Lot n° 6

BERL Emmanuel - Ensemble exceptionnel de huit manuscrits originaux d'un écrivain qui en son temps a marqué les sensibilités. Sept d'entre eux conservent les traces de la création de ses premiers livres, le huitième est celui d'un article...

Estimation : 5 000 - 10 000 €
Adjudication : Invendu
Description
important paru dans la Revue de Paris en 1927.
─ 1. RECHERCHES SUR LA NATURE DES SENTIMENTS. Manuscrit autographe. Vers 1922 ; 3 vol. in-4 (255 x 200 mm) de 104, 102, 108 pages, reliés demi-basane bleu nuit, plats de percaline bleue.
MANUSCRIT APPAREMMENT COMPLET DU PREMIER LIVRE DE BERL.
Il suit le plan de l'ouvrage imprimé dans lequel cependant ont été apportés des développements.
Répondant à une interview de Patrick Modiano, Berl a dit de ce livre : «À ce moment-là le grand problème qui me préoccupait — et il n'a d'ailleurs jamais cessé de me préoccuper —, était celui de la «communication» entre les êtres. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à me poser cette question que je me pose encore : les sentiments répondent-ils à une réalité ou à rien ?».
Tome premier
•PREMIÈRE RECHERCHE :
—1. Théories réalistes. L'origine de l'amour et l'objet de l'amour (ff. 1-21).
— 2. Théories idéalistes. L'origine de l'amour et le sujet aimant (ff. 22-52).
— 3. Théories physiologiques. L'amour et les tendances vitales (ff. 53-104). Tome deuxième.
— 4. L'origine de l'amour et les groupes sociaux. Essai d'explication physiologique (ff. 1-38).
— 5. La réalité des sentiments.
Pluralisme ou monisme. Le rapport des sentiments entre eux. (ff. 39-77).
•DEUXIÈME RECHERCHE. La recherche des sentiments. 1. Le dynamisme de l'amour (ff. 78-102).
Tome troisième.— 2. L'intuition sentimentale (ff. 1-56).— 3. La fusion sentimentale (ff. 57-81).— 4. Les oppositions sentimentales (ff. 82-108).
L'ouvrage a paru chez Plon en 1923 sous le titre : Recherches sur la nature de l'amour, t. 1, La Réalité des sentiments.

─ 2. MÉDITATION SUR UN AMOUR DÉFUNT. Manuscrit autographe en deux exemplaires, l'un en 112 feuillets in-4 (220 x 175 mm), l'autre en 144 feuillets, même format et présentation. Paris, vers 1924 ; en tout 4 volumes reliés sommairement en toile souple grise.
LE PREMIER MANUSCRIT, DE PREMIER JET et très raturé avec nombreux becquets, passages récrits ou supprimés, est une esquisse qui est mise au net dans le second. En tête de chaque volume Berl a écrit le titre, son nom et ses adresses :
«20 rue Chalgrin Paris XVIe et Bétouzet par Sauveterre de Béarn». Sur le premier tome second, en exergue :
«L'amour est à réinventer on le sait». Cet ouvrage, le second d'Emmanuel
Berl, a paru chez Bernard Grasset, dans la collection des «Cahiers verts» en 1925, imprimé peut-être d'après le présent manuscrit. Joint les placards d'épreuves 17 et 20 du livre soit 16 pages portant des corrections de la main de l'auteur et les cachets de l'imprimeur, Floch à Mayenne, datés des 13 et 14 mars 1925.

