Lot n° 9

Gaston CHAISSAC (1910-1964). L.A.S., [1951 ?] ; 2 pages in-4.

Estimation : 1 000 / 1 200 €
Adjudication : Invendu
Description
♦ LONGUE ET INTÉRESSANTE LETTRE SUR L’ART CONTEMPORAIN, L’ART BRUT ET JEAN DUBUFFET, faisant allusion à son propre livre, Hippobosque au bocage.

« Il n’est pas sûr que je parviendrais à faire autorité en matière artistique mais je pourrais peut-être y parvenir indirectement en signalant des artistes » ; il est assez bien placé pour qu’on l’imprime, même lorsqu’il parle de gens qu’on ne connaît ni d’Ève ni d’Adam, mais il est plutôt porté à mettre en vedette des non-artistes, ou tout bonnement le premier venu.
« Les conceptions d’ailleurs peuvent varier, ainsi Jean DUBUFFET a attendu d’être divorcé et remarié pour plonger dans son art brut. Et qui sait s’il n’a pas voulu devenir célèbre (il était homme à le devenir plus tôt) pour que sa fille résiste à ceux qui peuvent s’escrimer à la détacher de lui. On tient toujours, à un père célèbre. Peut-être encore a-t-il voulu affubler les siens d’un parent des plus surprenants. Il me semble qu’il fait trop un plat de l’art brut pour en être l’apôtre dans l’âme. Il peut se donner en spectacle pour un public, pour un seul peut-être. Et malgré toute l’encre qui a coulé à son sujet sans doute n’a-t-on pas encore mis le doigt sur le principal. Je l’ai vu lui et sa femme spectateurs du portrait qu’il peignait de PONGE [Personnage hilare (portrait de Francis Ponge), 1947, Stedelijk Museum Amsterdam]. Ils riaient tous deux à s’en donner mal aux côtes et ce fut pour moi des plus inattendu après les avoir vu dans une attitude d’un tout autre numéros. Peut-être jouaient-ils un rôle pour moi l’écrivassier capable d’ajouter à la légende. D’autre part, est-ce par Hasard ou non qu’il m’a connu par PAULHAN ? Il n’est pas impossible qu’ils aient songé à me faire jouer un rôle, puis un autre après avoir vu que je ne correspondais pas à l’idée qu’on se faisait de moi. Mais comme l’idée qu’ils purent ensuite se faire de moi ne correspondait, ne pouvait pas davantage correspondre à la réalité, ils peuvent en être restés à tirer des plans sur la comète pour me combiner un rôle à jouer et qu’ils n’y renonceront de sitôt »…
Il parle ensuite d’un article de MONTARON paru dans Ouest-France (édition de Vendée) :
« après s’être permis de traiter Picasso de faux primitif, il dit que personne ne peut dire si je suis un non un farceur. Il dit aussi qu’on ne peut encore juger de la valeur d’Hippobosque au bocage ni de son art futur mais que mes lettres “invraisemblable” eurent à la longue plus de succès que ma peinture dont il dit simplement que je barbouille drôlement le papier d’emballage. Il ne nie d’ailleurs pas mon tempérament artistique qu’il considère comme l’énigme 1ère. Et il fait suivre son article de mon poëme J’en reste sardine. Même lorsqu’il me concerne, je préfère les articles le mieux écrits quand même me dénigrent-ils.
Ce Montaron me traite encore de palefrenier amateur alors que j’avais justement voulu ne pas être un garçon d’écurie autodidacte. […] Je me réjouis plutôt de l’attitude des lettres françaises à mon égard car perchant dans le pieux bocage vendéen je pourrais pâtir d’être l’enfant chéri des communistes »…
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