Lot n° 540

VERLAINE Paul (1844-1896). RECUEIL de deux MANUSCRITS autographes avec dessins, de 4 L.A.S. dont 3 avec dessins, et de 5 DESSINS originaux à la plume, la plupart adressés à Ernest DELAHAYE, [1873-1885 et s.d.] ; 15 pages sur 10 feuillets la...

Estimation : 30 000 - 40 000 €
Adjudication : 70 200 €
Description
plupart in-8 ou in-12 (quelques mouillures et réparations), intercalés entre des feuillets blancs de papier vélin d’Arches, le tout dans un album relié demi-veau vert à coins, dos à nerfs orné titré Paul Verlaine. Dessins originaux (Lanoë).
Important ensemble de dessins originaux de Verlaine, avec des lettres et manuscrits illustrés de dessins.

Ernest DELAHAYE (1853-1930), à qui les lettres sont adressées, était le condisciple de Rimbaud au collège de Charleville. Verlaine le rencontra en novembre 1871 lors de la visite qu’il rendit à Rimbaud.

1. DEUX DESSINS à l’encre brune au recto et verso d’un feuillet oblong in-8 (13,2 x 20,5 cm, fentes réparées), intitulé Bis repetita placent, [1873]. – Recto : à gauche, buste de Lazare Hoche au grand nez disant dans une bulle « De moins en moins question de moi ! Oùsqu’est mon sabre, de plus en plus !!! » ; au pied du buste, panier rempli de bouteilles de Champagne frappé. Au centre du dessin, GAMBETTA debout sur une chaise fait un « Discours » (marqué sur une bulle s’échappant de son derrière), tenant un coq dans sa main gauche (qui crie dans une bulle « Nommez Coquelin ! ») ; sous le fauteuil un personnage écrasé (bulle « nommez p’ti’Jeanne, na ! ») et un encrier (avec étiquette « il a rendu l’encrier » et bulle « nommez Laboulaye ! »). À droite, des gens attablés, avec légende « Centre gauche. Discours » ; sur la table, une bouteille a les traits de Thiers et est marquée « liqueur au patria ». – Verso : caricature de THIERS appuyé sur des béquilles, devant sa maison (panneau Place George), tenant un gros sac (marqué 1.000.000, une chaumière et un cœur). À ses pieds, MAC-MAHON, coiffé d’un bicorne, montre sa tête ; commentaire : « Pour moi je commence à envisager [flèche vers la tête] celle-ci, de branche sans trop d’horreur, à défaut de celle-là », une grande flèche pointant un drapeau fleurdelysé et marqué H V (aux coins : Alsace, Lorraine, Algérie, La Logique). En haut, entourant Thiers, paroles de chansons : « Chœur radical. Dansons la rédingotte / Vive le son, vive le son, / Dansons la rédingotte / Vive le son du picton », et « Chœur centre gauche. Viv’l’libérateur (bis) / C’esst le cri de la France / Il fut son sauveur Il est son espérance !!! »… Dans le bas de la page, ces deux notes : « Pardon de la confusion des présents Jeanboudommer, mais, vrai, la situation y prête – et même y donne ! » ; et « Serait-ce là – grands Dieux – la branche de ton scepticisme, à toi aussi ?? ».

2. L.A.S. « P.V. », [Londres] 24 mars 1876, à Ernest Delahaye (1 p. in-8 très remplie d’une écriture serrée). Il se réjouit de la défaite électorale de Karchompe [Théodore Karcher] : « pour mon malheur, j’ai jadis vécu dans ce milieu-là, et j’en puis dire des nouvelles. Que dis-je, n’ai-je pas en compagnie de 3 ou 400 jeunes imbéciles, assisté à un banquet (civisme et veau froid) donné – il y a quelques 7 ou 8 ans de cela, du temps où Badingue épanouissait sa moustache é-nor-me – donné, dis-je en l’honneur du “Cyclope” [Gambetta] qui n’était alors qu’un sous Jules Favre – n’ai-je pas entendu, flanqué à droite par Naquet, à gauche par Longuet, le grand homme dégobiller ses filandreuses platitudes. (Car il est bête, et, au fond, plus bourgeois que Thiers, l’ami à Karchomphe) n’ai-je pas, ô éternelle rigolade quand j’y pense, collaboré au Rappel (peu et peu payé, je dois le dire) n’ai-je pas, enfin, ô comble du gâtisme ! voté, oui, voté dans mon temps pour la vieille bourrique de Garibaldoche ! Tout ça pour te dire que quel que soit ton dégoût des hommes et des choses, le mien se renforce encore de toute l’expérience acquise... à mes dépens »... Sa mère et venue le voir Il va bientôt partir pour Boston (Lincolnshire) « où vais essayer un trimestre, après quoi, soit que réintègre cette noble ville ou me rabatte en des Dublin, Edinbourgh ou tout bêtement London – me paierai, de juillet à octaubre, congés frrançais bien achetés - au fond »... (Correspondance générale, 76-7).