─ 3. LA ROUTE N° 10. Réunion d'un manuscrit autographe en 3 vol. in-4 (220 x 165 mm), 97, 35 et 33 feuillets (soit 165 feuillets comportant quelques pages dactylographiées) et d'un manuscrit dactylographié en 2 vol. gr. in-4 (275 x 210 mm), 66 et 86 feuillets (soit 152 feuillets comportant de nombreuses pages ou passages autographes).
Paris, vers 1926 ; ensemble 5 volumes reliés en toile grise.
IMPORTANTS MANUSCRITS DE TRAVAIL attestant la persévérance de l'auteur pour mettre en forme d'une part le canevas du roman et d'autre part en ciseler les phrases : de nombreuses pages et de nombreux passages sont récrits.
Les versions rejetées sont marquées d'une croix ou recouverts d'une nouvelle mouture sommairement collée sur la précédente et permettant de la lire encore.
La Route n° 10 est celle des vacances qui va de Paris à Biarritz par Tours, Poitiers, Bordeaux. Le prière d'insérer rédigé par l'auteur résume la trame : «Le heurt de trois personnages avec le milieu moral, sexuel déterminé par les conditions de l'après-guerre». Un critique de l'époque y a vu «non pas un roman mais une prodigieuse confession».
D'autres ont dit que l'auteur s'était longuement échiné sur son écriture, ce que confirment les présents manuscrits. Lui-même écrivant à son épouse le 26 janvier 1926 dit qu'il travaille sur La Route n° 10 «comme un cantonnier».

Avec ce livre Berl s'estimait «influencé par le libertinage d'Aragon».
En tête figure un projet de dédicace à Pierre Drieu la Rochelle en seize lignes balayée de rageuses biffures.
Le livre a paru chez Grasset en 1927.
Emmanuel BERL (2 août 1892 - 22 septembre 1976) Journaliste, romancier, essayiste Emmanuel Berl a publié entre 1923 et 1976 plus de trente livres la plupart reçus avec faveur par le public. Huit manuscrits de ses premiers ouvrages parus entre 1923 et 1939 sont présentés ici. Ils attestent en même temps que le jaillissement des idées et la fertilité de l'imagination le souci d'une forme irréprochable.
Patrick Modiano l'ayant interviewé peu avant son décès porte ce jugement :
«Berl m'a appris qu'on pouvait avoir du coeur, être vulnérable, prendre parti, être sans cesse à l'écoute des autres, de l'événement et du monde — et cela pendant plus de soixante ans — et que le secret de la «durée» ne consistait pas à se ménager ou à s'endurcir, mais à être sans arrêt en éveil, à ne jamais cesser d'interroger, à garder toujours une certaine curiosité et une certaine innocence».

─ 4. SATURNE. EXCERCICE IMITÉ DE J[AMES] JOYCE. À GEORGES AURIC. Manuscrit autographe complet avec de nombreuses variantes et des fragments inédits. Paris, 1927 ; en un volume in-folio (270 x 200 mm) de 42 feuillets, les premiers écrits au recto et au verso, plus 44 feuillets demeurés blancs, reliure de toile grise.
LE TEXTE, DÉDIÉ À GEORGES AURIC, a paru dans la Revue de Paris, numéro du 1er août 1927. Sous la forme à la fois du monologue intérieur emprunté à James Joyce et de l'écriture automatique préconisée par les surréalistes, il valut à Emmanuel Berl la sympathie d'André
Breton.— Joint un jeu d'épreuves de l'imprimerie Brodard, 1er juillet 1927, 19 pages ainsi que la dactylographie portant quelques corrections, incomplète de la fin (19 feuillets).

