Lot n° 72

Pierre-Joseph PROUDHON. 1809-1865. Écrivain et théoricien politique. L.A.S., à son ami Alexandre MASSOL. Bruxelles, 9 décembre 1858. 3 pages in-8 sur papier fin, adresse (petit trou par bris de cachet sans atteinte au texte).

Estimation : 2 200 - 2 500 €* Mi
Description
Longue et intéressante lettre, aux accents misogynes, en réaction à la publication du premier ouvrage publié par Juliette La Messine [qui deviendra Juliette Adam lors d’un remariage en 1867], Idées antiproudhoniennes sur l’amour, la femme et le mariage. Ce pamphlet qui prône l’autonomie et l’égalité des sexes s’attire à son tour la critique de Proudhon qui dénie ici aux femmes écrivains le sens de la logique et du raisonnement et qui veut donc savoir qui est le véritable auteur de l’ouvrage, persuadé qu’il pourrait s’agir de Prosper ENFANTIN, aidé ou non par un de ses disciples comme Elisa LEMONNIER. Il s’en prend également à Jules MICHELET qui l’aurait pillé. …je serais heureux de pouvoir dire que c’est là le dernier mot de l’Ecole de Ménilmontant, ou si vous aimez mieux, de son chef. En même temps, j’ai lu le livre de Michelet, L’Amour, qui, sans me nommer une seule fois, s’est approprié bon nombre de mes pensées et de mes expressions, et a même écrit son livre en vue du mien : du moins, c’est ce qu’il me dit lui-même dans la lettre qui accompagnait le volume. Tout cela m’a réjoui le cœur, et je me suis applaudi une fois de plus, non du progrès de ma propagande, du moins de mes succès d’agitateur intellectuel. Ainsi la question est posée sur l’Amour, la Femme et le Mariage : et pour qu’elle fût nettement posée, il a fallu que je m’en mêlasse.
On verra bientôt qui est dans le vrai : du libre-érotiste Enfantin, du juste-milieu Michelet, ou de moi.
Entre les colères féminines exprimées dans la première partie de l’opuscule et le ton dogmatique de la seconde parie, Proudhon ne décèle qu’une doctrine d’école, arrêtée de longue main, et dans laquelle il n’y a d’original que quelques phrases empruntées ou imitées de mon 3e volume. […] Je ne rendrai pas à Mme Juliette coup pour coup, Dieu m’en garde […] je ne sais pas d’ailleurs donner la patte à une dame. Car si elle me paraît un peu folle, elle est bien gentille, cette Juliette ; elle m’a fait rire de bon cœur ; par moments, j’aurais voulu l’embrasser. Quel feu roulant de plaisanteries ! Quelle fusillade ! Comme elle se tient bien au port d’armes ! Comme elle est brave !... je lui pardonne, en faveur de l’esprit qu’elle a su mettre dans ses malices, de m’avoir estropié, travesti, et pas compris du tout. Mais pourquoi donc va-t-elle loger dans une jolie petite tête comme la sienne tous ces termes de philosophie dont elle affecte de se servir avec la même facilité qu’elle ferait de son aiguille. Ainsi fait Mme d’Héricourt, ainsi D. Stern, et les autres. […] Les mots ne sont rien, c’est la logique qui est tout : et vraiment, ni Mme Juliette, ni son souffleur ou auxiliaire, n’en savent le premier mot. Elle est un exemple de plus pour démontrer qu’une femme ne fait que déraisonner dès qu’elle raisonne.
Proudhon réclame que les auteurs aient le courage de se nommer, en affrontant éventuellement la police impériale : C’est très sérieusement que la société est en révolution ; et je n’admets pas qu’on fasse de la pensée révolutionnaire une sorte de jeu à cache-cache…
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