Lot n° 1224
Sélection Bibliorare

SAND George (1804-1876). 29 lettres (12 L.A.S. et 17 L.A.), 1834-1862, à Franz LISZT et/ou à Marie d’AGOULT ; environ 157 pages in-4 ou in-8, 12 adresses (2 lettres incomplètes, une du début, une de la fin) ; la plupart montées sur...

Estimation : 40000 / 50000
Adjudication : 49 400 €
Description
onglets en un volume in-8 demi-maroquin grain long vert à coins, dos orné, étui (Semet & Plumelle).
► Magnifique correspondance romantique, littéraire et artistique, entre George Sand « Piffoel » et les « Fellows » Franz Liszt et sa maîtresse Marie d’Agoult.
Ayant noué des relations d’amitié à Paris, George Sand, accompagnée de ses deux enfants (les « Piffoels », à cause du nez de Sand), ira retrouver en Suisse Franz Liszt et Marie d’Agoult (les « Fellows »).
Ils séjourneront ensuite ensemble à Paris et à Nohant, avant qu’une brouille les sépare.
8 lettres sont adressées à Franz LISZT, 17 lettres à Marie d’AGOULT, et 4 lettres adressées aux deux. Seule la première lettre est signée « George Sand » ; cinq sont signées « George », une « GS », et cinq « Piffoel » (une sous forme abrégée « Piff »). [Voir au n° 1167 une lettre de Liszt à George Sand.]
Nous ne pouvons donner ici qu’un rapide résumé de cette riche et belle correspondance, dont cinq lettres dépassent la dizaine de pages. Nous renvoyons à la fin de chaque lettre à la Correspondance publiée par Georges Lubin.
♦ [Paris 6 ( ?) décembre 1834] à Franz LISZT (2 p.). Elle ne peut se rendre à son concert : « Je suis d’autant plus fâchée de ne pas vous avoir vu ce soir, que je suis maintenant plus présentable. Vous m’avez vue imbécile et folle, vous m’auriez vue contente […] Peut-être avez-vous prié Dieu pour moi ». Elle s’absente quelques jours : « à mon retour […] vous m’amènerez Berlioz, je ne vous en tiens pas quitte »… [II, n° 862, p. 760]
♦ [Paris 6 ( ?) décembre 1834] à Franz LISZT (2 p.). Elle ne peut se rendre à son concert : « Je suis d’autant plus fâchée de ne pas vous avoir vu ce soir, que je suis maintenant plus présentable. Vous m’avez vue imbécile et folle, vous m’auriez vue contente […] Peut-être avez-vous prié Dieu pour moi ». Elle s’absente quelques jours : « à mon retour […] vous m’amènerez Berlioz, je ne vous en tiens pas quitte »… [II, n° 862, p. 760]
♦ [Paris, 19 ( ?) janvier 1835] à Franz LISZT (1 p.) :
« dites-moi que vous n’avez pas de reproche à me faire dans tout ceci, que vous n’êtes pas blessé de mes tristes façons d’agir et que vous conserverez en vous-même un souvenir mélancolique et affectueux pour les cinq ou six heures de votre vie que vous avez passées avec le vieux oncle » [à la suite de rumeurs sur leur liaison, elle avait prié Liszt de ne plus lui rendre visite]. [II, n° 883, p. 794]
♦ Nohant [18 octobre 1835] à Franz LISZT (5 p.).
Elle a failli arriver pour son concert :
« je fusse entrée avec mes guêtres crottées et mon sac de voyage […] J’aurais dit : “Messieurs, je suis l’agréable auteur de bagatelles immorales qui n’ont qu’un défaut, celui d’être beaucoup trop morales pour vous et comme je suis un très grand métaphysicien, par conséquent très bon juge en musique, je vous manifeste mon mécontentement de celle que nous venons d’entendre, et je vous prie de vous joindre à moi, pour conspuer l’artiste vétérinaire et le voyou musical que vous venez d’entendre cogner misérablement cet instrument qui n’en peut mais”. – à ce discours superbe, les banquettes auraient plu sur votre tête »…
Elle le rejoindra bientôt :
« Vous me nourrirez bien pendant une quinzaine : je fume plus que je ne mange »… Elle doit d’abord régler ses affaires :
« Je prends possession de ma pauvre vieille maison que le noble et puissant baron Dudevant, veut bien enfin me rendre et où je vais m’enterrer avec mes livres et mes cochons, décidée à vivre agricolement, philosophiquement et laborieusement […] Je suis maintenant avec mes enfants dans la chère vallée Noire. Michel [de Bourges] est en prison à Bourges ».
