Lot n° 148

Charles-Maurice de TALLEYRAND. 10 L.A.S. (2 non signées), 1830-1832, à son homme d’affaires Philippe RIHOUET ; 19 pages in-8 ou in-4.

Estimation : 7 000 / 8 000 €
Adjudication : 5 688 €
Description
► IMPORTANTE CORRESPONDANCE RELATIVE AU CHANTAGE EXERCÉ PAR L’ANCIEN SECRÉTAIRE DE TALLEYRAND, GABRIEL PERREY, QUI AVAIT QUITTÉ LE Prince EN EMPORTANT DES PAPIERS COMPROMETTANTS.

─ 21 [mai 1830]. Après avoir évoqué des affaires à Selles et à Saint-Aignan, il en vient à PERREY :
« Je trouve votre première conversation avec l’homme de la rue de Vaugirard très bonne. Mais il en faut une seconde pour finir quelque chose.
→ Vous avez très bien fait de lui dire et de lui montrer que vous ne seriez pas sa dupe.
→ Tous les papiers que vous, vous P. avés dit à moi ou à mon fils avoir doivent m’être rendus. Cela convenu, qu’est-ce que vous voulés, que moi honnête homme je puisse dire, je le ferois ; et je serois fondé à croire, par la grande confiance que l’on a en moi, que ce dont je conviendrai sera approuvé et ratifié immédiatement. → Je trouve l’affaire bien entamée : aujourd’huy, il doit vouloir finir
→ car si je manquais, il n’aurait rien, c’est bon à lui dire. La réputation d’un secrétaire infidèle le repousseroit de partout »…

─ Londres 9 novembre. Il a demandé un consulat dans la Méditerranée pour Perrey à MOLÉ, qui ne lui a pas répondu à ce sujet, et va le demander à Mr le gal MAISON : « Si cela ne réussissoit pas à cause de la quantité de demandes faites par des personnes déjà dans la carrière, j’entrerai dans l’idée que vous avez eue d’autoriser la réversion de la rente viagère que je fais, à Mde Perrey sur ses filles : je la crois de trois mille francs ce seroit pendant leur vie quinze cent francs pour chacune.
→ Ce que je fais là me répugne dans ma manière de voir, mais je m’y prêterois parce que vous me le proposez.
→ Je m’en rapporte sur cela à ce que votre bon jugement vous fera faire : je vous autorise à faire ce que votre excellent esprit vous présentera comme ce qu’il y a de mieux. […] S’il y a consulat c’est fini par ce moyen : s’il n’y a pas consulat c’est fini par la réversion »… Il termine en évoquant des « désordres » à Londres provoqués par « quelques interprétations données aux discours des Ministres […] Le 16 la motion de Mr BROUGHAM sera bien ou mal reçue »… Bien reçue, « le ministère anglois aura de la peine à rester : si elle l’est mal, tout sera fini »…

─ 10 décembre. Il donne l’instruction d’en finir avec « l’homme de la rue de Vaugirard. Donnés-lui la réversion pour ses filles contre les papiers que vous connoissez, contre ceux qu’il a indiqués à vous et à Monsieur votre fils, et faites-lui faire un écrit qui regarde comme controuvée toute publication qui pourroit être faite par lui ou les siens.
→ Gardez les papiers qu’il vous remettra. […]
Ensuite je le recommanderai pour un consulat : cela réussira ou ne réussira pas, je ne prends point d’engagement parce que cela ne dépend pas de moi : mais je demanderai. Cela ne peut pas entrer dans l’écrit qu’il fera »… Il s’inquiète des mémoires de M. de MAUBREUIL : « Y tiens-je une grosse place ? Sur qui portent ses hostilités ? »…

─ 23 décembre. Il aimerait croire à quelque exagération dans les rapports : « je désire me tromper, et j’y aurois du plaisir à l’égard d’une personne qui a possédé toute ma confiance pendant beaucoup d’années et à qui j’ai cherché à donner une position heureuse et à rendre la vie douce. Je ne sais jusqu’à quel point les craintes de Mr Perrey sont fondés relativement à sa pension sur les postes, mais j’apprécie celle qu’il vous a dit avoir au sujet du sort de ses enfants ; cette considération qui m’a frappé me détermine à vous autoriser à donner à Mr et à Mde Perrey l’assurance d’une pension des trois mille francs dont jouit Mde Perrey, sur la tête de ses deux enfants. Je n’y mets d’autre condition que celle de la remise des papiers que Mr Perrey vous fera franchement loyalement et complettement, de toutes les lettres, mémoires, papiers, et documents dont il est saisi ainsi que de ce qu’il pourroit avoir de Mde de DINO ou qui la concerneroient ». Cela ne l’empêchera pas de renouveler sa demande d’une place de consul…

