Lot n° 102

Jeanne SCHULTZ (1862-1910) romancière. 17 L.A.S., Paris juin 1898-juin 1900, au général Gustave Borgnis-Desbordes ; environ 150 pages in-8 (dont une L.A. incomplète de la fin).

Estimation : 1000 / 1500
Adjudication : Invendu
Description
Belle et intéressante correspondance amicale au général commandant en Indochine. [Après avoir effectué plusieurs campagnes en Afrique et en Indochine, le général Gustave Borgnis-Desbordes (1839-1900) fut nommé, en novembre 1889, membre du Conseil d’amirauté. Promu général de division le 24 mars 1890, il devint inspecteur général permanent de l’artillerie de marine. À ce titre, il effectua plusieurs missions d’inspection dans les ports militaires. En 1899, il fut nommé commandant en chef des troupes françaises en Indochine. Il mourut de la dysenterie à Hanoï.] Nous ne pouvons donner que quelques extraits de ces longues lettres. 25 février 1899. « Vous deviez me raconter les choses de votre route. […] Les nègres, les palanquins, les esclaves qui peuplaient la rive à votre descente sur la terre que vous allez commander. [...] Et dire que vous avez su la mort de Félix [Faure] avant nous. Qu’on vous a cablogrammé la nouvelle dans la nuit, et qu’on ne nous l’a dite qu’à notre réveil ! […] Reprenez les Indes aux Anglais, et revenez ici. On ne demande qu’un sabre victorieux pour le faire empereur »... 21 mai. Sur le retour du capitaine Marchand après l’affaire de Fachoda : « On discute pour savoir où il atterrira, et s’il atterrira ? S’il boira le mauvais café sur mer ou en France ? On lui prépare des triomphes et des huées... Pour cette fois, j’irai dans la foule, tout comme les pauvres Chinois que vous avez décommandés sur votre route, et je crierai tant que je pourrai en son honneur »... 28 juillet. Elle a su que « vous travailliez comme un nègre ; que vous regardiez des danseuses indiennes, dorées et emperlées du haut en bas de leurs jolies personnes. Que vous donniez des dîners pompeux et que vous faisiez la cour à toutes les femmes. Pas un de ces traits ne m’a surprise de vous »… 2 septembre. « Racontez-moi des choses de Chine. Dites-moi quand nous mangerons les Anglais. […] Quelle horreur cette mission Klobb »… 19 octobre. L’Exposition Universelle prend forme, « tous les palais sont debout »… 30 décembre, sur les affaires de Chine, « l’assassinat de nos pauvres officiers », et les « batailles ou engagements qu’on nous a soigneusement celés ; mais dont le bruit court. Est-ce secret d’État ? Vous défiez-vous de votre correspondante ou des lecteurs imprévus qui peuvent venir prendre part à la causerie ? »… 31 mars 1900. « Mais que je plains votre tâche ! Être celui qui décide (après le coupable toutefois) du malheur ou de la paix conservée de toute une famille. […] Moi, j’aurais fait venir mes coupables, je leur aurais parlé comme vous devez savoir le faire, avec le juste mépris mérité, et je les aurais envoyés à un bon poste de combat ou d’absolue solitude si leur émotion ou leur défense en avaient été dignes. Je les aurais forcé à démissionner si l’état moral m’avait paru moins bon »… 14 avril. Elle attend son prochain retour : « il y a près d’un quart de l’Exposition d’achevé […] Le temps de votre traversée, tout sera à point »… Elle a dîné à l’École de Guerre à côté de Marchand : « Il n’a pas la vivacité et le primesaut qui vous livrent tout de suite un caractère. Froid, calme, lent presque, avec ses yeux enfoncés et un peu de raideur de corps. Très simple, on le sent en somme assez absent de l’endroit où il est. Il suit son idée ou ses souvenirs. […] Il ressemble du reste parfaitement à ses cartes postales, et aux poupées casquées de blanc, qu’on vend au Bon Marché sous son nom. Comme je regrette qu’on ne vous ait pas glorifié de cette façon à votre retour du Haut Fleuve ! »… 31 mai : « impossible, quand je vois Chine et Troubles en Chine, de ne pas penser à vous. Admettons une grande distance entre vous et les Boxeurs, cette lutte ne va-t-elle pas avoir son contrecoup chez vous ? Ce grand pays, destiné à nous manger dans l’avenir, ne va-t-il pas être, d’abord, mis en tartines par les puissances européennes ? Et ces Anglais ! Maîtres de Johannesburg et de Pretoria, tout prêts, affirment les prophètes, à cueillir Madagascar en revenant chez eux, et cette ignoble affaire Dreyfus qu’on va rouvrir »… Le clou de l’Exposition, c’est « le Pavillon de Ceylan, où on va prendre du thé. Je ne sais quel journal a raconté que toutes les femmes à esprit malsain couraient là, attirées par les superbes nègres qui servent »… Elle a été enchantée par la pièce L’Aiglon, « avec des mots, des idées, des chaleurs et des folies bien françaises »… 22 juin. « Ces affaires de Chine me préoccupent vivement. Les journaux nous accablent de nouvelles, vraies ou fausses, à leur choix ; mais toujours terrifiantes. [...] Quand je pense que cette Angleterre scélérate et sinistre pourrait payer maintenant l’ignominie du Transvaal, si on marchait sans elle ou contre elle ; qu’ici nous pourrions prendre le Maroc, pendant que là-bas vous et la Russie lui souffleriez les Indes. [...] Je voudrais que vous reveniez maréchal de là-bas »...
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