Lot n° 157

Alphonse de LAMARTINE. L.A.S., Paris 1er juin 1858, à un ami [Louis-Marie viComte de Marcellus ?] ; 3 pages in-4. Importante lettre politique protestant contre l’ingratitude de la Nation devant sa ruine, et résumant sa trajectoire...

Estimation : 500 / 700
Adjudication : 1 063 €
Description
politique.

Il est touché de l’intérêt que son ami prend à sa situation, car tout ce qu’on débite sur les causes de sa mauvaise fortune est « la fable de la malveillance et de l’ingratitude » ; Lamartine succombe sous les effets de la crise viticole et la crise du numéraire. « Il n’y a là ni spéculation, ni dissipation, ni prodigalité, il y a malheur. Vous connaissez ma vie, c’est celle d’un artisan laborieux et économe à Paris, c’est celle d’un large propriétaire rural à la campagne responsable de la vie de cinq cents ouvriers de la vigne souvent sans pain. Mes amis avaient cru trouver comme ceux de Chateaubriand et Dupont de l’Eure, de Foy, et Lafitte le moyen honorable de payer mes créanciers et de me conserver le toit que vous connaissez dans une souscription nationale. Ils n’ont trouvé en réalité que l’occasion de me faire outrager par tous les partis »...
Les partis ne lui pardonnent pas ses services, et le parti légitimiste fut « le plus acharné le plus inique le plus injurieux […] le faubourg St Germain a voté vingt sous ! à la mairie du 11e arrondissement, c’est l’obole d’une pauvre servante. L’aristocratie française qui possède les milliards de la fortune territoriale en France a récompensé par ce mépris l’homme qui s’est le plus dévoué à son salut et à son honneur. Vous savez comment en 1830 j’ai sacrifié quinze ans ma carrière, ma fortune, ma jeunesse mon ambition légitime aux scrupules de mes souvenirs aux Bourbons ! Vous savez que j’ai refusé trois fois aux instances personnelles de Louis-Philippe d’accepter ses faveurs, ses ambassades, ses ministères par respect pour la mémoire de Louis XVIII et Charles X ! Vous savez comment j’ai confessé sous les bayonettes et sous les coups de fusil les préférences légitimistes de ma jeunesse, même en 1848 ! Vous savez si un légitimiste a été ou proscrit, ou insulté ou exclus des élections et de l’Assemblée constituante à cette époque où j’ai patronné moi-même leurs candidatures ! Vous avez lu l’Histoire de la Restauration où leur gouvernement a été pour la première fois vengé des calomnies de l’opposition de 15 ans ! Vingt sous et l’outrage de ce parti, le seul que j’aye servi avant le jour de la République obligé et unanime ! Voilà la récompense ! Ou plutôt voilà la dérision ; il n’en sera pas ainsi impunément, j’accepte l’outrage mais je m’expliquerai ! C’est un parti qui s’est perdu trois fois faute d’hommes ! Il se perd en ce moment faute de cœur. Il s’associe à ses plus mortels ennemis les Orléanistes contre moi c’est-à-dire contre le seul homme qui lui ait rendu hommage dans son malheur ! […] je ne mourrai pas ou je ne m’exilerai pas sans lui avoir dit ma pensée »…

La dernière page est écrite au dos d’un feuillet biffé (paginé 32) du manuscrit de son « Entretien » sur Pétrarque [Cours familier de littérature, 31e et 32e Entretiens, 1858]{CR}
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