Lot n° 304

CORVISART (Jean-Nicolas). Lettre autographe signée [au futur Maréchal Jean Lannes]. Paris, 22 germinal an X [12 avril 1802]. 3 pp. in-4.

Estimation : 600 / 800
Adjudication : 600 €
Description
► Superbe lettre spirituelle de son ami le plus proche évoquant l'arrivée de Lannes à son poste d'ambassadeur à Lisbonne.

« Enfin, mon cher Général, par la grâce de Dieu, de st Jacques de Compostelle, de Notre Dame de Castille et de tous les saints et saintes révérés en Espagne, vous voilà donc à Lisbonne après le plus charmant voyage ?
Vous êtes né coëffé ou je ne m'y connais pas.

Tout autre que vous, en traversant les pays que vous avez parcourus, aurait embourbé, versé, brisé mille fois ; mais le doigt de la Providence ne vous a pas abandonné, pour quoi vous lui devez, au maître-autel de la métropole portugaise, un beau Te Deum en faux-bourdon.
Invitez votre secrétaire particulier Heim [Alexandre Heim] à y chanter sa partie ; il a une très belle voix, sans que ça paraisse, et une très belle bouche comme vous savez, vous verrez qu'il enchantera tous les fidèles de la ville capitale qui ont du goût pour la musique de la chasse au lion.

À propos de votre secrétaire, dites-moi bonnement, vous ai-je trompé ? Bon enfant, bon caractère, serviable, intelligent, honnête homme. Écoutez, si vous en êtes mécontent, f...-le à la Sainte Inquisition, et faites-moi brûler le faquin dans un joli petit auto-da-fé.

C'est un spectacle dont un ambassadeur peut bien se régaler sans tirer à conséquence. Je voudrais voir la grimace qu'il ferait, il a tout ce qu'il faut pour être plus laid que le Diable, quand il commencerait à sentir le chaud. Dites-moi donc, général, entre nous (car il ne faut pas que les Relations extérieures le sachent), dites-moi, est-il vrai qu'il vous a été dit, dans vos instructions secrètes, de m'envoyer de tout ce que vous trouveriez de bon sur votre route ? Pruneaux, cuisses d'oies, jambons, et puis du vin qui va venir, et puis... et puis... ma foi le Gouvernement n'a pas pu mettre plus de délicatesse dans sa conduite envers mon estomac.
Malgré cela, comme je ne suis sensé connaître que vous dans cette affaire, et que vous avez bien gardé le secret, c'est à vous que j'en dois les remercîmens ostensibles.. Je tue toujours, par ci par là, quelques lapins. Nous avons été décadi dernier à St-Germain où nous avons fait une jolie chasse. En passant, nous avons apperçu la Garenne de Colombe, et j'ai juré, sacré après vous, tout comme si vous aviez été là présent dépouillé tout un de vos qualités ; car, à la réflexion, je sais qu'on ne jure point la personne d'un plénipotentiaire.
Qu'elle me permette cependant d'oublier la qualité éminente pour lui dire dans le langage de la simple amitié :

"Adieu, mon cher Général, je vous embrasse, et je vous souhaite joie, santé et prospérité au gré de vos désirs... »

Grand clinicien, Jean-Nicolas CORVISART (1755-1821) chercha à donner des bases scientifiques à la médecine en la fondant sur l'anatomie pathologique. Il utilisa la méthode de percussion pour le diagnostic des maladies cardiaques et créa l'enseignement clinique au lit du malade. Il fut le médecin personnel de Napoléon Ier.
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