3. Lettre autographe (fragment), [Boston (Lincolnshire) 11 avril 1876], à Ernest Delahaye, avec DESSIN original à l’encre brune au verso (1 feuillet in-8 recto-verso à l’encre brune, 13,2 x 20,5 cm). Il décrit Boston : « une espèce de Rethel. – Sauf l’église “paroissial” qui est splendide (vieux reste de ce “barbare” moyen-âge) la ville n’a rien de remarquable. Mal pavée, bâtie de briques, mais avec de magnifiques campagnes, un peu trop jolies peut-être. Ma grande distraction, en dehors de mes leçons, des promenades dans les campagnes avoisinantes, ou jusqu’à la station ousquygnia un bouquinisse et un chand d’journals. Inutile d’ajouter qu’“en ville”, toujours le même soldier (le SEUL garnisaire d’ici !!!), toujours le même policeman, le même tablier, la même demoiselle de magasomphe et son p’tit sac ousquygnia son p’tit diner, toujours le même clergyman, le même caniche, les mêmes lévriers, les mêmes chats noirs gros comme des rats, les mêmes “pauper school boy and girl” – tout ce monde s’esclaffant de rire à la vue de mon imperturbable pétase », dont il a fait au dos « illustrécheune ». Quant à Germain NOUVEAU, « il espère entrer bientôt en qualité de reporter, échotier, etc. ès la cuisine d’un journal PAYANT en train de se former. Naturellement ses projets anglais sont à l’eau »… Au dos, le dessin intitulé L’homme au Chapeau : Verlaine se représente coiffé d’un énorme chapeau melon, avec un parapluie sous le bras, lisant The Standard devant une série de personnages, décrits dans sa lettre, souriant et lui tirant la langue (Correspondance générale, 76-8).

4. Manuscrit autographe, recopiant pour Ernest Delahaye le poème d’Edgar Allan POE, Hymn, [Boston 23 mai 1876] (1 feuillet in-8 à l’encre brune recto verso, 13,2 x 20,5 cm), avec cette note : « Si tu veux, la prochaine fois je t’enverrai Le Corbeau – merveille d’art et d’anglais ». En dessous du poème, DESSIN de Verlaine dans lequel il se représente portant sur son dos son parapluie et sa valise à l’adresse « Mr Verlhuppe. Londomphe », à gauche une esquisse de Londres (Londe) et à droite de Boston (Bostel). Au verso, autre DESSIN à pleine page, légendé : « Mercredi 16 mai. Regain de la Foire. Gaités champêtres. Pas soiffards les ruraux d’ici, non ! » ; Verlaine s’est représenté debout à gauche, coiffé de son grand chapeau, avec son parapluie et un album dans les mains, entouré de plusieurs Anglais se promenant en famille, et au fond l’usine leo (Correspondance générale, partie du 76-10).

5. L.A.S. « P.V. », Jeudi 9 [janvier 1879], à Ernest Delahaye (1 feuillet in-8 à l’encre brune recto verso, 13,2 x 20,5 cm), lettre remplie de jeux de mots : « Reçu ton mot du 5 très-en retard. O les postes frrançaises en Jannemard ! T’envoie illiquiùs quàm possibiliùs livre demandé tout battant neuf. Mais on ne fait pas d’omelettes sans NŒUFs ! (horror, horror, horror ! comme dirait Chespire). Nulle nouve de Nouve [Germain NOUVEAU]. Que devient cette vache ? Moi renonce à l’y récrire parce que blessant et bête à la fin des fins »... Au verso, DESSIN à pleine page représentant Verlaine étendu dans un fauteuil, les pieds (pantoufles légendées « mes chaussards ! ») sur sa table de travail entouré de livres d’allemand, en train de fumer la pipe. Légende en haut à droite : « Ça c’est moi que je me remets à l’“Alboche” » ; en bas à gauche, devant la cheminée, un personnage active un soufflet, avec cette bulle « Je gobe, salop ! », et la légende : « Le père Sacré dans le rôle du célèbre Oculompe » ; et à droite : « Les sabots pas du bataillon de la Mozelle » (Correspondance générale, 79-1).

