Lot n° 547
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ZOLA Émile (1840-1902). Manuscrit autographe, Notes parisiennes, Paris 19 mars [1877] ; 5 pages et demie in-8 sur 6 feuillets de papier bleu fin, montées sur onglets et reliées en un vol. cartonnage parcheminé vert (le 2e feuillet a été...

Estimation : 5 000 - 7 000 €
Adjudication : 6 500 €
Description
découpé pour l’impression et recollé ; légères salissures et annotations typographiques, report d’encre d’épreuves au verso de 2 ff).

♦ Violente attaque contre Victor HUGO et la nouvelle série de La Légende des siècles.

[Cet article parut dans Le Sémaphore de Marseille du 21 mars 1877. Le manuscrit présente quelques ratures et corrections.]

Zola veut rétablir la vérité :
« la deuxième série de la Légende des Siècles, malgré ce qu’affirment les réclames, est de beaucoup inférieure à la première série », et elle n’a pas tant de succès qu’on le dit : « le livre a été très peu acheté. C’est un insuccès absolu en librairie », qui coûte trop cher ; et c’est « d’une lecture parfaitement ennuyeuse […] On admire Victor Hugo, mais on le lit peu, en dehors du monde littéraire. Plus il a grandi, et plus il est devenu apocalyptique ; aujourd’hui, il est illisible pour les femmes et les simples bourgeois »…

Zola s’interroge sur le déisme de V. Hugo :
« quel est ce Dieu, d’où vient notre âme, où va-t-elle, pourquoi s’est-elle incarnée ? C’est ce qu’il se contente d’expliquer d’une façon poétique ; il bâtit les dogmes les plus étranges, il se perd dans des interprétations stupéfiantes. En lui, tout reste sentiment ; il fait de la politique de sentiment, de la philosophie de sentiment, de la science de sentiment. Comme disent ses disciples, il tend vers les hauteurs […] ; il serait certainement préférable, à notre époque, de tendre vers la vérité. Dénouer toutes les questions par la bonté, n’avance pas à grand’chose. De même, quand il a foudroyé les prêtres et les rois, en exaltant une fraternité idéale des peuples, cela n’empêchera pas les peuples de se dévorer dans la suite des siècles »…
Hugo est un poète lyrique, non un « homme universel », comme le voudraient ses disciples ; c’est « un des remueurs de mots et de rhythmes les plus merveilleux que nous ayons eus », mais celui qui étudierait son œuvre depuis les Odes et Ballades reconnaîtrait que, telle une fleur qui s’épanouit, puis se fane, « Hugo en est à cette dernière période. […] il a accompli son évolution, d’après certaines lois fatales. Oui, il devait arriver, par la nature elle-même de son tempérament, à cette attitude de prophète qu’il a prise ; il devait être de plus en plus l’esclave de la rhétorique qu’il s’était faite ; il devait multiplier les chevilles et ajouter souvent deux ou trois vers pour le seul plaisir de justifier une rime riche ; il devait patauger de plus en plus dans le sublime, exagérer son effarement et son vertige de visionnaire […] ; il devait dompter la langue, au point de la traiter en conquérant, qui n’a plus le respect des phrases et qui les torture à sa fantaisie »…
Aujourd’hui, Victor Hugo « pontifie » ; il est devenu d’autant plus solennel que ses vers sont devenus plus vides. « Je l’ai appelé un visionnaire. Ce mot le juge. Il a traversé notre époque sans la voir, les yeux fixés sur ses rêves »…
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