Lot n° 79

[STRASBOURG, 1473, IMPRIMEUR CW]. Zacharias Chrysopolitanus. Unum ex quattuor seu Concordantia evangelistarum.[Strassburg, C.W.], 1473.

Estimation : 25 000 / 35 000 €
Adjudication : 20 000 €
Description
In-folio (398 x 280 mm), 182 ff. (a-c10 d8 e10 f8 g-i10 k4 l-p10 q12 r-t10), 2 colonnes, 51/52 lignes.
Exemplaire enluminé et rubriqué.
Basane fauve, petite bordure néo-classique à froid, tranches légèrement teintées de bleu (Reliure du premier tiers du XIXe siècle).

ÉDITION PRINCEPS (et seule édition incunable) du SEUL TEXTE PARVENU JUSQU’À NOUS DE ZACHARIE DE BESANÇON.

Ce personnage énigmatique du XIIe siècle, L’UN DES PREMIERS « SCHOLARS » indépendants des monastères, passa des écoles capitulaires de Besançon à l’abbaye prémontrée de Saint-Martin de Laon, où il dut puiser dans la vaste bibliothèque de l’abbaye qui regroupait de très anciens manuscrits remontant parfois à l’époque carolingienne.
Il commença à Besançon la rédaction de son Unum ex quatuor.
Il y tente une harmonisation des récits des 4 évangiles, grâce à son extraordinaire érudition et à sa connaissance des auteurs classiques, mais aussi de textes exégétiques et patristiques rares (le Diatessaron de Tatien, auteur syrien du IIe siècle de notre ère qui a réalisé l’une des premières harmonies évangéliques, Théophile d’Antioche, Ammonius d’Alexandrie).
Des références montrent qu’il connaissait l’œuvre de son contemporain Abélard dans la version antérieure au procès de 1140.

NON MOINS MYSTÉRIEUX EST L’IMPRIMEUR DU LIVRE, L’IMPRIMEUR CW, « Civis Argentinensis ». Ce typographe tire son nom du colophon d’un Berchorius daté du 7 octobre 1474 (« reductus ad pressas diligenti correcture adjutencia & puncture per C. W. Civem Argentinensem »).
BMC lui donnait 6 éditions. Sa production (elle compte aujourd’hui 18 entrées) a été reconstruite dans un fameux article de Paul Needham à partir du stock des papiers utilisés dans 5 éditions attribuées depuis longtemps, mais sans grande conviction, à Anton Koberger et qu’il rend à CW. Koberger en effet, comme les imprimeurs d’Augsbourg, utilise plutôt du papier italien.

L’activité de CW a été importante et il occupe la troisième position à Strasbourg après Mentelin et Eggestein (P. Needham, « Four Strasburg incunables incorrectly assigned to Anton Koberger of Nuremberg », British Library Journal, 6, 1980, pp. 130-143). Il a produit en moins de 4 ans (entre 1471 et 1474) 531 feuilles d’édition sur papier ordinaire, et 871 sur papier royal. Il est probable que notre édition, qui utilise deux papiers très différents, l’un fin à filigrane de rosette, l’autre épais au filigrane tête-de-bœuf, fut divisée de manière à permettre la composition simultanée et le recours à deux presses.

►NOTRE LIVRE PRÉSENTE LA PARTICULARITÉ, non relevée semble-t-il, d’avoir un COLOPHON IMPRIMÉ DATÉ EN CHIFFRES ARABES, dont nous ne connaissons que 3 autres cas, chez l’imprimeur de Cologne Arnold ther Hoernen, entre 1471 et 1473 (BMC, I, 203).

►LE LIVRE SEMBLE TRÈS RARE SUR LE MARCHÉ. Rare Book Hub et ABPC ne signalent aucun exemplaire passé en vente.

On compte 4 exemplaires seulement dans les bibliothèques américaines (“This book is of considerable rarity in America” constatait déjà en 1967 la Lilly Library en lui consacrant une notice détaillée).

►REMARQUABLE PAGE ENLUMINÉE au début du texte.

Le volume s’ouvre (les concordances sont reliées à la fin, et l’existence de l’ex-libris prouve que c’était déjà le cas au XVIe siècle) sur la première préface consacrée à l’excellence de l’Évangile, « De Excellentia », avec une grande bordure aux emblèmes des quatre évangélistes (phylactères laissés en blanc) et une lettre historiée de l’Agneau pascal. Le prologue de saint Jean (In principio erat verbum) a reçu une belle initiale ornée aux couleurs vives (rose, vert, violet f. b8).

Lettre ornée plus simple, rouge et rose, sur le même feuillet.
Rubrication en majeure partie rouge (un peu de bleu).

Pagination manuscrite contemporaine de l’édition en quatre séquences, une pour chaque livre : 1-43 [44] cahiers b à f ; 1-32 (et 2 n fol) cahiers g à k ; 1-56 (cahiers l à première moitié du cahier q) ; 1-36 (cahiers fin du q – t).

L’exemplaire a été enluminé pour l’abbaye SAINT-MAXIMIN DE TRÊVES : l’écu armorié du premier feuillet – probablement celui d’un abbé – se retrouve sur des reliures de l’abbaye (Ernst Kyriss, « Spätgotische Einbände des Klosters St. Maximin in der Stadtbibliothek Trier », Gutenberg-Jahrbuch, vol. 47 (1972), pp. 345-352, pl. I, fers 7 et 8), sur des livres imprimés de c. 1475 à 1495).

L’ex-libris manuscrit (Ex-libris imperialis monasterii Sancti Maximini), répété à la fin du Liber secundus, est d’une main du XVIe siècle, probablement celle du moine Nicolaus Petreius qui en 1583 réorganisa la bibliothèque.
Acquis par Maurice Burrus auprès de Rossignol en 1939.

Cachets grattés au titre. 4 minimes trous de vers et mouillure pâle (5 cm environ de hauteur) dans le haut de la marge intérieure du feuillet enluminé, petit trou de vers dans la marge supérieure des 13 premiers feuillets ; petite déchirure dans la marge inférieure du f. 21 du premier livre.
Manquent 2 feuillets blancs sur 4 (d8 et f8). Charnière supérieure fendue, gardes tachées et fragilisées par le dégras de la reliure, coins émoussés.

ISTC, iz00013000 – Goff, Z-13 – HC, 5023* – CIBN Z-5 – Zehnacker, 2441 – Bod-inc, Z-002 – BMC, I, 81 – GW, M52010 – Trudo J Gerits, « Notes sur la tradition manuscrite et imprimée du traité «In unum ex quatuor» de Zacharie de Besancon », Analecta Praemonstratensia, t. 42, 1966, pp. 278-303 – The First Twenty-five Years of Printing, 1455-1480: An Exhibition. Lilly Library, Bloomington, 1967 – Frédéric Tixier,
« L’illustration des passages évangéliques dans l’»In unum ex quatuor» de Zacharie de Besançon : tradition iconographique ou innovations plastiques ? », dans Textes sacrés et culture profane : de la révélation à la création, sous la direction de M. Adda, Peter Lang, Berne, 2010, pp. 111-135.
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