Lot n° 31

Emmanuel CHABRIER. 14 L.A.S. « Emmanuel » ou « Mavel », 1889-1890, à Mlle Annette Delaire, « Nanine » ; 29 pages in-8 ou in-12, une lettre au crayon, enveloppes..Affectueuse correspondance à sa chère Nanine. La servante des Chabrier,...

Estimation : 2 000 / 3 000
Adjudication : 2 000 €
Description
Annette Delaire, qui avait vu naître Emmanuel, fut pour lui comme une seconde mère ; frappée d’une attaque de paralysie en juillet 1889, elle est installée dans la Maison Saint-Joseph à Arcueil, où elle mourra en janvier 1891 ; Chabrier lui adresse régulièrement des lettres qui sont une amusante chronique de La Membrolle..[Pourville s/ mer 18 septembre 1889]. « Nous avons un temps superbe et nous nous promenons ferme. Prends patience et dans quelques jours, nous serons tous près de toi. Les enfants vont bien »… La Membrolle 31 mars 1890. « Rien de nouveau dans le pays ; personne ne claque, tout ça se cramponne. Aperçu la belle vachère qui laisse repousser sa moustache ; toujours pas mariée. Angèle continue, paraît-il, à se pocharder, mais nous manquons de détails intéressants à cet égard […] Enfin, au fur et à mesure des événements, tu seras instruite, – mais je ne puis pas les précipiter ni les faire naître ! Pour le moment, c’est maigre ; des vieux vont et viennent sur la grand’route, c’est bête. – Ah ! ça bourgeonne partout par exemple : les marronniers sont dans des états terribles et les petites violettes ont des parfums si provocants qu’il n’y a pas, il n’y a pas, il faut se baisser pour en cueillir ! Enfin, c’est le printemps qui arrive, la nature s’en donne, elle a rudement raison »… – 4 avril. « Nous sommes seuls, ma femme et moi depuis mardi ; Alice s’échinait à vouloir faire la popote matin et soir, ça lui prenait un temps du diable, et ses yeux ne sont pas très fameux ; puis ça la fatiguait et ça m’ennuyait ; alors depuis hier soir (jeudi) nous mangeons chez les Froger, tranquillement, à la cuisine »… Annonce du mariage d’Edmond Rostand avec Mlle Gérard… « Il n’y a rien de nouveau dans le village ; M. Courier passe toujours matin et soir sur son cheval, l’air mélancolique ; les petits idiots continuent à m’ennuyer à ma fenêtre de temps en temps, alors je les menace des gendarmes et les voilà qui courent ventre à terre jusqu’au sommet de la côte ! Le temps est toujours superbe »… – Bordeaux 11 avril. Récit de la noce d’Isabelle Jacmart, nièce des Chabrier… – La Membrolle 18 avril. « Je mange à la maison, tout seul ; c’est la mère des idiots qui me fait mon petit ménage. Elle vient passer une heure le matin, une autre le soir, me fait 2 œufs à la coque et une côtelette et ça y est. […] si ma Nanine se portait bien, rien ne clocherait ! Pas de veine, décidément. Puis, il faut une bonne vigoureuse et active ; aller chercher le vin, faire le ménage, répondre au monde, ça ne s’improvise pas ; enfin qui vivra verra, mais je suis toujours dans l’inquiétude. […] J’ai commandé des asperges pour mon déjeuner ; ah ! si tu étais là pour me les faire cuire ! Tu te rappelles comme j’aime ça ! M’en as-tu assez fait manger ? Et les petits perdreaux faisandés à l’automne ? Tâche de revenir pour m’en préparer encore ! »... – Tours 12 mai : « je suis venu avec André, je lui ai fait arracher deux grosses dents, 1 fr. la dent, ce n’est pas cher, et encore c’est une dame qui lui a enlevé ça magnifiquement »… – La Membrolle 9 juin. « Depuis ce matin, nous avons la nouvelle bonne. Décidément, l’autre ne pouvait pas s’habituer. Elle semblait plutôt née pour se faire apporter son café plutôt que pour l’apporter aux autres […] nous mangeons régulièrement des