Description
monté ; une quinzaine d'enveloppes conservées.
♦ Nadar marseillais. Après la cession de son affaire parisienne à son fils Paul, en 1894, Nadar vint se fixer un temps à Marseille, en raison de l'état de santé de son épouse et pour tenter de remédier à ses difficultés financières. Il y fonda en 1897 une nouvelle maison de photographie, tenue par des employés, mais où il se réservait les prises de vue des personnalités. En juin 1899, il céda contre rente la direction de cet atelier à deux amies, Germaine Sallenave et Marie Gilard. Cette dernière, surnommée Miche, était la sœur de Suzanne Gilard, l'épouse d'Élie Faure. Le docteur Faure était par ailleurs le neveu d'Élisée Reclus, grand ami de Nadar depuis l'époque de la Commune. Un des célèbres portraits d'Élie Faure fut pris dans l'atelier Nadar de Marseille vers 1903.
► Belle correspondance familière évoquant entre autre son atelier marseillais et ses souvenirs d'aérostier.
Nadar et Élie Faure étaient très proches, comme le soulignent ici le tutoiement, les adresses « mon Élie » et les signatures « Tonton Nadar », et la présente correspondance parle de vacances communes, donne des nouvelles de la belle-sœur d'Élie Faure, évoque des envois de livres, des corrections d'épreuves d'articles de Nadar.
Celui-ci annonce à Élie Faure qu'il va lui léguer ses papiers (octobre 1902) et lui demande de l'aide pour éviter Bicêtre à son frère cadet (« il faut que mon amitié pour toi soit grosse, à tant abuser de la tienne ! », 16 décembre 1902).
▬ Marseille, 19 juillet 1900.
« ... Mon Élie, ma chère Madame Suzanne [épouse d'Élie Faure], comme vous avez été bons pour moi, comme je vous aime !... Si tu vois Tailhade [l'écrivain et publiciste Laurent Tailhade], dis-lui que j'ai l'enthousiasme de ses picrates. Comme c'est bête d'être trop loin et tout à l'heure de claquer sans avoir connu ce qu'on aurait aimé, lui, Gohier [le journaliste Urbain Gohier], – et d'autres encore... »
▬ Marseille, septembre 1900.
« Des personnes ordinairement mal informées t'ont renseigné à mon endroit, mon Élie : défie-toi des gens qui cafardent. Quand il m'arrive, quatre ou cinq fois dans le mois de me donner la jouissance de voir, d'une chaise de café, le défilé de la canebière, pour payer, en toute justice, le loyer de ma chaise, je distille 8 à 10 gouttes de verdoyante [c'est-à-dire d'absinthe] dans un verre d'eau et ça me fait à peu près le même effet que si je prenais mon orgeat avec des lunettes vertes...
Mais c'est cocasse tout de même de m'entendre, à mon retour d'âge, traiter de pochard, moi qui ai passé plus des trois quarts de mes quatre-vingts ans à ne boire que de l'eau, sans jamais –à la lettre – une goutte de liqueur ni de vin !... »
▬ [Probablement Marseille], 1er novembre 1900.
« ... Vous allez vous régaler de deux articles sur-exquis de France [Anatole France] que je viens de leur lire et qu'on m'a tout de suite dit de vous faire goûter... »
▬ Marseille, 7 novembre 1900. « ... En ce moment, comme il est quelque accalmie dans les besognes, nous avons pu profiter du dernier train de plaisir pour envoyer la presque totalité de nos employés à l'Exposition [universelle]... »
▬ Marseille, 18 juin 1901.
