Lot n° 88

Charles-Maurice de TALLEYRAND. L.A., Paris 17 février 1797, à MOREAU DE SAINT-MÉRY à Philadelphie ; 4 pages in-4.

Estimation : 1 500 / 1 800 €
Adjudication : 1 517 €
Description
► TRÈS INTÉRESSANTE ET LONGUE LETTRE POLITIQUE À SON COMPAGNON D’EXIL RESTÉ AUX ÉTATS-UNIS, SUR LA SITUATION EN FRANCE OÙ TALLEYRAND EST RENTRÉ QUELQUES MOIS AUPARAVANT.

Il n’a pu tirer que 80 livres de la vente de « la vente de votre partie espagnole […] Les livres ne se vendent point : tout ce qui est plus gros qu’une brochure de poche reste chez le libraire. Les journaux prennent à eux seuls le temps de ceux qui lisent ; les autres ne lisent point. Tenez vous cela pour dit pour les envois que vous voudriez faire en France »…
Les élections législatives « occupent tout le monde ; tous les moyens sont employés pour arriver à la législature, on s’agite dans tous les sens. Les calomnies sont plus actives que jamais : mon opinion est cependant que malgré les réacteurs et malgré les anarchistes, les élections seront bonnes »…
Les fidèles amis de MOREAU DE SAINT-MÉRY, « dévoués à la vie à la mort », lui cherchent un poste administratif, et essaient de le faire nommer « professeur de législation aux Écoles Centrales de Paris. La place vaut 4000 francs ». Talleyrand a réussi à obtenir des promesses de certains membres du jury, mais on parle de supprimer les chaires de législation. Il promet de suivre cette affaire, et en cas d’échec d’en trouver une autre :
« Mon opinion est qu’il y aura après le germinal, auquel on renvoye toutes choses, de grands changements dans l’administration : tous les partis en veulent. Alors nous chercherons, en réunissant tous nos efforts à enlever une place qui vous appelle ici, et qui vous y donne l’indépendance sans trop de travail. […] moi qui suis paresseux et qui trouve un grand plaisir dans l’étude, je stipule pour mes amis comme pour moi »…
Il revient aux élections :
« Le choix dans les partis n’est pas encore arrêté pour le directoire » : on parle de Cochon, de Benezech, de Merlin de Douai…
« Votre ville de Paris est extrêmement peu révolutionnaire, vous ne la reconnoitriez pas. Pour occuper de quelque chose la crédulité de M.M. les parisiens, on les effraye avec une faction d’Orléans qui est d’autant plus dangereuse qu’elle est invisible. Elle se trouve partout, et on ne la voit nulle part ; on me fait l’honneur de me regarder comme un des chefs de cette savante faction. Cela me paroit sortir des boutiques de prêtre qui travaillent assez à présent »…

Il lui promet de suivre ses affaires, a abandonné tout projet dans les colonies, et en Louisiane, où le problème diplomatique n’est toujours pas réglé…

« Il est probable que je serai député et que DESMEUNIER le sera. Ce qui pourroit nous en empêcher, ce sont les vendémiairistes qui ont des voix en grand nombre à Paris »…
Il a envoyé à Liancourt « les conspirations du tems et le livre de Mme de STAËL, cela vous intéressera. »

♦ Lettre publiée par Michel Poniatowski dans Talleyrand aux États-Unis, p. 605.
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