Lot n° 63

Armand GUILLAUMIN (1841-1927) peintre. 41 L.A.S. et 51 cartes postales, 1909-1921, à Georges Dorival (une à sa fille, Madeleine Guillaumin, filleule et élève de Dorival, et 2 à Paule dite « Tite » Dorival) ; 100 pages in-8, qqs adresses et...

Estimation : 4000 / 5000
Adjudication : Invendu
Description
enveloppes et 51 cartes postales illustrées avec texte au dos, la plupart avec adresse.
Belle correspondance amicale et artistique à son ami Édouard Lemarchand, dit Georges Dorival (1871-1939), comédien, peintre et collectionneur. Il est souvent question de leurs proches et des tournées de l’acteur, mais Guillaumin parle surtout de ses propres travaux artistiques, travaillant sur le motif, notamment à Crozant sur les bords de la Creuse, et sur la Côte d’Azur à Agay et Roquebrune-Cap-Martin, etc.25 octobre 1909, envoi d’un souvenir de Saint-Palais : « je dis mon cher Dorival tout court ; ne vous fâchez pas surtout »... Poitiers 30 mai 1910 : « Tous les jours je lis l’affiche cela me fait plaisir d’y voir vos noms c’est un acompte sur le plaisir de vous voir »... 1er septembre, sur la prochaine interprétation par Dorival du rôle-titre de Chantecler : « vous allez pouvoir enfin montrer aux Parisiens ce que c’est qu’un vrai coq »... Crozant 17 novembre. Depuis un mois il a plu presque tous les jours, et il n’a fait qu’une petite nature morte, « avec des oignons pour me faire pleurer. Cette année s’annonce bien mauvaise. Pas de travail ! Grève complète des amateurs [...] et le noir ennui m’envahit. J’étais pourtant venu avec un grand désir de travailler, de faire de beaux effets de givre. J’avais une grande provision de couleurs, de toiles, il m’a fallu remiser tout cela. Je suis dans un état cérébral à faire pitié [...]. Je suis dégouté de la vie, des marchands de tableaux qui font de l’art une valeur de bourse. Le peintre A monte B dégringole »... Paris 13 janvier 1912. Il broie « un noir intense. Rien ne me plaît et je m’ennuie à crier. Je vais voir des expositions de peintres jeunes ou vieux : tout me semble fait pour les marchands. Articles d’exportation allemande ou russe, il n’y a pas à dire la mode est au bizarre, ou plus tôt au baroque. C’est l’anarchie ! »... 31 janvier. Il a parlé à son ami Blot du tableau de Manet, qu’a trouvé Dorival [La Partie de croquet] : « Comme vous paraissiez vouloir vous défaire de ce tableau, j’ai pensé à vous fournir un intermédiaire sûr honnête, que je savais en mesure de vous vendre un bon prix votre Manet »... 9 février. « Votre Manet est un très bon morceau, un peu esquisse surtout pour certains, qui ne manqueront pas de se prévaloir de cet état pour le déprécier mais il est très beau très artistique et vous avez eu une bonne chance. Je crois que vous avez bien fait de ne plus le montrer jusqu’au moment où vous serez décidé à vous en défaire. Le ferez-vous nettoyer ? Il en a besoin. Il y a sur le personnage assis à gauche une traînée de vernis jaune, et un ton poussiéreux sur tout le tableau qui le terni un peu »... Crozant Vendredi [3 mai]. « Comme nous sommes heureux du succès de La Flambée, qui est celui du brave colonel ! Comme nous voudrions jouir avec vous de ce succès ! »... 5 mai. « Allez donc voir l’exposition de Renoir chez D. Ruel. Je voudrais bien la voir. Dites-moi ce que vous en penserez, il y a aussi celle de Besnard chez Georges Petit. Quant aux 2 salons, c’est comme l’année dernière, je pense »... 1er septembre. Prière d’aider sa fille Madeleine et son mari à « mettre le pied à l’étrier »... 12 septembre 1912. Il s’inquiète de la mauvaise santé de sa femme. « J’ai travaillé un jour et demie et voilà les orages journaliers, hebdomadaires qui recommencent »... 22 octobre. « Oui j’aime Monticelli ! Non je n’aime pas Carrière malgré tout le talent qu’on lui reconnaît [...]. Quant au Brueghel je le verrai avec plaisir malgré la méfiance que j’ai pour les anciennes œuvres »... Il déplore que la pluie l’empêche de travailler : « Quel bête de profession que celle de paysagiste sur nature »... Il évoque la vente Henri Rouart en décembre... 27 août 1914. Il demande instamment des nouvelles : « Nous sommes dans une anxiété dont vous n’avez pas idée »... Paris 29 novembre. « J’ai fait ces jours-ci deux natures mortes. Je ne sais ce qu’elles valent. Vous me direz ça à votre retour »... 3 avril 1915. « Je m’efforce de suivre vos encouragements, et je travaille pas beaucoup, mais je fais quelque chose, et peut-être qu’à la fin de cette affreuse tourmente, je pourrai vous montrer que je suis encore digne de votre amitié. Mais c’est dur »... 3 mai 1915. Ils reçoivent des lettres courageuses de Chabrol qui leur font du bien. « Pour suivre vos conseils et continuer à mériter votre estime je travaille le plus que je peux, mais [...] c’est grâce à la pluie que je vous écrit. Tous ces coups de canon, si chers ! troublent tout jusqu’à l’atmosphère. Cochon de Guillaume. Sales boches ! »... 28 juin 1916, aveu de découragement : « pas de peinture rien que des chagrins »... Crozant 23 mai 1917. Il se force à travailler, mais le temps ne le favorise guère. Il évoque la vente Bernheim jeune : « ses enfants encore plus jeunes ont vendu leur père. En voilà des monstres ! »... 