─ 5. MORT DE LA PENSÉE BOURGEOISE. Notes autographes diverses sans titre formant un premier état de l'ouvrage. Paris, vers 1928 ; cahier in-4 (265 x 215 mm) de 65 feuillets écrits quelquefois recto-verso, cartonnage de percaline noire.
PREMIER JET ENCORE INFORME DE «MORT DE LA PENSÉE BOURGEOISE» QUI SERA DÉDIÉ À ANDRÉ MALRAUX. Le manuscrit très raturé est composé de fragments qui ne se raccordent pas toujours. Des phrases, des paragraphes ou des pages biffés d'une croix restent lisibles. L'écriture précipitée et parfois difficile à déchiffrer montre la spontanéité du surgissement des idées. Le manuscrit commence par une lettre à Jean Guéhenno : «Quand, l'année dernière, je causais avec vous de ces propos sur l'idée de la Révolution, je pensais savoir, ou à peu près, ce que je voulais dire. Cette année je le sais moins bien. Je ne possède rien qui ressemble à une doctrine. Je vous avertis donc, et le lecteur, qu'il ne trouvera point ici un livre composé. J'écris non pour persuader de ce que je crois vrai, mais pour le découvrir. Si j'étais plus assuré, sans doute n'écrirais-je pas. Le travail d'écrire ne se légitime, à mes yeux, que comme un moyen de remettre un peu d'ordre dans le désordre que toujours l'expérience inspire à un esprit de bonne foi...». En 1928 J. Guéhenno avait proposé à Berl de publier ses propos sur la révolution dans Europe dont il venait de prendre la direction.
Il trouve que la critique est un genre littéraire tombé très bas, considère Frédéric Lefèvre comme le grand critique du siècle, digne de remplacer
Sainte-Beuve. Par notations successives il dresse un tableau des écrivains du moment : Giraudoux, Drieu la Rochelle, Malraux, Thibaudet, Jean Cocteau, Barrès, A. Thérive, Aragon, A. France, Mauriac, Zola. Assez longs passages sur l'inversion sexuelle, l'assassinat de Louis
Barthou, l'affaire Dreyfus. «De presque tous les livres qui paraissent on peut se demander pourquoi viennent-ils à cette date ?». Le roman contemporain ne montre selon lui que des personnages d'avant-guerre, des héroïnes improbables au caractère périmé. «M. Gallimard conduit la NRF comme M. Léon Blum le parti socialiste, avec le souci de la tradition & le goût de la Révolution...». Le manuscrit suit cahin caha le texte imprimé jusque vers la page 180. Les fragments que suivent sont difficiles à raccorder, récrits sans doute plus tard pour une ultime version. Le livre paraîtra chez Grasset en avril 1929 dédié à Malraux avec cette référence : «Ce livre qui n'est sans doute qu'une longue défense de Garine...» [le héros des Conquérants].

▬ Joint:
• MORT DE LA PENSÉE BOURGEOISE. 81 feuillets gr. in-4, quelques uns écrits au verso. Paris, vers 1929 ; en feuilles.
Manuscrit partie dactylographié — avec nombreuses corrections et retouches de l'auteur (64 feuillets) — partie autographe (17 feuillets) complet du texte imprimé (Grasset, 15 avril 1929) à l'exception des 8 dernières pages. Les dix-sept pages de la main de l'auteur comportent de nombreuses ratures avec passages supprimés et parfois récrits demeurant lisibles.
«Pamphlet d'une verve et d'un brio inouïs» (O. Philipponnat, P. Lienhardt, Emmanuel Berl, Cavalier seul, 2017, page 161).
«Je m'en prenais aux littérateurs modernes en essayant de montrer qu'ils étaient complètement «inactuel» ; que Maurois écrivait comme
Poincaré gouvernait, que Giraudoux, Mauriac ou Cocteau étaient très en retard sur leur temps, que les surréalistes s'essoufflaient à courir après la Révolution sans parvenir à la rattraper... je parlais beaucoup de Malraux et des Conquérants qu'il venait de faire paraître. Je présentais
Garine, le héros, comme le type même de l'homme nouveau. La lecture des Conquérants nous avait beaucoup impressionnés, Drieu et moi, et nous avions déjà une grande amitié pour Malraux qui était plus jeune que nous. Littérairement Mort de la pensée bourgeoise va avec les Conquérants. Seulement Malraux a dix ans de moins que moi ! Et la guerre de 14 il ne la connaît pas, il ne connaît pas la guerre...» (Confidences à Patrick Modiano)br