Elle se repose beaucoup et s’occupe à des plaisirs tranquilles.
« Au fond, je ne suis pas gai. Peut-on l’être, tout à fait, et avec sa raison ? non. La gaieté n’est qu’un excitant, comme la pipe et le café ». [III, n° 992, p. 63]
♦ [Nohant, début janvier 1836] à Marie d’AGOULT (12 p.).
« Genève est donc habitable en hiver, que vous y restez ? Comme votre vie est belle et enviable ! ». Elle regrette de n’être pas née sous les mêmes auspices que son amie, mais il n’est pas question de jalousie, bien plutôt d’admiration et d’estime. Elle revient longuement sur l’idée de « non-supériorité des diverses classes sociales » développée par Marie… Elle fait des confidences sur sa timidité et son caractère méfiant : « Tout le monde me croit l’esprit et le caractère fort audacieux. Mais on se trompe. J’ai l’esprit indifférent et le caractère quinteux. Je ne crains pas, je me méfie, et ma vie est un malaise affreux quand je ne suis pas seule, ou avec des gens avec lesquels je me gêne aussi peu qu’avec mes chiens. […] l’espèce humaine est mon ennemie, laissez-moi vous le dire. J’aime mes amis avec tendresse, avec engouement, avec aveuglement. J’ai détesté profondément tout le reste […] j’ai bien peur que ce ne soit là ce que l’on appelle l’égoïsme de la vieillesse »...
Elle évoque leurs premières rencontres et développe longuement sur son sens de l’amitié :
« Je ne vous aime pas encore. Ce n’est pas parce que je ne vous connais pas assez. […] C’est vous qui ne me connaissez pas assez, et ne sachant si vous pouvez m’aimer, telle que je suis en réalité, je ne veux pas vous aimer encore. C’est une chose trop sérieuse et trop absolue pour moi qu’une amitié. […] Arrangez-vous donc pour que je vous fasse entrer dans mes yeux, dans mes oreilles, dans mes veines, dans tout mon être et vous saurez alors que personne sur la terre n’aime plus que moi, parce que j’aime avec cynisme, c’est-à-dire sans rougir de la raison qui me fait aimer et cette raison, c’est la reconnaissance que j’ai pour ceux qui m’adoptent »…
Elle attend à Nohant la décision du tribunal actant la séparation avec son mari :
« Je ne reçois personne à cause des convenances Oh ! Oh ! oui, parole d’honneur, je fais de l’hypocrisie, je mène une vie monacale »… [III, n° 1069, p. 222]
♦ [Bourges, 26 ( ?) février 1836] à Marie d’AGOULT (4 p.). « Je suis accablée d’affaires, de travail et de courses. […] Vous me parlez de cœur et de bourse. Non, cela n’est pas inconvenant, l’offrir ou l’accepter est le plus saint privilège de l’amitié »… Elle a gagné son procès contre son mari : « J’ai mes deux enfants à moi ». Ne sachant si la partie adverse fera appel, elle reste sur ses gardes et ne sera pas disponible avant le printemps… Elle exhorte Marie à l’écriture : « Écrivez sur le sort des femmes et sur leurs droits ; écrivez hardiment et modestement, comme vous sauriez le faire, vous. […] En lisant votre lettre, je m’étonnais (le mot est modeste) de votre incommensurable supériorité sur moi. Faites-en donc profiter le monde »… [III, n° 1103, p. 289]
♦ [La Châtre 15 mai 1836] à Franz LISZT (14 p.). « J’ai regagné mon procès, ma fortune et mes enfants », c’est ce qui l’empêche de faire des projets de voyage avec ses amis. Elle a passé un mois à Paris où elle a vu Meyerbeer, Heine... « Je n’ai pas vu MUSSET […] je ne pense plus à lui depuis longtemps, et même je vous dirai que je ne pense à personne dans ce sens-là. Je suis plus heureuse comme je suis, que je ne l’ai été de ma vie. La vieillesse vient. Le besoin des grandes émotions est satisfait outre mesure. J’ai par nature le sommeil paisible, et le caractère enjoué. Les affections saintes et durables sont ce qu’il faut, après trente ans d’une vie ravagée par tous les hasards »... Quant à Liszt : « Vous êtes