Lot n° 506

NERVAL Gérard de (1808-1855). 11 L.A.S. « Gérard » (une « Gérard de Nerval »), [Paris 1850-1853], à Francis wey, à Paris ou à Luciennes (Louveciennes) ; 13 pages in-8, la plupart avec l’adresse (quelques légers défauts, onglet collé...

Estimation : 10 000 - 15 000 €
Adjudication : 23 400 €
Description
sur la 1ère, la 2e lettre collée à l’intérieur de la 4e, déchir. à un f. d’adresse).

► Rare correspondance inédite, littéraire et amicale, où Nerval évoque sa maladie, ses crises et les conseils du Docteur Blanche.

[Francis WEY (Besançon 1812-Paris 1882), chartiste sans emploi, fut journaliste, voyageur, critique d’art, historien et auteur dramatique ; à l’époque de cette correspondance, il est président de la Société des gens de lettres, et va faire représenter sa comédie Stella à la Comédie-Française (24 septembre 1852), pour laquelle Nerval s’est entremis auprès de son ami Arsène HOUSSAYE, administrateur du Théâtre-Français.]

– [13 mars 1850].
Il n’a pas trouvé l’éditeur SOUVERAIN chez lui. « Sa femme m’a dit qu’il était depuis trois jours occupé à l’hôtel de ville comme scrutateur. Je voulais y retourner demain elle m’a dit qu’il serait de garde. Je ne puis donc le voir qu’après-demain et j’irai ou avec toi ou en te quittant »…
[Mai 1851]. Il était avec STADLER « dans la vallée de Bièvre ; il a été bien content de ton mot pour lui. Je reviendrai si tu ne pars pas […] J’ai à peu près fini la nouvelle qui me préoccupait tant. Je voudrais bien te montrer la fin »…

– [12 juin 1851].
Il a vu HOUSSAYE :
« Il m’a dit qu’il pouvait bien t’inscrire pour la lecture mais que tu aurais tort de ne pas communiquer le manuscrit à Lireux parce qu’on est habitué à ses rapports, et souvent en défiance contre les pièces qu’il a fait lire, lui Houssaye, comme de ses amis. Sa boule blanche est à ta disposition, mais il faut tout faire pour le mieux »… Il explique comment aller chez LIREUX, Boulevard Montmartre, et dessine un plan ; il lui parlera aussi. Il part voir Fonfrède à Saint-Germain…

– Lundi [30 juin 1851].
Il a rencontré Lireux dans le cabinet de Houssaye : « lui-même venait demander que l’on t’inscrivît pour la lecture avec une autre pièce, et il a parlé très longuement des mérites de la pièce et très sérieusement, avec force éloges du principal personnage surtout et du rôle du notaire. C’était la chose la plus remarquable qu’il eût vue depuis longtemps et il ne paraissait pas douter de la réception. Il observait, seulement pour moi, que le tour des phrases était souvent de l’école génevoise, mais nullement comme critique et seulement comme classification de manière. […] Il était étonné de la facture et de l’habileté des scènes pour quelqu’un qui n’avait pas encore fait de théâtre »…

– [Vers le 5 juillet 1851].
« Lireux est venu apporter le drame réclamant avec beaucoup d’insistance un tour prochain. M. Verteuil t’a inscrit et Lireux a redit beaucoup de bien de la pièce à Houssaye, mais lui-même sentant toute la valeur de l’ouvrage ce qui m’a fait plaisir sa nature étant peu admirative. Houssaye a demandé si tu n’aurais pas dû faire de coupures […]. Mais Lireux a été d’avis qu’il valait mieux lire comme cela parce que les coupures difficiles à faire se verraient mieux aux répétitions »… Tout va bien : « Sois donc heureux, car Théophile [GAUTIER] m’a dit hier que tu étais triste »… Il tâchera d’aller le voir, mais « les embarras du Ter[me] [dessin d’une tête sur une stèle] (je voudrais représenter le dieu qui bornait jadis les héritages) me forcent à courir beaucoup bien que lui ait la réputation de rester en place »…

– [20 août 1853].
« Voilà encore aujourd’hui que je ne puis aller là-bas par suite d’une affaire où tu pourras te trouver intéressé. La libraire est dure mais il faudra bien faire sortir de l’huile de ce mur »…

– 5 septembre [1853].
« On m’apprend que tu es venu. On ne recevait personne. Maintenant je vais très bien mais pas assez pour sortir. BELL, le premier que j’aie vu hier a dû te faire prévenir à la Société des gens de lettres ou chez toi. […] Viens au plutôt, j’ai beaucoup à te dire »…

– [Le 27 août, Nerval avait été admis à la clinique du Dr Blanche à Passy.]

– Ce dimanche [11 septembre 1853].
« Merci. Je vais bien. On t’attend lundi au château, à 6 heures. Nous nous arrangerons pour aller voir ta femme et ce sera un beau jour »…

– Mercredi [septembre 1853].
« Je voulais encore t’aller voir hier soir mais il vaut mieux que je reste, je te raconterai mes démarches et ce que nous pouvons faire. Je crois qu’enfin le moment devient bon. Ce que je regrette c’est de ne pouvoir aller voir ta femme et la remercier de ses bons conseils pour la petite chose que je te prie de lui faire lire »…

– [20 septembre 1853]. « Je n’ai pu vous retourner voir parce que M. BLANCHE m’a dit que j’étais encore agité et qu’il craignait le trop de locomotion. Je n’ai pu aller non plus chez Stadler par cette raison. Toutefois je suis bien. Je ne sais si tu as reçu ma lettre, où je te disais ce que ces messieurs m’avaient dit sur tes indispositions. Viens donc les voir en venant dîner »…

– Samedi [22 octobre 1853]. « Tu sais ma rechute. Elle a été assez légère au fond et je n’ai pas souffert. J’étais sorti trop tôt parce que je craignais d’entamer le second mois. Maintenant cela va très bien. Dis à ta femme combien je me maudis d’être cause que je ne suis pas allé vous voir depuis si longtemps. Toutefois ne te plais pas comme beaucoup de mes amis à répandre le bruit que je suis rentré aux petites maisons pour cause d’intempérance. Le fait est que la tempérance était même forcée puisque je n’avais pas d’argent et n’ai consommé que trois ou quatre verres de bierre et deux ou trois repas qu’on m’a offerts. J’étais un peu agité mais par un effet nerveux ce qui se prouve par la raison que j’ai été encore dix fois plus agité sous le régime des bains et de l’abondance. Enfin la dernière crise est passée et même depuis huit jours, mais on ne me venait pas voir et je n’écrivais pas. Stadler est venu ce matin. J’ai grand besoin de sortir pour voir les éditeurs et arranger mes affaires. J’ai eu un billet protesté, ce n’est pas drôle mais on y a paré. Viens Lundi de bonne heure parce que je sortirais avec toi et sous ta garde. Nous avons à peu près les mêmes affaires, ainsi ce sera naturel. Nous irons chez Giraud [pour Les Filles du feu], chez Lecou et à l’imprimerie. J’irai même à la Soc. des gens de lettres si tu y as affaire. […] J’ai bien besoin de vendre des manuscrits pour faire de l’argent, devant déjà beaucoup ici »… Après sa signature, curieux petit dessin à la plume (urne renversée ?) suivi du mot « Saba !!! », puis ce tercet maçonnique entre deux symboles :

« ♀ De Zarastro célébrons la clémence…
J ∴ a prononcé sur nous,
Cédons, cédons à sa puissance ! »
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