Description
dans un volume in-4 demi-maroquin turquoise à bande, dos lisse, titre doré (H. Alix) (dos insolé).
Nombreuses corrections autographes à chaque page.
Joint: 2 lettres autographes signées de Marcel Jouhandeau à Castor Seibel, 2 février et 27 juin 1976, 11 pp. en tout.
Très beau manuscrit d'un roman à part dans l'Oeuvre de Marcel Jouhandeau.
L'Amateur d' imprudence fut publié aux éditions de la N.R.F en 1932. Il s'agit d'un livre à part dans l'Oeuvre de Marcel Jouhandeau, qui dans une lettre jointe au manuscrit adressée à Castor Seibel, explique: «Cet ouvrage est bien de moi mais il est marqué (quel flair est le tien) par l' influence du surréalisme qui sévissait alors. (...) A cette époque, je fréquentais René Crevel, Nanvy
Cunard, Michel Leiris, Masson André, le peintre.»
Dans une autre lettre au même, il précise: «Il faut que j'en vienne à te parler de L'Amateur d' imprudence. Oui, j'ai hésité entre le pluriel imprudences et le singulier, et naturellement, comme j' étais jeune, j'ai préféré le singulier, comme plus subtil. Aujourd' hui je me donne tort. La subtilité à ce point est obscure, presque inintelligible.» Notre manuscrit porte en effet en titre général
L'Amateur d' imprudence (au singulier) et en titre de la première partie L'Amateur d' imprudences (au pluriel).
L'héroïne du livre, Natalyna, ressemble beaucoup à Nancy Cunard: «Deux plis de chaque côté de la bouche, tracés comme avec une lame de rasoir deux cicatrices exsangues, prêtes à saigner, rehaussaient à force de cruauté, la douceur de son visage. De la gracilité la plus invraisemblable d'une flamme ou d'une épée, elle portait aussi ses mains, comme les franges frêles d'ailes secrètes».
Le héros, Brice Aubusson, surnommé le Cardinal, est une projection de lui-même, qui raconte dans La vie comme une fête, à propos de Nancy Cunard: «un jour elle m'a enveloppé d'un magnifique foulard en me disant: Jouhandeau, je te fais cardinal», épisode que l'on retrouve dans le roman.
On reconnaît aussi Eugene Mac Cown, l'ami de René Crevel: «Son corps ondulait comme celui d'une panthère; il faisait trembler des forêts dans son ombre et ses yeux reflétaient le désert, tous ses mots chantaient.»
Loin des chroniques provinciales du cycle Chaminadour, le roman entraîne son lecteur dans des soirées peuplées de personnages excentriques et mystérieux, puis en Italie, dans une atmosphère onirique inhabituelle chez lui: «Nous entrions dans la ville d'or. Les places crénelées succédaient aux péristyles. Nous nous coulions dans des corridors vert-de-grisés, et vomis, sans être avertis, comme un cyclone, nous franchissions des ponts d'onyx ornés de diamants et des fleuves de nacre solide s' épanchaient en une double allée d'Anges lumineux de chaque côté de nos têtes pendantes. Un moment, la bouche d'un colosse de bronze dont il avait fallu plusieurs heures pour franchir l' épaule, nous happa et nous nous vîmes disparaître dans des galeries de verre transparentes, rouges, bleues, violettes, jaunes qui étaient des artères et des veines où nous circulions sur des gondoles traînées par des cygnes et des boas.»
Mais derrière cette teinte surréaliste, on y retrouve les grands thèmes de son Oeuvre: la perpétuelle oscillation entre le bien et le mal, la foi et le péché.
Manuscrit de travail abondamment corrigé, mais extrêmement lisible, dans un bel état de conservation