heureux, vous êtes jeune ; belle chose que l’amour à vingt ans ! […] Je crois que vous avez trouvé un trésor dans M[arie]. Gardez-le toujours. Dieu vous en demandera compte au ciel, et si vous n’en avez pas bien usé, vous serez privé pour l’éternité du son des harpes célestes. Moi, je suis bien certaine de n’entendre en l’autre vie que les guimbardes du diable et la grosse caisse de l’enfer. J’ai eu un trésor aussi. C’était mon propre cœur, et j’en ai mal profité. Ce qui nous tue, voyez-vous, c’est d’apprendre à lire et à écrire. Quand Dieu a fait une belle nature, tout ce que les hommes prétendent y ajouter la corrompt et la déforme. Si on m’avait laissé garder mes chèvres, je serais encore jeune »... Elle évoque Sainte-Beuve, avec qui « nous sommes brouillés », Lamartine et son Jocelyn « un mauvais ouvrage »… Elle s’est brouillée avec Hortense Allart, et a habité quelques jours chez Charles Didier... Elle ajoute qu’elle a « fait un roman en 3 volumes in-8 [Engelwald], rien que ça ! »… [III, n° 1166, p. 368]
♦ [La Châtre, 25 mai 1836] à Marie d’AGOULT (13 p.). Elle regrette de ne pouvoir partir avec eux pour l’Italie : « Pour le moment, je crois que je ferais mal de m’absenter du pays. Mes ennemis battus au grand jour, cherchent à me nuire dans les ténèbres. Ils entassent calomnies sur absurdités pour m’aliéner d’avance l’opinion de mes juges »… Elle ne veut point alimenter les soupçons en allant voir Liszt et espère les rejoindre dans l’hiver. Elle se réjouit de leur bonheur et échappe à la tristesse par le travail « et je m’y oublie »... Elle parle de MUSSET dont La Confession d’un enfant du siècle l’a beaucoup émue : « Les moindres détails d’une intimité malheureuse y sont si fidèlement, si minutieusement rapportés depuis la première heure jusqu’à la dernière, depuis la sœur de charité jusqu’à l’orgueilleuse insensée que je me suis mise à pleurer comme une bête en fermant le livre. Puis j’ai écrit quelques lignes à l’auteur pour lui dire je ne sais quoi : que je l’avais beaucoup aimé, que je lui avais tout pardonné, et que je ne voulais jamais le revoir. [….] Je sens toujours pour lui, je vous l’avouerai bien, une profonde tendresse de mère au fond du cœur », mais elle est bien guérie : « J’ai longtemps cru que la passion était mon idéal. Je me trompais ou bien j’ai mal choisi. Je crois à la vôtre ». Elle met le calme au-dessus de tout mais avoue un « sentiment chaste, durable, paisible, dont un vieillard est l’objet » [Michel de Bourges]. Elle annonce l’arrivée de Lamennais à Paris, avec l’intention de fonder un journal ; elle reste indécise à son sujet : « Je m’entendrais aisément avec lui sur tout ce qui n’est pas le dogme. Mais là, je réclamerais une certaine liberté de conscience, et il ne me l’accorderait pas. […] Les hommes comme lui font les religions et ne les acceptent pas. C’est là leur devoir. Ils n’appartiennent point au passé. Ils ont un pas à faire faire à l’humanité. L’humilité d’esprit, le scrupule, l’orthodoxie sont des vertus de moine que Dieu défend aux réformateurs». Elle attend à La Châtre la conclusion de son procès et fait un nouveau volume à Lélia : « Lélia, n’est pas moi. Je suis meilleure enfant que cela ; mais c’est mon idéal »… [III, n° 1181, p. 396]
