Description
♦ Sur le projet de l'historien et essayiste d'éditer Élie Faure dans la collection des « Cahiers verts » qu'il dirigeait chez Bernard Grasset.
Élie Faure envisagea un temps de publier aux « Cahiers verts » ses ouvrages L'Esprit des formes et Montaigne et ses trois premiers nés : Shakespeare, Cervantès, Pascal, mais il se brouilla avec Daniel Halévy et les fit paraître chez Georges Crès, respectivement en 1927 et 1926.
▬ S.l., 24 mars 1921. « Vous êtes très aimable de m'écrire comme vous faites, & très généreux, ce qui ne m'étonne pas de vous. J'avais pris la plume à votre sujet sans penser à ce qui pouvait nous séparer. Et puis tout cela est revenu, si net, que je n'ai pu rien éluder. J'aurais voulu vous envoyer l'article moi-même, mais les bureaux de la revue sont loin.
Quelques soient les agaçants abus, je tiens bienfaisante la versaillolâtrie. Pour les temps où nous sommes, Versailles est une bouée dont il ne faut pas se distraire ; un modèle de lyrisme achevé, conscient & réglé ; car le lyrisme n'est pas une modalité des choses entrevues, désirées, pressenties, comme vous semblez penser...
Peut-être reviendrais-je à vous répondre, mais l'écart que je sens ne diminue nullement le désir que j'ai d'être votre éditeur, & rien n'est changé dans mes dispositions. Vous recevrez d'ici 3 semaines notre premier cahier, puis le deuxième, dont je serai auteur. Je vous en prie, pensez à moi, vous m'avez dit qu'après votre Napoléon [1921] votre travail serait pour moi ; j'y comptais, j'y compte encore. Le puis‑je ? Maintenant si au lieu du Montaigne vous me donnez L'Esprit des formes... »
▬ S.l., 4 août 1922.
« Merci de votre souvenir. Quant au Montaigne, je suis heureux que vous m'en écriviez, je pensais moi-même le faire. Vous vous souvenez que notre première idée avait été de publier ensemble Montaigne & Shakespeare, ensemble Cervantès et Pascal. Je pense vraiment, et non sans regret à cause de votre écrit, qu'il faut s'en tenir à cette première idée. Sans doute je publierai des Cahiers de cent pages. Mais l'encombrement de ma série m'oblige à ménager beaucoup mes publications... Sans doute, un auteur a d'autre vues, et ces vues, croyez bien que le directeur ne les ignore pas, qu'il lui peine de les contredire. Mais cette contradiction est dans la nature des choses, il l'éprouve tous les jours. Je pense même qu'à un certain point de vue, la réunion de Montaigne & de Shakespeare formerait un couple puissant, et que votre définition si neuve et si profonde du scepticisme de Montaigne en paraîtrait éclairée d'une si vive lumière qu'aucun esprit ne vous résisterait. Cervantès & Pascal, dans un ordre tragique, feraient de même un très beau couple. Je vous promets, par exemple, qu'à peine votre Shakespeare en main, je vous publie. Peut-être l'aurez-vous terminé plus tôt que vous ne pensez ; vous en êtes si nourri... »
▬ S.l., 23 novembre 1922. « Je vous ai fait porter votre manuscrit, non sans regret. Je pensais que vous vous étiez rallié aux nécessités, car ce sont vraiment des nécessités, de ma publication. Un engagement de quatre portraits séparés ne pouvait être pris. Mais je compte bien que vous ne serez pas pour cela séparé de mes Cahiers. Vous m'enverrez soit les chapitres dont vous me parlez, soit un portrait. Pourrez-vous monter chez moi samedi ?
Vous rencontreriez Thibaudet, et le jeune Drieu [l'historien et critique littéraire Albert Thibaudet, et l'écrivain Pierre Drieu La Rochelle] dont vous recevrez ces jours-ci un Cahier que vous lirez j'espère... »
▬ Jouy-en-Josas, 7 décembre 1923.
« Le fait est qu'ayant relu votre écrit sur épreuves, mon impression n'a pas été bonne. Obligé d'autre part de resserrer mes Cahiers, je vous ai proposé un autre mode de publication. Rien de plus clair. Reste un passage de votre lettre auquel je dois répondre. Vous m'y exprimez un scrupule dont je peux, je pense, vous relever. Je tiens à vous dire que je vous considère comme tout à fait libre à mon égard. Salutations... »
▬ Joint,
• le brouillon autographe d'une lettre d'Élie Faure à Daniel Halévy (Paris, 2 décembre 1923), dans laquelle il exprime son mécontentement des atermoiements de son correspondant et de la manière « jésuitique » dont il refuse ses textes.