« ... Comme tu as raison pour MON Daumier ! » – Marseille, octobre 1901. « En très hâte, – un service à te demander d'archi-urgence... L'ami Borie [André Borie], correspondant du Monde illustré vient me voir et, en parlant du ballon de La Vaux [l'aéronaute Henry de La Vaux effectua des expériences en ballon à paris en 1900], me demande pour son journal un article que j'étais à conclure et dont le clou est un souvenir d'Henri Rivière [le peintre], une bonne fortune d'actualité. Un autre gros illustré parisien avait devancé, mais comme ils ne me soufflèrent mot des conditions et que mes tout à l'heure 82 ans ne sont pas riches, fais ton possible pour courir présenter la chose à ce Monde... ou encore au Matin qui, je crois, ne demandera pas mieux.
La publicité d'un quotidien porte mieux, mais auquel, pour ne pas frayer avec l'ennemi ? Avant tout, rien au Figaro, – et non plus sans la condition première, absolue, de l'ennui des épreuves que je retournerai dare-dare... Encore, au Petit journal, mais, mais ?... d'abord ça va prendre bien de la place. Pour la reproduction des schémas et du texte, Rivière, le journal aura peut-être à raffermir, et préciser l'écriture... – trop fixe dans le modèle et, pour comble, à l'encre bleue sur papier teinté... – La dernière page, rétrospective et personnelle, fait longueur et le morceau devient un peu gros. Mais tu comprends que j'y tienne... – J'ai fait faire la reproduction Rivière selon la justification d'un illustré. Mais ça peut aller d'autant plus pour un quotidien, si tu choisis de ce côté... Je t'envoie par la poste de ce soir un autre tirage du Rivière, plus clair, plus lisible, sur papier citrate – avec une autre signature, meilleure... »
▬ Allevard [Isère], 20 septembre 1902.
« ... Oui, sans doute qu'il faut la condensation par le livre, sans lequel tout est perdu, même pour celui qui écrivit. Et ce peut être parfois dommage. Tu n'as pas là à tâtonner, ne fut-ce que pour tes chers petits qui, eux, doivent se glorifier de leur père. Est-ce le Carrière vers lequel j'allais droit en un convoi d'obsèques ? Transporté que j'étais de son œuvre ? Mais celui-là était sculpteur, sculpteurissime ! S'est-il mis à la peinture ? Pourquoi pas ? Si c'est bien lui, remercie-le pour m'avoir donné la plus haute, la meilleure des sensations humaines : l'admiration. Pourvu qu'il guérisse vite et ne souffre pas trop ! Si tu as une seconde, dis-moi si c'est lui le statuaire dont je vis les merveilles ?... »
Élie Faure était un ami intime du peintre Eugène Carrière, qu'il aidait à guérir d'un cancer en 1902, en l'honneur duquel il organiserait un banquet en 1904, et sur qui il publierait une monographie en 1908.
▬ Marseille, « 31 8bre » [probablement 1902].
« ... Où en est ton Carrière, notre Carrière, qui te préoccupait tant ? Un mot, là ?... Sans épouser à l'heure qui me sonne tes modernités de facture, oui, encore, très bon ton article de Zola [paru dans L'Aurore le 17 octobre 1902, peu après la mort de l'écrivain le 29 septembre 1902]. Ça m'est très bon de retrouver en toi ce qui est moi, de penser comme tu penses, ce que tu penses. J'aurais ajouté q.q. chose à ta pesée comparative de Balzac avec Zola.
Ceci : autant ta conclusion de Zola est saine, humaine, vivifiante, autant de l'autre la résultante est desséchante, léthifère. L'un est resté stérilement tourné sur hier, la mort ; l'autre regarde et voit demain, la vie.