♦ [La Châtre, 10 juillet 1836] à Marie d’AGOULT (14 p.). Son procès la retient encore et elle envie ses amis de jouir en Suisse des merveilles de la nature ; elle refait Lélia : « Ce poison qui m’a rendu malade est maintenant un remède qui me guérit... Ce livre m’avait précipitée dans le scepticisme ; maintenant, il m’en retire ; car vous savez que la maladie fait le livre, que le livre empire la maladie, et de même pour la guérison. Faire accorder cet œuvre de colère avec un œuvre de mansuétude et maintenir la plastique ne semble guère facile au premier abord. […] Se jeter dans le sein de la Mère Nature ; la prendre réellement pour mère et pour sœur ; retrancher stoïquement et religieusement de sa vie tout ce qui est vanité satisfaite ; résister opiniâtrement aux orgueilleux et aux méchants ; se faire humble et petit avec les infortunés ; pleurer avec la misère du pauvre et ne pas vouloir d’autre consolation que la chute du riche ; ne pas croire à d’autre Dieu que celui qui ordonne aux hommes la justice, l’égalité ; vénérer ce qui est bon ; juger sévèrement ce qui n’est que fort ; vivre de presque rien, donner presque tout, afin de rétablir l’égalité primitive et de faire revivre l’institution divine : voilà la religion que je proclamerai dans mon petit coin. […] Quant à l’amour, on en fera un livre et un cours à part ». Elle a une furieuse envie d’entendre Liszt : « Vous savez que je me mets sous le piano quand il en joue. J’ai la fibre très forte et je ne trouve jamais les instruments assez puissants. Il est au reste le seul artiste du monde qui sache donner l’âme et la vie à un piano ». Elle fait de grandes promenades à pied, se baigne tout habillée dans l’Indre pour échapper à la canicule et se « figure l’Arcadie en Berry. » Malgré cela, elle a de grands accès de spleen, « mais je résiste et je prie », et elle prend plaisir à regarder les étoiles... Elle vante le noble caractère et le bon cœur de son amie «  Plus j’avance en âge, plus je me prosterne devant la bonté, parce que je vois que c’est le bienfait dont Dieu est le plus avare. [...] J’ai des grands hommes plein le dos (passez-moi l’expression). Je voudrais les voir tous dans Plutarque. Là, ils ne me font pas souffrir du côté humain »… [III, n° 1215, p. 473]
♦ [Nohant, 20 août 1836] à Franz LISZT et Marie d’AGOULT (4 p.).Elle annonce son départ pour les rejoindre à Genève début septembre :
« Nous ferons ce que vous voudrez. Nous irons ou nous nous tiendrons où vous vous voudrez, pourvu que je sois avec vous, c’est tout ce qu’il me faut. Je vous avertis seulement que j’ai mes deux mioches avec moi. […] Ils sont peu embarrassants, très dociles, et accompagnés d’ailleurs d’une servante qui vous en débarrassera quand ils vous ennuieront. Si vous me donnez une chambre, un matelas par terre à Maurice, un même lit pour ma fille et pour moi nous suffiront. […] Quand je voudrai écrire, si l’envie m’en prend (ce dont j’aime à douter), vous me prêterez un coin de votre table. […] Adieu, mes enfants bien-aimés. Je ne retrouverai mes esprits (si toutefois j’ai des esprits), je ne commencerai à croire à mon bonheur qu’auprès de vous ». [III, n° 1259, p. 537]
♦ [Lyon] le 3 [octobre 1836] à Marie d’AGOULT (7 p.). Elle attend son « vieux grognon » [Michel de Bourges] « dans la plus bête des villes du royaume ». Elle n’a apprécié ni Fourvière, ni le théâtre où elle a entendu « Guillaume Tell abominablement écorché et massacré »... Mme de Montgolfier est charmante pour elle et M. de Gévaudan « promène mes Piffoëls » qui « ronflent et se portent bien »… [III, n° 1273, p. 553]
♦ [Nohant, 16 octobre 1836] à Franz LISZT et Marie d’AGOULT (fin de lettre, 3 p.). Elle craint que la « belle comtesse » ne soit pas bien à Nohant : « N’allez pas me donner tous ces tourmens pour rien, mes bons Fellows, et qu’au moins j’en sois récompensée par votre présence. Je ne puis promettre à Marie qu’elle sera contente de mon domicile et de mon rustre entourage ; mais elle sera contente de mon zèle à la servir, de mon assiduité à la peigner et du dévouement absolu de moi et de tous les miens. Venez donc bientôt, Fellows les Piffoëls comptent sur vous. Moi je suis un peu spleenétique. Je ne sais pas trop pourquoi. C’est peut-être parce que je n’ai pas d’argent, comme dit Michel. J’aspire à avoir le tems de travailler, car en travaillant non seulement on gagne l’argent dont on a besoin, mais on oublie les besoins qui font désirer l’argent »… [III, n° 1278, p. 569]