─ 24 décembre. « Dans la reddition de papiers, vous aurez à vous rappeller tout ce que Mr Perrey a dit à vous et à Monsieur votre fils. Le portefeuille où étoit la correspondance du congrès de Vienne dont il vous a parlé, les lettres de moi à Mde de DINO qui lui ont été données par son ami Jeanbony [Giamboni]. Il faut les exiger […] Les mémoires prétendus de Mde de Dino doivent aussi vous être remis. → En tout ce qu’il faut c’est qu’il rentre dans la vie d’un honnête homme ; il est encore jeune : il peut se bien placer dans le monde où actuellement par son bavardage, il l’est fort mal »…

─14 mars [1831]. Il remercie des soins donnés « pour terminer l’affaire Perrey. Il ne m’a point écrit : mais cela m’est à peu près égal, je sens que la rédaction de sa lettre doit être difficile, brulez tout ce qu’il vous a remis, c’est ce qu’il y a de mieux à faire, après en avoir fait un petit inventaire »… Il ajoute : « Comment avez-vous trouvé le protocole [de la conférence de Londres] du 19 février qui a été imprimé dans les journaux de Paris ; j’y mets de l’intérêt »…

─ 30 mars. Il veut bien croire qu’on a prêté à Perrey de mauvaises intentions. « Ceci devroit lui servir de preuve qu’il place mal sa confiance, et qu’à force de se vanter de pouvoir et de vouloir me faire du mal à moi et aux miens, il a donné mauvaise opinion de lui-même. […] il faut qu’il change complettement pour que non seulement moi, mais toutes les personnes sur lesquelles il croit pouvoir compter, pour que dis-je nous puissions obtenir quelque chose pour lui. Je voudrois véritablement le tirer de la position où il est : mais je le répète, il faut qu’il change, et qu’on le sache : car il a disposé le public à croire à toutes les accusations d’ingratitude que ses propres confidences à tant de personnes ne lui épargnent pas »…

─ 23 mai. En réfléchissant sur le voyage de Perrey, « et sur tout le bavardage qu’il fesoit en parlant sur les papiers du Congrès de Vienne, j’ai dû soupçonner qu’il est en Angleterre et qu’il va à Bristol pour faire imprimer cette correspondance qui a été volée chez moi. Il dit que c’est sur une copie des Affaires étrangères qu’il a fait faire la sienne, je ne le crois pas ; parce qu’il m’a parlé des lettres du 18, et que les lettres de Louis dix-huit n’étoient point à ce que je crois aux Affaires étrangères, mais se trouvoient avec les lettres que j’avois écrites et qui étoient dans le portefeuille qui m’a été volé. C’est là ce qui m’est resté dans l’esprit au milieu du dévergondage de paroles que je n’ai pas interrompu, mais qui certainement a duré plus d’une demie heure.
→ Du reste cela s’éclaircira : et si cela prouve que Mr Perrey est et menteur et voleur cela vous étonnera moins que personne. C’est une fatalité d’avoir eu dans sa maison un homme de cette espèce recommandé par les plus honnêtes gens du monde »…

─ [Bourbon l’Archambault] 21 [juillet 1832]. On ne peut empêcher, « si l’on publie quelque chose sur moi ou sur les affaires dont j’ai été chargé, qu’on ne le lui [Perrey] attribue.
→ Il s’est mis par son bavardage dans cette position-là.
→ Aussi en vérité c’est plus pour lui que pour moi que je désire qu’il n’imprime rien sur le congrès de Vienne, il feroit une vilainie qui tourneroit particulièrement contre lui.
→ Mr SEBASTIANI [Ministre des Affaires étrangères] ne répond pas à un homme qui s’est occupé de déblatérer contre le gouvernement depuis qu’il existe.
→ Sa femme et ses filles que j’ai vues à mon passage à Paris me fesoient une pitié extrême »…

─ [Rochecotte] 13 septembre [1832] : « tout cela est du bavardage de Mr Perrey. JAMAIS pas une fois son nom n’a été prononcé par moi depuis cinq ans. Il veut faire du bruit, faire de l’importance : laissez-le faire. Il s’est trop fait connoître par lui-même, par les gens avec lesquels il vit, par les projets qui roulent dans sa tête pour que tout ce qu’il fera pour le public ne retombe sur lui, – ce qui fait que je n’en parle pas dans aucune circonstance, c’est que les gens bien élevés ont pour eux-même du respect pour les personnes qui ont vécu familiairement chez eux.
→ Si Mr Perrey avoit bien voulu ne pas se décréditer partout par son bavardage ; je l’aurois fait placer, et je le désirois assez pour être sûr du succès, dans quelque grand consulat qui lui auroit convenu, mais son bavardage et ses liaisons arrêtent tout le monde »…
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