Lot n° 302

LAGRANGE (Joseph). 3 lettres autographes signées au futur Maréchal Jean Lannes. Marseille, 1801.

Estimation : 500 / 600
Adjudication : 900 €
Description
Dont 2 avec mouillures dues aux mesures prophylactiques de l'époque au lazaret.

♦ Lettres intimes du général, de retour d'Égypte où il avait combattu avec Lannes (ce dernier étant rentré plus tôt, avec Bonaparte). Tous deux originaires du Gers, ils avaient noué une forte amitié qui ne se démentirait jamais.

▬ Lazaret de Marseille, 12 brumaire an X [3 novembre 1801]. Très belle lettre :
« ... Ma quarantaine finit le 22 de ce mois, ainsi ne me retarde pas et réponds moy le plus tôt possible, principalement pour la demande de la permission, ou l'ordre que je t'ay prié d'obtenir pour moy du ministre de la Guerre, afin de pouvoir me rendre à Paris.
Et ensuite, pour les effets que le Général Bonaparte avoit laissé en Égypte, et dont la plupart... ne valent pas la peine d'être envoyés. Quoique j'en aye fait prendre le plus grand soin, la mer en a cependant gatté une très grande partie, du reste... l'argenterie... étoit de peu de valeur.

Toutes les troupes du Kaire sont presque... arrivées.
Celles d'Alexandrie arrivent à force... À quelques hommes près plus soigneux de leur fortune que de leur honneur, l'armée... rentre pauvre, il luy est dû un arieré considérable. Il n'en est pas de même des employés aux administrations ou à la trésorerie presque tous sont riches et les personnes qui ont voyagé avec eux disent qu'il est inconcevable, l'argent que tous ces gens empochent. Ces hommes nous ont encore fait beaucoup de mal ; tu penses bien que, leurs poches étant pleines, ils n'ont pas été des derniers à s'acoler à ce parti qui constament a voulu l'évacuation de l'Égipte, même quelque honteuse qu'elle peut-être. Que veux-tu... chés eux l'honneur n'a pas pu balancer l'argent ; quelle misérable et détestable engeance ?... »

▬ Lazaret de Marseille, 15 brumaire an X [6 novembre 1801]. Lagrange remercie Lannes qui lui a offert un crédit sur lui et une voiture.
Il lui annonce sa venue à Lectoure (ville natale de Lannes).

▬ Marseille, 28 brumaire an X [19 novembre 1801].
« Me voici enfin... sorti du Lazaret depuis trois ou quatre jours... J'ay fait remettre chés le Général Cervony tous les effets appartenant au gal Bonaparte. Si tu me marques leur destination avant que je quitte Marseille, on s'y conformera ; dans tous les cas le Gal Cervoni fera passer tout à Paris.

Je viens aussi... de faire partir à ton adresse une caisse renfermant deux quintaux de caffé moka d'une excellente qualité ; tu le partagera avec madame Bonaparte à laquelle je te prie de le présenter de ma part. Je l'ay remis à Rap qui s'est chargé de te le faire passer exactement.
À peu de choses près toute l'armée est arrivée. Le Général Menou est à Toulon, et doit y faire sa quarantaine ; Rampon... et tous les autres sont ici au Lazaret.
J'ay écrit plusieurs fois au ministre depuis mon arivée, non seulement il ne m'a pas répondu, mais encor il ne m'a pas accusé la réception du rapport que je luy ay adressé d'une partie des événemens qui se sont gravés en Égipte. Que signifie ce silence, je n'en sais rien ?

Et-ce ainsi qu'on traite ceux qui ont tout bravé pour soutenir l'honneur et les intérêts du Gouvernement ?
Si, comme les autres, j'eusse voulu m'enrichir et trahir mes devoirs, certes, je ne me fusse pas fait d'ennemis.
Persuade-toi bien... qu'il y a eu des époques où aucune séduction n'a été négligée et qu'il a falu peut-être du courage pour y résister, mais je l'ay fait, parce que c'étoit mon devoir. En cela, j'ay le témoignage de ma conscience et cela me suffit... »
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