♦ [Nohant, 22 octobre 1836] à Franz LISZT (2 p.). Elle arrive à Paris et logera près de ses amis : « Faisons ménage comme avant et comme après. […] Ayez-moi une chambre avec un grand lit pour Solange et moi et un sofa ou pliant pour Maurice »… [III, n° 1280, p. 570]
♦ [Nohant, 20 ( ?) janvier 1837] à Marie d’AGOULT (2 p.). Elle indique à Marie comment venir de Châteauroux à Nohant, avec une chaise et deux chevaux. « En poste, votre voyage durera trois heures, 4 au plus si la gelée continue. Je crains pour vous le froid de cette petite traversée. […] Je vous attends avec impatience, tout est prêt pour vous recevoir. Il fait chaud dans votre chambre ». [III, n° 1346, p. 654]
♦ [Nohant, 17 février 1837] à Franz LISZT (3 p.). « Bonjour, bon Franz. Venez nous voir le plus tôt possible. L’amour, l’estime et l’amitié vous réclament à Nohant. L’amour est un peu souffrant dans ce moment-ci. L’estime, (c’est Maurice et Pelletan), ne va pas mal quoique fort maigre. L’amitié est obèse et bien portante. Marie m’a dit qu’il était question d’espérance de CHOPIN. Dites à Chopin que je le prie et le supplie de vous accompagner; que Marie ne peut pas vivre sans lui, et que moi je l’adore »… [III, n° 1377, p. 698]
♦ [Nohant, 3 avril 1837] à Marie d’AGOULT (6 p.). « Bonne Marie, je vous aime et vous regrette. Je vous désire et je vous espère. Plus je vous ai vue, plus je vous ai aimée et estimée ». Elle raconte les poissons d’avril qu’elle a faits à Pélican (Pelletan) et au Malgache (Néraud) à qui elle a offert un saucisson en bois ! Elle salue Mickiewicz et Grzymala, et charge Marie de dire « à CHOPIN que je l’idolâtre, à tous ceux que vous aimez que je les aime, et qu’ils seront les bienvenus amenés par vous. Le Berry en masse guette le retour du Crétin [Liszt] pour l’entendre jouer du piano »... Elle se réjouit des succès de Liszt « perdu dans un nuage de gloire », qu’elle apprend par les journaux… [III, n° 1418, p. 763]
♦ [Nohant, 13 ou 14 mars 1837] à Marie d’AGOULT (1 p.), au sujet de son départ de Nohant : « Si vous voulez absolument partir vous trouverez à Châteauroux une chaise de poste. En partant de Châteauroux de très bonne heure jeudi matin vous coucheriez à Orléans et seriez vendredi soir à Paris »... [III, n° 1396, p. 722]
♦ [Nohant, 6 avril 1837] à Marie d’AGOULT (4 p.). Elle attend un piano de Paris ainsi que ses amis : « Je veux les Fellows, je les veux le plus tôt et plus longtems possible. Je les veux à mort. Je veux aussi le Chopin et tous les Mickiewicz et Grzymala du monde. Je veux même Sue, si vous le voulez. Que ne voudrais-je pas encore si c’était votre fantaisie ? Voire M. de Suzannet ou Victor Schoelcher ! Tout, excepté un amant ». Elle a reçu le livre de Théobald Walsh « qui me déclare qu’il me méprise profondément » ; elle prépare un article sur Nourrit et travaille à Mauprat… [III, n° 1421, p. 769]
♦ [Nohant, 26 ( ?) avril 1837] à Marie d’AGOULT (12 p.). … « je me suis embarquée à fournir du Mauprat à Buloz au jour le jour, croyant que je finirais où je voudrais, et que je ferais cela par-dessous la jambe. Mais il s’est trouve que le sujet m’a emportée loin, […] me voilà suant sur une besogne qui m’embête, que je fais en rechignant »… Et Solange a la petite vérole !... Elle raconte les poissons d’avril avalés par le Pélican (Pelletan) « toujours stupide », auprès de qui Gévaudan s’est fait passer pour un maquignon ; il y a eu aussi la visite d’un avocat prétentieux qui a cru être reçu par George Sand :
« il resta un quart d’heure en extase et se retira saluant jusqu’à terre… Sophie ! 
