Lot n° 726

JACOPONE DA TODI, Jacopo de' Benedetti, dit. Laude de lo contemplativo & extatico B.F. Jacopone... Item alcune laude de. S. Thomaso de aquino & certe altre laude de doctori dignissimi che i[n] le prime no[n] erano. Venise, Bernardino Benali, 1514....

Estimation : 8 000 / 12 000 €
Adjudication : Invendu
Description
In-4 (192 x 138 mm) de (8)-128 ff. (signés †8, a-q8), caractères gothiques, 36 lignes sur 2 colonnes : veau brun sur ais, dos lisse orné de filets croisés à froid ; les plats présentent un beau décor à froid formé de filets et de deux bordures florales avec fleuron dans la réserve centrale ; tranches bleues, traces de fermoirs (reliure de l'époque) ; conservé dans une boîte moderne de chagrin noir avec fenêtre en altu-glass.

►Rare et belle édition de ce chef-d'œuvre de la poésie italienne.

Le religieux franciscain Jacopo de' Benedetti (Todi, vers 1230 - Collazzone, 1306), dit Jacopone da Todi, est avec Dante – mais dans un registre différent de celui de l'auteur de la Comedia – le poète le plus marquant de la littérature italienne médiévale.

On ne sait presque rien de ses premières années, les biographies anciennes se bornant à suivre scrupuleusement la "légende" franciscaine traditionnelle : jeunesse insouciante, conversion à la suite du décès accidentel de son épouse, retrait de la vie sociale (hiver 1268), distribution de ses biens aux pauvres, années de pèlerinage et d'aumône... En 1278, Jacopone entre comme frère laïc dans l'ordre de saint François et adhère au courant rigoriste des "spirituels", partisans d'une application rigoureuse de l'esprit originel franciscain.

Après l'abdication de Célestin V, protecteur des spirituels, il participe à la fronde contestant l'élection de Boniface VIII ; le Pape se vengera en excommuniant les rebelles et en assiégeant Palestrina, où ces derniers s'étaient réfugiés. En septembre 1298, Jacopone est emprisonné à Todi, où il composera quelques-unes de ses plus célèbres laudes polémiques contre le pape. Il ne sera libéré qu'en 1303, date de l'accession de Benoît XI au trône de Pierre, et passera ses dernières années dans le couvent de San Lorenzo à Collazzone (Ombrie).


►Un style et une imagerie expressionnistes avant la lettre.

La poésie de Jacopone, anti-intellectualiste et ascétique, inquiète et tourmentée, affirme la négativité du monde et instruit le procès de la vie humaine au moyen d'une langue réaliste, abrupte et puissamment rythmée.
L'art du poète franciscain se déploie pleinement dans la description physique des signes du mal, de la maladie et de la mort, dont l'évocation très crue est renforcée par l'emploi du rude dialecte d'Ombrie.

L'œuvre poétique de Jacopone, dispersée dans d'innombrables manuscrits ou émiettée dans quelques incunables renfermant les œuvres de différents écrivains mystiques, fut imprimée pour la première fois en 1490 à Florence par Francesco Bonaccorsi. L'ouvrage, qui fixait le canon iacoponien à
102 laudes – il en compte aujourd'hui 92 – fut réédité avec quelques variantes en 1495, à Brescia,
par Bernardino di Misenti.

Cette édition publiée en 1514 à Venise par Bernardino Benali (1483-1543) reprend en partie la vulgate de Florence et de Brescia, à laquelle on a ajouté plusieurs pièces nouvelles (authentiques
ou attribuées) et des laudes d'autres auteurs (dont saint Thomas d'Aquin).


►Le volume renferme l'une des premières versions imprimées du Stabat Mater.

Cette célèbre séquence en latin, que plusieurs éditeurs modernes continuent à attribuer à Jacopone, a été mise en musique par les plus grands compositeurs : Josquin des Près, Palestrina, Lassus, Scarlatti, Caldara, Vivaldi, Pergolesi, Haydn, Rossini, Schubert, Liszt, Verdi, Szymanovski, Arvo Pärt... Le Stabat Mater figure ici aux feuillets 115v et 116r. – Voir aussi le n° 637.

►Belle impression vénitienne, très nette, illustrée de 3 jolis bois insérés dans le texte.

La figure du feuillet †8v montre saint François recevant les stigmates : il s'agit d'une "copie inverse de la gravure des livres de liturgie de Stagnino" (Sander) flanquée de deux petites bordures ornementales. En regard, au feuillet a1r : une vignette montrant Jésus, debout sur une pierre, prêchant devant un groupe d'auditeurs ; une lettrine historiée (le Christ en prière).


►Séduisante reliure italienne de l'époque décorée à froid, jamais restaurée.

Un ancien possesseur a inscrit à la plume le nom de Jacopone en exergue de plusieurs pièces ; taches et rousseurs sans gravité ; auréoles brunes dans les marges inférieures, plus prononcées
à la fin du volume ; marge supérieure un peu courte ; coins et coiffe supérieure rognés.

Provenance :
•Leo S. OLSCHKIl, ex-libris (cat. 1910, n° 3117). –
•Bernardine MURPHY, ex-libris.

Gamba, 577. – Sander, 3550. – Essling, 1825. – Adams, J-54. – M. Leonardi, Bibliografia Iacoponica, p. 30. – Jacopone, Laude, éd. F. Mancini, Bari, 2006 (avec le Stabat Mater). – Jacopone, Laude, éd. M. Leonardi, Firenze, 2010 (sans le Stabat Mater). – G. Pozzi, "Jacopone poeta ?", in : Alternatim, Milan, 1996, pp. 73-92.
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