15 octobre 1918. La folie sentimentale les gagne, alors que les événements tournent pour eux : « enfin on commence le dernier tableau de cet affreux drame, on devrait prendre le Kaiser, son fils et tous d’ailleurs, les mettre dans des cages de fer et les montrer comme curiosités. Un sou par visiteur ça ferait une belle somme pour les blessés et augmenterait leurs pensions »... 5 novembre. « Vous me dites travaillez, je le fais le plus que je peux, mais j’ai une fatigue cérébrale qui me gêne un peu, puis il ne fait pas deux jours de suite le même temps »... Agay 26 mars 1919. Il ne travaille pas beaucoup, et il s’en désole : « je ne suis qu’un vieux paresseux [...], je suis toujours fatigué, et je pense que c’est le poids des années qui se fait sentir »... Crozant 25 juillet 1919. « Je ne suis pas jusqu’à présent partisan de la présence des artistes à la C.G.T. tout en reconnaissant la rosserie des directeurs ; mais je crois qu’il serait possible de défendre les artistes dans un autre compartiment. [...] Je ne fais pas beaucoup de tableaux petits ou grands. J’en suis toujours aux quatre que j’ai commencées en juin, mais tout est à refaire maintenant, et en ce moment la nature est bien laide »... Il raconte la fête du 14 juillet à Crozant… 27 août. « Je suis fatigué, je travaille très peu. Les couleurs sont mauvaises et rares. Je vais être obligé de ne peindre que le matin le soir je ferai du pastel. En revanche si les couleurs sont rares elles sont chères »... On a demandé la rosette pour lui, mais il a répondu qu’il ne le méritait pas : « ce serait mieux placé sur la poitrine de bien d’autres, Lemordant par exemple »... 12 novembre. Il fait une exposition à Limoges : « elle ouvre le 15 veille des élections elle est rétrospective, et nouvelle en même temps. Si les temps ne se troublent pas davantage ça ira »... Dimanche [décembre ?]. « Vous me disiez que Renoir sortait d’une maison de santé. Je pense que c’est du père dont vous me parliez, je le croyais dans le Midi qu’a-t-il eu ? Et est-il hors de danger ? »... Roquebrune 9 janvier 1920. « Si vous êtes un primaire, j’en suis un également. Je voudrais croire à un idéal chrétien, social c’est-à-dire à la bonté à l’indulgence : mais je n’y crois plus et au contraire je vois les gens, surtout ceux qui prêchent la fraternité, tous prêts à égorger ceux qui ne pensent pas comme eux »... Crozant 1er juin. Il accepte avec plaisir que Dorival arrange l’affaire de ses enfants ; ils n’ont rien donné à Madeleine quand elle a eu le malheur de se marier... « Je ne travaille toujours pas beaucoup. Je suis trop tourmenté par toutes ces affaires. J’ai la tête fatiguée : je trouve les côtes raides à monter. Puis depuis deux mois ça ne va pas très bien, et pendant le mois de mai j’ai souffert d’un violent lombago »... 2 septembre. Le temps est peu favorable pour la peinture : « peu de beaux effets. [...] Nous sommes allés avec la maman et André faire un tour dans l’Ariège, nous avons vu Carcassonne, c’est une ville très curieuse vraiment intéressante nous avons vu Toulouse, son musée rempli de tableaux des grands hommes des salons. Que c’est donc triste, l’étalage de toutes ces grandes impuissances. Il y a des tableaux d’un nommé [Paul] Gervais ! C’est bon à mettre dans les maisons closes, pour Américains. Et ces gens-là jugent les pauvres bougres de peintres d’après nature. Pauvre de moi »... Roquebrune [31 janvier 1921]. Séjour à l’hôtel Rives d’or. Sur Le Rayon vert [de Jules Verne] : « C’est de l’art de poètes gens du monde mais je ne vois pas cela sur une grande scène. […] La peinture anonyme, si on retirait la signature d’un Manet, d’un Renoir, d’un Pissarro, d’un Cézanne, d’un moi croyez-vous que l’on ne mettrait pas les noms. Mais les anonymes se copient tous alors ! »... Cap Martin 22 mars : « Je n’ai pas beaucoup travaillé cet hiver. Je n’étais pas en train. J’espère me rattraper à Crozant »… Crozant 8 mai. « J’ai commencé à travailler mais voilà la pluie. Si elle fait pousser les légumes elle empêche de peindre d’après nature »… 30 juin, il refuse de vendre un paysage à Dorival : « D’abord je l’ai donné à la maman, c’est ce que j’ai fait de mieux de l’an passé et je tiens à le conserver »… Etc. Cartes illustrées transmettant des vœux et souvenirs, surtout de Crozant, mais aussi de Gargilesse, Caen, Pornic, Le Brusc (Var), Agay, Sanary, Toulon, Poitiers, Tulle, Mons, etc.On joint un ensemble de lettres et cartes postales illustrées de sa femme et ses enfants, témoignant des liens d’amitié entre les deux familles : sa femme Marie-Joséphine Guillaumin (15 à Dorival, 10 à Madame, 2 à leur fille et 24 cartes postales aux Dorival, plus une lettre à son mari, 1909-1918, à propos des spectacles et tournées de Dorival, et de leurs enfants, en particulier de la « grande » Madeleine) ; Madeleine Guillaumin, élève de Dorival (8 l., et 8 cartes post. aux Dorival, 1906-1920 : « petite débutante », elle évoque des répétitions, une tournée de Dorival en Russie, Paul Mounet, Émile Fabre, Henri Hertz…) ; Armand dit Chabrol, élève de Dorival (2 l. et 6 cartes post., 1910-1919) ; Marguerite Guillaumin (l. et 4 cartes post. aux Dorival, 1909-1920).
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