[… ] Tout le monde fut pris d’un rire inextinguible, immense effroyable, et tel que le ciel et la terre n’en ont jamais entendu un pareil depuis la création des avocats »… Elle attend la « chère bonne Mirabella » avec qui elle voudra :
« On s’arrangera pour loger tous ceux que vous voudrez bien amener. On enverra Pélican percher à côté de la grue. Je compte sur le crétin, sur Chopin, et sur le Rat, s’il ne vous ennuie pas trop et tous les autres à votre choix. Bonsoir chère mignonne, aimez-moi, s’il vous reste quelque chose pour les crétins en sous-ordre, comme je vous aime moi qui vis toujours maritalement avec la saignée et la vertu, je vous aime comme j’aime mes amis, ardemment ». [III, n° 1444, p. 802]
♦ [Nohant, 27 avril 1837] à Marie d’AGOULT (4 p.). Au sujet de MUSSET : «  Musset vous promet mes lettres. Il ne vous les remettra pas. Tout cela est un genre. – Connu ! Au reste je n’y tiens pas, et je sais que vous vous mettrez en mon lieu et place pour les accepter de l’air qui convient, s’il vous les rapporte. Il me les a offertes au moment où je quittais Paris, et de la meilleure grâce du monde. Il blague donc un peu en disant qu’il n’a pas voulu. C’est moi qui par un mouvement de fierté assez naturel n’en ai pas voulu le jour où il me les offrait »... Elle voudrait que le Crétin [Liszt] intervienne auprès du « juif musical » [Schlesinger] qui lui doit 600 F pour payer la pension de Solange… [III, n° 1447, p. 811]
♦ [Nohant, 11 ( ?) juin 1837] à Franz LISZT (1 p.). « Crétin si tu étais zenti tu t’occuperais une minute ou deux dans la zournée del father Rollina and of le Zoppo qui sont venus pour te voir. Piffoël est dans his bed et ne peut s’occuper of them for zentil Crétin ». [IV, n° 1533, p. 118]
♦ [Nohant, 14 ( ?) juillet 1837] à Marie d’AGOULT (2 p.). Elle prie « Princess Mirabella » de dire au Crétin d’arrêter de plaisanter sur sa liaison avec l’acteur BOCAGE : « J’ai été un peu en coquetterie plaisante avec Bocage, ou plutôt lui avec moi. Il ne s’ensuit pas qu’il me plaise de le voir devenir impertinent, et il y avait une nuance de cela aujourd’hui dans sa personne. Il m’amuse, mais il ne me plaît même plus »… [IV, n° 1561, p. 153]
♦ [Fontainebleau, 25 août 1837] à Marie d’AGOULT (6 p.). Sur la mort de sa mère : « J’ai passé plusieurs jours à Paris pour l’assister dans ses derniers moments. […] ma mère a expiré tout doucement et sans la moindre souffrance. Le lendemain matin, je l’ai trouvée raide dans son lit, et j’ai senti en embrassant son cadavre que ce qu’on dit de la force du sang et de la voix de la nature n’est pas un rêve, comme je l’avais souvent cru dans mes sujets de mécontentement contre elle ». Elle explore la forêt de Fontainebleau avec Maurice et ne doute pas de l’effet de l’Italie et de Venise sur Marie. [IV, n° 1581, p. 176]
