Description
entrelacs, régulièrement espacés, forment des petits fleurons ; couverture, double couverture et dos conservés, tête dorée (Canape).
►Édition originale, rare.
→Elle a été tirée à 200 exemplaires : celui-ci est un des 100 hors commerce.
Publiés anonymement et à petit nombre aux frais de l'auteur, les Poèmes et Œuvres de Barnabooth – alter ego de Larbaud, comme lui dandy richissime, cosmopolite et polyglotte – agacèrent un peu Francis Jammes et André Gide (qui préférait les poèmes à la supercherie biographique) mais imposèrent le jeune écrivain dans le milieu fermé des lettres parisiennes.
"On n'avait jamais vu exprimées avec autant d'intensité les réalités de la vie moderne : non pas la Ville, mais telle et telle ville avec ses rues et ses habitants non pas la Machine, mais un grand rapide international aux 'quatre wagons jaunes à lettres d'or', mais un steamer d'une ligne déterminée". Sans parler de la singulière prosodie post-whitmanienne, "souvent imitée depuis : un vers libre au rythme incertain et comme faux, rappelant la prose, ayant, malgré la fantaisie de certains enjambements, une unité organique, non mélodique" (Michel Décaudin).
Bien complet de la couverture d'origine rose et verte, ainsi que de la deuxième couverture, sur papier jaune et portant un titre différent, tirée pour les 100 exemplaires mis dans le commerce.
►Une longue et belle lettre autographe signée de Valery Larbaud à André Gide, inédite, a été insérée au début du volume.
Ce document de 4 pages in-12 (156 x 113 mm, encre noire, env. 13 lignes par page, pli horizontal) fournit des informations précieuses sur la diffusion du texte de Barnabooth et sur les relations de Larbaud avec Gide et le petit groupe d'écrivains qui allaient fonder, trois mois plus tard, la Nouvelle Revue française.
Séchilienne. 6 août 1908.
Monsieur André Gide.
Monsieur,
je vous ai envoyé un exemplaire de mon livre récemment publié, "Barnabooth". Messein s'était chargé de vous faire parvenir l'exemplaire dédicacé. Or, je reçois, il y a peu de jours, une lettre de Ch. L. Philippe ; il me dit qu'il vous a vu ; qu'il vous a demandé si vous aviez reçu mon livre – et vous ne l'aviez pas reçu. J'ai écrit à Messein, avec lequel du reste – comme conséquence de cette publication – je suis en froid. Messein me répond qu'il a envoyé l'exemplaire qui vous était destiné. La dédicace est : "pour remplacer le manuscrit qui ne vous parvint jamais" (Tunis, 1905). Peut-être avez-vous oublié cet incident. Je vous avais écrit de Tunis pour vous annoncer le manuscrit d'une suite de poèmes que je venais de composer ; et vous m'avez répondu que le manuscrit ne vous était pas parvenu. C'était la seule copie propre que j'en avais. Tout le poème a donc disparu complètement. J'espère que cet exemplaire de M. Barnabooth aura été plus heureux. Je vous serais obligé si vous vouliez bien me dire que vous l'avez reçu ; et comme vous êtes un des hommes en France auxquels je désire le plus plaire, – donnez-moi votre avis sur "Barnabooth".
Dans l'espoir de vous lire, je vous prie de vouloir bien agréer, Monsieur, mes respectueuses salutations.
Valery Larbaud.
En réalité, Gide, qui avait bien reçu le volume, s'était empressé de répondre à Larbaud le 30 juillet 1908, mais les courriers des deux écrivains s'étaient croisés. On peut certes regretter que l'exemplaire proposé ici ne soit pas celui que Gide reçut à Cuverville, mais ce volume n'existe plus depuis longtemps, et pour cause. Voici ce que l'auteur de Paludes écrivait à celui de Barnabooth le 30 octobre 1908 : "Parbleu cher Monsieur j'allais précisément vous écrire ! Oui, – pour vous demander de bien vouloir me remplacer mon exemplaire de Barnabooth que j'ai dû lacérer pour le salon d'Automne, n'ayant point le temps de copier la pièce (Londres) que je désirais qu'on y lût et que Morice demandait d'urgence..."
→Deux corrections par surcharge, quelques reprises orthographiques et calligraphiques, ainsi que la présence de trois points d'interrogations dans les interlignes – le tout de la main de Larbaud – suggèrent l'hypothèse d'un brouillon, sans que l'on puisse déterminer si la lettre a été réellement mise au net et envoyée à son illustre destinataire.
▬On a joint :
•Épreuve du portrait photographique de Valery Larbaud pris en 1915.
Provenance :
•Raoul SIMONSON et
•Charles HAYOIT, avec leurs ex-libris (l'exemplaire ne contenait pas la lettre à Gide, ajoutée depuis par Pierre Bergé).
Correspondance Gide – Larbaud. Cahiers André Gide, n° 14, introduction de F. Lioure, Paris, 1989, pp. 31-36, et note 2 p. 223 :
"Cette lettre n'a pas été retrouvée". – M. Décaudin, La Crise des valeurs symbolistes. Vingt ans de poésie française 1895-1914,
Paris, 2013, p. 356. – En français dans le texte, notice de Patrice Fréchet, n° 343.