fraises ; elles viennent de chez le jardinier du haut de la côte, tu te souviens ; un petit panier de 10 sous nous suffit pour le matin ; le soir, nous en cueillons quelques-unes dans le jardin. Mais toujours pas de cerises. […] Il est question de jouer Gwendoline à l’Eden ; c’est Verdhurt qui prendrait ce théâtre, mais l’affaire n’est pas encore terminée. En attendant, j’ai commencé le 2d acte de l’ouvrage que je fais en ce moment [Briséïs]. Il fait très chaud et ça m’affadit un peu. Heureusement, le salon est assez frais, je pousse les volets et je me trouve dans un demi-jour favorable au travail »… – 16 juin. La nouvelle bonne est « solide, très douce, blonde, pas laide, 25 ans et elle a de la poigne. […] elle a de la décision et de la bonne volonté ; elle cuisine assez bien, est très propre et très bien élevée. En arrivant à Paris, tu penses qu’on la préviendra de ne parler à aucune bonne dans l’escalier, de ne jamais s’attarder ; tout ce chenil de bonnes dans l’escalier de service, c’est une horreur […] Aujourd’hui, lessive. La vieille femme est arrivée avec son baquet, ses savons, et son tremplin pour fixer la cuve ; elle a commencé par se coller des tas d’affaires dans l’estomac, car tu sais que ça mange six fois par jour, ce monde-là, – et elle, en particulier, on prendrait une tête de veau pour lui enfoncer, du matin au soir, la nourriture jusqu’au gésier, qu’elle ne sourcillerait pas. Je n’ai jamais vu de goinfre pareil. Alors, la maison est en révolution, les draps, les serviettes, mouchoirs, chaussettes, bas, pantalons, chemises, enfin tout le bazar disparaît dans cette cuve ; on tend des cordes dans le jardin »… – 19 septembre. « Encore quelques jours, ma petite Nanine et ton Mavel reviendra avec la maman et les petits qui ont des mines superbes. Mon Dieu qu’il y a longtemps qu’on ne s’est vu ! J’ai une vraie fringale de t’embrasser et de bavarder avec ma pauvre vieille ! »… – 23 septembre, envoi de pêches. – [26 septembre]. « Et ces petites pêches, étaient-elles bonnes ? Il n’y a pas grand’chose ici, et nous avons peur qu’en t’envoyant du raisin, tu ne le reçoives tout vendangé »… – 29 septembre. « La Maman vient de partir avec la bonne, 2 malles et des matelas, et du beurre fondu, et du beurre frais, et des œufs, enfin des kyrielles d’affaires »… – 3 octobre, à la suite d’une lettre de Marcel. « Ça sent le départ ; les notes arrivent : Roulleau, la chemisière, la mère Bordier, M. Loiseau, le piano, le tailleur, ah ! c’est du propre ! – Nous filons lundi ; mercredi au plus tard, je courrai bien vite t’embrasser […] Cette Membrolle est enragée ! Après l’histoire de la boulangère, dont le mari a salé le mitron (je t’ai raconté ça, je crois), voilà la petite Leclerc, la fille de l’épicière qui s’est emparée, paraît-il, d’un voyageur à qui son mari l’avait confiée pendant qu’il allait faire ses 28 jours. […] J’ai rudement travaillé depuis un mois, mais plus j’en fais plus il en reste à faire ! C’est esquintant »… – Paris 15 [novembre]. Il part pour Munich. « La première de Gwendoline a lieu le jeudi 20. Tu penseras à ton Mavel qui ne t’oubliera pas non plus. […] Il paraît que ce sera joué superbement. […] Lamoureux rejoue l’Ouverture de Gwendoline demain ». Saint-Saëns est venu dîner : « il était charmant et nous avons passé en tête-à-tête une bonne petite soirée »….On joint 2 l.a.s. de Marcel Chabrier à Nanine, 15 et 22 septembre 1890 (avec une petite l.a.s. d’André Chabrier)..Correspondance (89-104, 90-37, 90-38, 90-39, 90-43, 90-60, 90-75, 90-79, 90-109, 90-110, 90-112, 90-113, 90-116, 90-131). Ancienne collection Francis Poulenc.
Partager