♦ [Fontainebleau, 16 ( ?) septembre 1837] à Marie d’AGOULT (4 p.). Elle approuve son projet de passer quelques mois aux îles Borromées : « Ce ne serait plus d’un loin aussi désespérant, et on pourrait se mettre en tête d’aller vous y surprendre une matinée d’avril ou une soirée d’octobre ». Elle a passé un mois « courant pour mon procès qui va bien et pour ma pauvre mère qui va encore mieux car elle n’est plus et repose au soleil, sous de belles fleurs où les papillons voltigent sans songer à la mort. J’ai été si frappée de la gaîté de cette tombe que j’ai été voir il y a quelques jours au cimetière Montmartre, par un temps magnifique que je me suis demandé pourquoi nos larmes y coulaient si abondamment. Vraiment, nous ne savons rien de ce mystère. Pourquoi pleurer, et comment ne pas pleurer ? Toutes ces émotions instinctives qui ont leur cause comme hors de notre raison et de notre volonté veulent dire quelque chose certainement, mais quoi ? »... Elle repart pour Nohant avec Bocage et y attend Leroux et Mallefille… [IV, n° 1589, p. 189]
♦ [Nohant, 16 octobre 1837] à Marie d’AGOULT (2 p., à la suite d’une lettre de Mme Marliani). Elle est « tranquillement réinstallée à Nohant, les pieds sur mes chenets, attendant le nouvel assaut par lequel il plaira à dame Fortune de me tirer de mon repos spleenétique ». Elle rêve d’aller retrouver Marie et le Crétin sur le lac de Côme, « mais là-bas, je ne travaillerais pas et le galérien est à la chaîne ». Elle voudrait tirer de la misère Pierre LEROUX, « le meilleur des hommes et l’un des plus grands »… [IV, n° 1611, p. 235]
♦ [Nohant, 26 ( ?) décembre 1837] à Franz LISZT et Marie d’AGOULT (6 p.). Elle explique son silence par la maladie et le travail. Quand Marie avait besoin de consolation, « je lui écrivais plus que je ne me sentirai appelée à lui écrire désormais [phrase qui vexera Liszt] car il me semble qu’elle est calme, heureuse et forte ». Elle aimerait les rejoindre en Italie, mais son procès la retient jusqu’en automne, « vu qu’une fois en Italie, j’y veux rester au moins deux ans pour les études de Maurice qui s’adonne définitivement à la peinture, et qui aura besoin de séjourner à Rome ». En attendant, la vie continue à Nohant : « Mallefille entasse drame sur roman, Pélion sur Ossa, moi, romans sur nouvelles et Buloz sur Bonnaire, Mercier, tableaux sur tableaux ; Tempête, bêtise sur bêtise ; Maurice, caricatures sur gendarmeries, et Solange, cuisses de poulet sur fausses notes. Voilà la vie héroïque et fantastique qu’on mène à Nohant »… [IV, n° 1654, p. 290]
♦ [Nohant, 28 janvier 1838] à Franz LISZT (8 p.). Elle regrette d’avoir froissé Liszt en lui disant qu’elle écrirait moins souvent à Marie : « Vous savez que Piffoël n’est pas obligé de savoir ce qu’il dit, ni ce qu’il a voulu dire et que le condamner à rendre raison de tout ce qu’il avance, annonce et décide serait de la plus haute injustice car Dieu a créé le genre humain pour s’efforcer de trouver un sens aux paroles de Piffoël. Il n’a point créé Piffoël pour dire des paroles sensées au genre humain. Mieux que personne, les Fellows devraient savoir que rien de ce que dit ou écrit Piffoël ne prouve quoi que ce soit. Peut-être que lorsque Piffoël vous écrivit la dernière fois, l’astre de la constipation, cet astre funeste, sous l’influence duquel Fellows et Piffoëls sont nés, dardait sa lumière sur l’horizon de Piffoël. Peut-être que Piffoël avait mal au foie, que ses pois ne voulaient pas cuire, que Buloz avait mal payé, ou que Mallefille avait eu de l’esprit »... Elle ne se sent pas responsable de la lettre de Mallefille que Marie a trouvée d’une impolitesse choquante ; elle convient que cette lettre était « bête », mais elle n’est pas là pour lui apprendre à écrire : « J’aimerais mieux bâtir une ville, j’aimerais mieux redevenir l’épouse de M. Dudevant, j’aimerais mieux être l’amante de Buloz, j’aimerais mieux apprendre la métaphysique, j’aimerais mieux écouter pérorer Schoelcher, que d’enseigner une chose que je fais si mal pour mon compte »… Elle rassure Liszt : « Il suffirait que le ralentissement de ma correspondance avec Marie lui causât le moindre chagrin ou le moindre regret pour que toute ma paresse fût dissipée en un clin d’œil et pour que je lui écrivisse tous les jours si elle le voulait. Jamais aucune tristesse ne lui viendra de moi par ma faute, je l’espère »… [IV, n° 1680, p. 333]
♦ [Paris, 26 novembre 1839] à Marie d’AGOULT (2 p.). Elle est prête à lui donner une explication : « Je ne voudrais pas que vous prissiez mon silence pour autre chose que du chagrin, Marie. Je ne veux pas vous écrire une lettre de reproches, car vous savez bien que j’ai de graves reproches à vous faire. Mais je trouve que l’encre et le papier ont été inventés pour poétiser la vie, et non pour la disséquer. […] Vous verrez que je n’ai point de ressentiment contre vous. Mais il me faudra bien vous dire que vous avez mis une douleur de plus dans ma vie et que c’est moi qui ai reçu la blessure dont vous vous plaignez ». [IV, n° 1958, p. 804]
♦ [Nohant, 16 ( ?) octobre 1850] à Marie d’AGOULT (8 p., la fin manque, et quelques lignes ont été supprimées par deux coups de ciseau). Longue lettre de rupture. Marie a écrit sur George des lettres qui « marquaient une absence d’amitié, un dénigrement, une amertume qui m’avaient frappée d’un coup inattendu. J’avais beau chercher dans mes souvenirs, j’ai beau y chercher encore, je ne peux pas trouver pourquoi vous avez cessé de m’aimer, moi qui vous aimais tant »… Elle revient longuement sur leur amitié anéantie, des lettres que lui a montrées Mme Marliani et où elle relève l’hostilité de Marie, etc. « Non, je ne vous ai jamais cru dissimulée, vous ne pouviez pas être jalouse de moi, qui n’ai jamais senti le moindre attrait (en dehors de l’amitié qui nous unissait alors tous trois) pour l’homme que vous aimiez. L’avez-vous été depuis, lorsque par dépit, je crois, contre vous, il affectait de vouloir paraître aussi lié avec moi que par le passé. N’avez-vous pas su que je me suis refusée à ces apparences, que je n’ai pas voulu aller à des soupers, même avec mon pauvre CHOPIN, que j’en ai dit et écrit la raison, qu’enfin j’ai à peine revu votre ancien ami, du moment qu’il n’a plus été le vôtre, et qu’en lui avouant que je ne vous aimais plus, je lui ai fait connaître très carrément que je ne voulais point faire cause commune avec lui contre vous ? »… Etc. [IX, n° 4636, p. 753][Nohant, 23 octobre 1862] à Marie d’AGOULT (3 p.). Condoléances après la mort de Blandine Liszt le 14 septembre : « C’est dans ces tristes ébranlements de la vie que l’on sent la durée des chaînes de l’affection et comme le réveil de tout ce que le coeur avait mis en commun de joies et de peines »… [XVII, n° 9741, p. 259]Marie d’Agoult, George Sand, Correspondance (éd. Ch. F. Dupêchez, Bartillat, 2004).Provenance : ancienne collection Marc LOLIÉE.
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