Lot n° 265

VOLTAIRE (1694-1778). L.A.S. « V », Ferney 24 janvier [1765], au Comte d’ARGENTAL, « envoyé de Parme etc » ; 3 pages in-4, adresse (légères effrangeures sur les bords, pli médian fendu).

Estimation : 8 000 - 10 000 €
Adjudication : 10 400 €
Description
Amusante lettre citant une lettre de Frédéric II, et traitant de fou Jean-Jacques Rousseau.

[Charles-Augustin Ferriol, Comte d’ARGENTAL (1700-1788), administrateur et diplomate, alors ambassadeur de France à Parme et Plaisance, fut un des plus fidèles amis et correspondants de Voltaire, qui l’appelait, avec sa femme, ses « divins anges ». Voltaire surnommait FRÉDÉRIC II « Luc » du nom du singe favori du Roi de Prusse. Le Comte d’Argental venait d’être attaqué par un certain Treyssac de VERGY dans son libelle Lettres à Mgr le Duc de Choiseul.]
Voltaire commence ex abrupto par un « Extrait de la lettre de Luc du 1er janvier, arrivée à Ferney le 19 à cause des détours », et il cite cette lettre de FRÉDÉRIC II : « détrompé des longtemps des charlataneries qui séduisent les hommes, je range le teologien, l’astrologue, l’adepte, et le medecin dans la meme catégorie. J’ay des infirmitez et des maladies. Je me guéris moy meme par le régime et par la patience... Des que je suis malade je me mets à un régime rigoureux ; et jusqu’icy je m’en suis bien trouvé... Quoyque je ne jouisse pas d’une santé bien ferme, cependant je vis, et je ne suis pas du sentiment que notre existence vaille qu’on se donne la peine de la prolonger »…
Puis il commente : « Voila les propres mots qui font soupçonner, à mon avis, qu’on n’a ny santé ni guaité.
Mon divin ange j’ay encore moins de santé mais je suis aussi gay qu’homme de ma sorte. Je n’ay actuellement que la moitié d’un œil et vous voyez que j’écris tres lisiblement. Je soupçonne avec vous que le tiran du tripot [le Duc de RICHELIEU] a contre vous quelque rancune qui n’est pas du tripot. N’y a t’il pas un fou de Bourdeaux nommé Vergi qui aurait pu vous faire quelque tracasserie ? Ce monde est hérissé d’anicroches. Jean Jaques ROUSSEAU et aussi fou que les Déon et les Vergi ; mais il est plus dangereux. […]
Vous serez peutetre surpris que Luc m’écrive toujours. J’ay trois ou quatre Roi s que je mitonne. Comme je suis fort jeune il est bon d’avoir des amis solides pour le reste de la vie.

Divins anges ces quatre Roi s la ne valent pas une plume de vos ailes ».

Correspondance (Pléiade), t. VII, p. 1019.
Partager