Je crois essentiel d'insister sur la démoralisation, le découragement, la dissolution que nous laisse Balzac, monarchique et papiste. Et parfois que de sottise dans le tranchant de ses affirmations ! Une seule, que je me rappelle textuellement : "Le jeu, cette plaie nécessaire et que le Gouvernement (toujours !) ne nous rétablira que lorsqu'il sera démontré que la France perd ses millions en Allemagne." Trouve-moi quoi de plus niais et de plus impertinent ?... Adieu, parce que je suis las... Et pourtant je ne voudrais pas m'en aller sans avoir fini ce qui me tient à cœur, "Madame Bonne", sans nom d'auteur [« Madame Bonne » était le surnom d'Ernestine, épouse et collaboratrice de Nadar]. Mon vieux et brave J. Wallon (pas celui qui faisait des Constitutions) a dit la belle parole : "Nous devons le témoignage à qui nous donna l'Exemple" [il s'agit de son ami le philosophe Jean Wallon]. Si tu savais quelles belles, grandes et douces histoires dans cette légende de Sainte ! Sainte, saintissime, à ce point sainte qu'elle se passa de toute espèce de Bon Dieu... J'ai commencé, tu penses ; mais je suis si vieux, et si las !... Pourtant c'est là ma vraie dette... Mais c'est si beau : saurai-je ? Comme je voudrais être avec toi, te tenir là, te dire... »
▬ Marseille, 4 mars 1903. « Tu m'as tant et tant bouleversé avec ton Carrière que j'en ai écrit à un brave garçon que je vis débuter magistralement : j'ignore ce qu'il fait maintenant et s'il ne s'est pas démenti. Je ne saurais mieux faire que t'envoyer sa réponse. À ça, deux raisons : ne pas te déplaire, à coup sûr – puis invoquer ton attention sur ce peintre, Mita de son nom [Georges Mita], qui va tout à l'heure ouvrir une exposition particulière d'où peut dépendre son avenir, me dit-il. C'est un oiseau bizarre que j'ai connu, alors tout jeune, peignant, sans maître et sans le sou, des paysages très intéressants déjà. Une fois, à notre ex-ermitage de Sénart, je lui dis : "Tu vas faire mon portrait !". – "Mais, Mr, jamais je n'ai peint une figure !" – "Tu vas peindre mon portrait !". Tu vas le voir, si possible à toi, ce portrait qui est loin de pâlir à côté du très beau de Carolus [le peintre Carolus-Duran avait réalisé un portrait de Nadar en 1896]. Pour moi, ça vaut un [Gustave] Ricard et ça descend de la famille des Van Dyck... »
▬ Villa Saint-Dizier à Cannes, 9 février 1904. « Comme nos cœurs sont avec vous, pauvres chers amis ! et avec celui, si grand, le patriarche, qui s'éteint là-bas, et avec notre Élisée – et le fils ici tant aimé – et tous ceux qui ont connu, admiré, adoré celui qui s'en va... T'ai-je dit (mais oui, me semble) que j'avais cru bon de remettre un peu de bois dans le poêle de Cl. Hugues ? Vois, vois en quels abaissements la décrépitude peut réduire un ancien jeune homme qui donna, dit-on, quelques espérances... » Nadar évoque ici l'homme politique anarchiste et ethnologue Élie Reclus, oncle maternel d'Élie Faure, qui allait mourir le 11 février 1904 ; un des frères d'Élie Reclus, le géographe anarchiste Élisée Reclus ; le fils du même Élie, l'ingénieur Paul Reclus, tout autant anarchiste ; et l'écrivain et homme politique Clovis Hugues, ancien communard marseillais.
▬ Joint :
• Un brouillon autographe de lettre de Nadar au verso d'une page autographe d'un texte de lui sur Élisée Reclus (ce brouillon accompagnait la lettre de Nadar à Élie Faure du 2 octobre 1905). –
• Une carte de visite autographe signée de Nadar à Clovis Hugues devant servir de recommandation à Élie Faure auprès de lui (s.l.n.d.). – • 2 cartes autographes signées de Nadar à des journalistes (dont une à Philippe Gille) par lesquelles il demande d'annoncer la vente aux enchères des collections de son ami l'écrivain et aquafortiste Aglaüs Bouvenne (toutes deux datées de Dax le 1er novembre 1891). –
• Une lettre adresse à Nadar par un ami (1891).