lue comme un canular, ou comme le décompte vu à la loupe des mille et une petites mesquineries par quoi se fondent les bénéfices d’un grand bourgeois. Il n’y a jamais eu pour cet homme, M. Barbezat, pendant 35 ans de petites économies. [...] 1) J’ai été grugé. Mais par petits coups, par mille invisibles manœuvres, par de presque insensibles modifications de textes, en faveur de M. Barbezat. (Je ferai une démonstration devant les juges). 2) Il m’a fallu une bonne endurance pour supporter cette patience de rat grignotant mes contrats [...] Si je veux, de préférence à tout, qu’une grande publicité soit donnée à ce procès, c’est afin qu’on voie de quelle façon s’y prend un bourgeois pour réduire toujours plus – avec l’aide d’un homme de loi supervisant les premiers contrats – un homme qui n’en pouvait déjà plus de vivre quand il a quitté la prison pour l’écriture. [...] M. Barbezat m’a empêché d’écrire. Ce qu’il m’a volé je ne veux pas qu’il me le rende avec usure, mais je veux qu’on sache que c’est mon travail qui a donné un nom à M. Barbezat, et je paie encore les frais d’un pareil baptême. [...] M. Barbezat a voulu vendre – sans me demander mon avis – mes livres édités chez lui 30 ou 36 millions à Gallimard. [...] Il n’est pas dans mon intérêt que M. Barbezat demeure responsable de la publication de mes livres »... Il demande à Roland Dumas de déposer une plainte pour vol de manuscrits, Genet accusant Barbezat d’avoir conservé des manuscrits (Les Nègres, Le Balcon, Les Paravents…). Suivent, en annexe, les calculs détaillés des sommes demandées en réparation, avec la liste des différents titres, et les chiffres de tirage...[1978]. Genet réfute les arguments de la partie adverse et refuse un accord amiable : « Le contrat de 1944 avec Denoël m’accordait 15%. J’ai signé quelques mois après le même contrat avec M. Barbezat pour 12%. Il est donc bien clair qu’une pression a été faite sur moi. Pourquoi aurais-je abandonné spontanément 3% à M. Barbezat ? Je sortais de prison, je devais y retourner, je n’avais pas d’argent et je me croyais fort du contrat Denoël à 15%. En fait, j’étais très faible, affaibli par la prison. [...] Que M. Barbezat m’ait découvert comme écrivain, c’est faux. Cocteau a invité Robert Denoël à lire le manuscrit de Notre-Dame des Fleurs. [...] M. Barbezat n’a pas, selon la loi de 1957, tout mis en œuvre pour faire connaître mes livres. C’est Gallimard qui l’a fait. D’abord Gaston, ensuite Claude Gallimard »... Barbezat a voulu se faire passer pour un mécène, « mécène pauvre, incapable de m’accorder les pourcentages du contrat-type », mécène « pleurant misère, mais qui avait une usine, un château en Suisse, un appartement quai de Béthune », et qui exerçait « une sorte de terrorisme […] J’étais très pauvre, j’étais un voleur et il ne l’ignorait pas, il “était intègre” et tout cela il m’a fait pour moi, jusqu’au jour où… » Genet lui reproche aussi d’avoir publié sans son autorisation Le Funambule, « peu de temps après la mort de celui pour qui j’ai écrit ce livre. C’était une goujaterie »… Il l’accuse du vol des manuscrits de ses pièces de théâtre, de la falsification des tirages… Genet veut être présent à la négociation et à l’audience « où la parole est libre. Pendant 30 ans Barbezat a utilisé les 7% [3% corrige le tapuscrit] de différence. Il a acheté des maisons quand je n’étais pas même sûr de pouvoir me payer une chambre pour la nuit. »
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