─ 6. MORT DE LA PENSÉE BOURGEOISE. DEUXIÈME PAMPHLET. CONFORMISME ET BOURGEOISISME.
Manuscrit autographe daté «Juillet-septembre 1929» ; 67 feuillets gr. in-4 (273 x 214 mm), certains écrits recto-verso.
MANUSCRIT DE PREMIER JET D'UNE SUITE À L'OUVRAGE PRÉCÉDENT PEUT-ÊTRE INÉDITE.
Entrecoupé de chapitres titrés, il permet de suivre le plan et la pensée de l'auteur.
La première page porte le titre cidessus suivi de : «À ma femme. À mes oncles. À mes tantes. À mes cousins.
À mes cousines» et, en exergue :
—«Il insulte à nos mères (Labiche, Célimare le bien aimé)».
—«L'Opinion. Le Bourgeois et la bourgeoisie» (p. 2-9).
— «La justification par le progrès» (p. 9-12).
— «Troubles bourgeois» (p. 12-14).
— «La justification par l'esthétique» (p. 15-16).
— «La Culture» (p. 16-29).
— «La vedette» (p. 29-33).
— «La Bourgeoisie contre l'évidence. Le recours à la complexité» (p. 34-39).
— «M. Brunschvicg et lecture enveloppée» (p. 39-44).
— «M. [Charles] du Bos et l'âme survolante» (p. 44-51).
— «Le bourgeois homme d'intérieur» (p. 51).— «L'amour» (p. 51-55).
— «Éloge de Maurice Chevalier» (p. 55-56).
— «Le mariage» (p. 56-57).
— «Le bourgeois esthète» (p. 57-58).
— «L'idéalisme subjectif» (p. 58-63).
— «La conscience pure. Le conformisme protestant» (p. 63-67).
Le premier volume de cet ouvrage avait paru sous le titre : Mort de la pensée bourgeoise.

Premier pamphlet : la littérature,
Paris, Grasset, Coll. «Les Écrits», 1929. Sur la chemise qui contient le manuscrit son premier possesseur a noté : «Manuscrit remis par Emmanuel Berl le 22 XII 1929 Henri Ardant».

LE BOURGEOIS ET L'AMOUR. Manuscrit partie dactylographié partie autographe.
Paris, vers 1930-1931 ; 3 vol. in-4 (280 x 220 mm) brochés de 34, 50 et 24 feuillets soit 108 feuillets dont 60 autographes ou en grande partie autographes et 48 dactylographiés avec corrections.

MANUSCRIT PARTIE AUTOGRAPHE PARTIE DACTYLOGRAPHIÉ offrant un état avancé du texte, découpé dans des fragments de papier de différentes natures et couleurs fixés sur papier fort et présentant encore de nombreuses retouches.
On lit en tête du tome premier : «Le bourgeois et l'amour. À Suzanne. Pour Suzanne E. Berl». L'auteur a donc dédié l'ouvrage et en a offert le manuscrit à son épouse, Suzanne Muzard. D'abord son amante rencontrée dans une maison de tolérance, qui le trompera avec André Breton, il l'épousera en 1926 et en divorcera en 1937 pour se remarier avec la chanteuse Mireille.
L'ouvrage a paru chez Gallimard en février 1932. La critique y a vu «un exercice de sociologie railleuse, presque bouffonne... Berl s'anime d'une vie burlesque et saignante, c'est Berl lui-même qui saigne dans ce pamphlet-confession».

─ 8. FRÈRES BOURGEOIS, MOUREZ-VOUS ? DING ! DING ! DONG ! [Les mots : «mourez-vous ?» remplaçant une précédente rédaction : «es-tu mort ?»]. Manuscrit autographe apparemment complet. Paris, vers 1937 ; 94 feuillets gr. in-4 (275 x 215 mm) perforés sur un côté, en feuilles.
MANUSCRIT AUTOGRAPHE COMPLET, TRÈS DENSE, déjà très élaboré quoi que contenant encore de nombreux repentirs et fragments récrits sur des papiers de couleurs collés sur les passages rejetés. Le texte présente tout au long de nombreuses variantes avec la version imprimée.
Le livre dédié à Paul Morand a paru chez Gallimard en mars 1938. Selon des jugements de l'époque Berl aurait profité de la dislocation du Front populaire pour ranimer dans ce pamphlet la morale et la pensée bourgeoises dont la cause se confondait désormais «dans le domaine moral avec celle de la liberté... dans l'ordre politique avec celle de l'Occident».

▬ Le premier possesseur du manuscrit a écrit sur la chemise qui le contient :
«Manuscrit de Emmanuel Berl donné par lui le 13 février 1938. Henri Ardant»
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