Lot n° 647

[ROSSINI, Gioachino] – GARNIER, Charles. Deux lettres autographes de Charles Garnier à Gioachino Rossini, en français et en italien, au sujet de l’érection du buste du compositeur sur la façade de l’Opéra de Paris, futur Opéra...

Estimation : 2 000 / 3 000 €
Adjudication : 2 576 €
Description
Garnier.
Paris, 1er juin 1866.
3 pages in-8 (200 x135 mm) et 3 pages in-4 (270 x 210 mm), encre noire, sur papier en-tête du ministère de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts, datées et signées du même jour,
"84 Boulevard St Germain, Paris".

Monsieur et illustre Maître,

24 bustes de compositeurs célèbres seront placés sur les façades latérales du Nouvel Opéra.
7 bustes de compositeurs illustres et 2 bustes de célèbres librettistes seront placés sur la façade principale. Voici les noms de ces derniers : Spontini - Meyerbeer - Halévy - Mozart - Beethoven - Scribe et Quinault parmi les morts, puis parmi les vivants - MM Rossini et Auber.
Ces bustes en bronze doré seront accompagnés des noms des villes où sont nés ces compositeurs et une plaque de marbre indiquant les noms, et les dates de naissance et de décès en clair au-dessous des bustes.
Je désirerais que ces bustes, qui placés de manière à être vus par tous auront une grande importance décorative, fussent très ressemblants. Je crois aussi qu'il serait bien qu'ils représentassent le maître à l'âge où il a eu son plus éclatant succès. Je venais donc vous demander Monsieur si vous voulez bien me faire savoir s'il existe de vous un buste où un portrait datant de l'époque où vous avez fait représenter soit Moïse, soit Guillaume Tell. Si ce buste existe, je vous serais très reconnaissant de vouloir bien me donner les moyens de le faire connaître à l'artiste chargé de l'exécution de votre buste.
Si vous croyez au contraire qu'il serait mieux que vos traits fussent reproduits tels qu'ils sont maintenant, pourrais-je espérer que vous voudrez bien accorder une ou deux séances de pose.
Quelle que soit la décision que vous prendrez à cet égard, je vous serai très obligé de me la faire connaître le plus tôt possible.
J'ai trouvé dans vos biographies cette date : G. Rossini né à Pesaro le 29 février 1792.
Est-ce juste ?
Veuillez, Monsieur et illustre Maître, me pardonner mon indiscrétion et croire à tous les sentiments de sincère admiration de votre très dévoué serviteur,
l'architecte du Nouvel Opéra,

Charles Garnier

Comme le Semperoper de Dresde, le Palais Garnier est l’un des rares édifices baptisés du nom de leur architecte. Les façades de l’Opéra de Paris – l’un des plus beaux théâtres du monde, et l’un des plus célèbres – sont en effet ornées des bustes d’illustres compositeurs et librettistes. Meyerbeer et Auber ne sont plus des étoiles de premier ordre dans le firmament du théâtre lyrique, mais, comme Rossini, ils étaient alors incontournables dans l’esprit de Charles Garnier (1825-1898). Né à Paris, rue Mouffetard, Garnier remporta le concours pour le nouvel opéra en 1861.
Le Second Empire souhaitait ériger un monument nouveau exprimant sa puissance et son autorité. La première pierre fut posée en 1862 ; lorsqu’on posa la dernière, en 1875, l’Empire s’était effondré mais l’Opéra était debout : un temple dédié au théâtre musical et doté, pour l’époque, d’une infrastructure technique de pointe. Sur la même façade, au-dessus de la loggia, prennent place les bustes sculptés par Louis-Félix Chabaud (1824-1902).
L’aimable Rossini, qui vécut trente ans dans la capitale française, y fait bon ménage avec le grincheux Beethoven, qui n’a jamais visité Paris.

La version italienne n’est pas une traduction tout à fait littérale de la lettre en français, et comporte un premier paragraphe entièrement différent.
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