6. L.A.S. « Pompe Verlard », Le 20 [février 1879], à Ernest Delahaye (2 p. in-8 à l’encre brune, 13,2 x 20,5 cm), avec DESSIN à la plume sur toute la page 3. Germain Nouveau a enfin écrit : « Gentil comme tout, mais quelle vache, – au fond ! T’envoie par moi renseigne sur aggrégate […] Et je t’embrasse en Ferry. Tuissimompe »… Le DESSIN est intitulé en haut « Choses demandées. – 1re série », et légendé en bas « réceptions officielles en Février 1879 » ; à gauche, au « Palais-Bourbon », GAMBETTA descend un escalier (sur son plastron est inscrit Café Procope – concubinage, et son œil de verre marqué « B.S.D.G. »), disant dans une bulle « tous à la fois » ; en face, à l’« Instr[uction] pub[lique] », Jules FERRY en larbin, un plumeau à la main (et un torchon marqué Mariage civil), disant dans une bulle « N’entrrrez pas… »). Entre les deux, le train rapide « Le Corps diplomatique » et le train exprès de « L’Université » (Correspondance générale, 79-2).

7. DESSIN à l’encre brune avec légendes autographes, envoyé à Ernest Delahaye, [vers le 6 juin 1881] (13,2 x 10,8 cm), autoportrait de Verlaine commenté. Verlaine s’est représenté chaussé de patins à glace, tenant un parapluie ouvert, un râteau sous le bras, et coiffé du « chapeau de paille traditionnel », marchant dans la pluie sous « le soleil khroumirisé par le bonhomme Noël », avec des commentaires sur le mauvais temps en juin : « Les Travaux et les jours. Juinard », et après une citation du Tarare de Beaumarchais : « Si ça continue, on ira en patinant, dans les vertes prairies » (Correspondance générale, 81-10).

8. DESSIN original à l’encre noire, [février 1884 ?] (19,5 x 13,2 x cm) représentant François COPPÉE en soldat montant la garde devant une guérite marquée Palais Royal, avec cette note autographe sur la droite : « Vive à jamais François Coppée, Vivent ses vers ... et son Épée ! » [François Coppée a été élu à l’Académie française le 21 février 1884.]

9. DESSIN à l’encre brune avec légendes autographes, Ça c’est ma nouvelle incarnation, envoyé à Ernest Delahaye, [22 mai 1885 ?] (13,2 x 11,8 cm). Verlaine se représente devant le Panthéon portant le cercueil de Victor Hugo sous le bras, devant une bouche d’égout ouverte, disant dans une bulle « Un peu moisie la caisse. Coulant, le macabé ! » Sa jambe gauche est marquée jambe en stuc, et sa canne mon souteneur. En bas à droite est inscrit : « Après les Panthéons et les cérémonies Voici (dirait madame Esnault) les gémonies ! » [Victor Hugo a été enterré en grandes pompes le 22 mai 1885 ; Mathilde Mauté, qui avait obtenu le divorce, assistait aux obsèques ; Hugo avait essayé en vain de réconcilier le couple.] (Correspondance générale, p. 900).

10. POÈME autographe signé « P. Verlaine », à Léon Dierx, (1 page in-8, manques aux coins réparés). Brouillon très corrigé du sonnet consacré à Léon DIERX dans la deuxième édition de Dédicaces en 1894, avec de nombreuses ratures, corrections et variantes ; au bas de la page, trois DESSINS à la plume : Léon Dierx de profil coiffé d’une couronne ; tête de Léon Dierx de profil, coiffé d’un haut de forme et fumant une cigarette ; un hallebardier.

─ Référence :
Paul Verlaine, Correspondance générale (éd. Michael Pakenham), tome I (Fayard, 2005).

─ Provenance :
• Ernest Delahaye ;
• Vente Giraud-Badin, 1-2 juin 1964 (n° 145) ;
• Vente Sotheby’s Paris, 30 mai 2006 (n° 62).
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