Lot n° 823

BEAUVAL Jules-César-Alexandre Boucquel de (1785-1862) Lieutenant-Colonel. Manuscrit autographe, Souvenirs militaires de l’Empire et de la Restauration. Journal du Colonel de Beauval… ; registre in-fol. de papier ligné de 400 pages plus ff....

Estimation : 8000 / 10000
Adjudication : 9 360 €
Description
blancs et table des matières d’une autre main sur 2 ff., reliure d’origine demi-mouton vert à coins, tranches jaunes.


Intéressants souvenirs militaires inédits sur les campagnes de l’Empire et de la Restauration. Le manuscrit a été probablement rédigé vers 1850.

Il est divisé en deux parties.
•La première partie, Souvenirs militaires de l’Empire, 1804-1814, comprend 7 chapitres :
« Début », « Premières guerres d’Allemagne » (1805-1808), « Guerre d’Espagne » (1809-1810), « Treize mois de capitivité » (prisonnier des Espagnols, des Portugais puis des Anglais, 1811-1812), « Retour en France », « Nouvelle guerre d’Allemagne » (1813), « Esquisse sur la campagne de France » (1814).
•La seconde partie, Souvenirs militaires de la Restauration, de 1815 à 1830, comprend 6 chapitres : « De la première à la seconde Restauration », « Suite des Cent Jours », « L’Armée sous la Restauration », « Revue de 1815 à 1823 », « Intervention en Espagne », « Revue de 1823 à 1830 », plus une annexe.

Une table figure en tête de chaque chapitre.
Seul le chapitre « Treize mois de captivité » a été publié dans Le Correspondant en 1892.

Citons le début du manuscrit :
« Né à Arras en 1785, issu d’une famille noble ayant tenu des charges dans l’armée et dans la magistrature, arrière petit fils de Lieutenant général, cadet de famille enfin, la carrière des armes devait être mon être mon apanage, et suivant la coutume d’Artois, l’arme des Dragons mon partage. La révolution ne fit que modifier ma destinée, elle me mit à pied, je servis dans l’infanterie. Ces quelques mots me paraissent suffire en tête de mémoires qui ne sont nullement l’histoire de ma vie, mais seulement le récit de faits accomplis sous mes yeux. Je m’en serais bien tenu là pour ce qui me concerne, si j’avais pu passer entièrement sous silence les grands événements qui coïncidèrent avec ma première jeunesse, liés comme ils le sont à la période militaire par laquelle nous débutons. Portons donc nos regards sur un passé déjà loin de nous. Disons que mon père émigra. Cette circonstance, on le verra bientôt, n’est point étrangère à mon sujet, il accomplit de bonne heure cette dure détermination ; il avait hâte de mettre sa famille à l’abri de la tourmente révolutionnaire qui annonçait devoir sévir d’une manière si effroyable contre notre pauvre ville d’Arras, patrie de Robespierre.
On sait que le farouche dictateur se plut à faire peser sur sa ville natale, tout le poids de son système sanguinaire »….

Ce fils d’émigrés, rentré en France en 1802, s’est engagé sous les drapeaux le 21 juillet 1804, à l’âge de 17 ans. Il prit rang dans les vélites de la Garde et parcourut l’Europe à la suite de Napoléon, de Paris à Milan, de Boulogne à Ulm, Austerlitz, Naugarten, Finkenstein et Heilsberg [10 juin 1807], où il est gravement blessé, ayant reçu une balle dans la tête qui lui fit perdre un œil. À cette occasion, il raconte une visite de Napoléon aux blessés, « des bras et des jambes coupés, jetés çà et là autour de l’ambulance attestaient assez la gravité des blessures [...] Seul debout, l’Empereur entrant vint droit à moi, suivi du Maréchal Bessières et du chirurgien en chef Larrey. Il s’enquit de ce dernier, qui n’affirma rien, de suites que pouvait avoir ma blessure.
Le Maréchal me donna des paroles de consolation pour le cas où je perdrais la vue. L’empereur adressa encore quelques mots aux autres blessés et de nouveau à cheval il s’élança à travers le champ de bataille à la recherche des blessés qui n’avaient pas encore pu être enlevés, car le jour était venu éclairer le carnage de la nuit. Partout il donnait des ordres pour que ces malheureux fussent soignés. Russes et Français, souvent à côté les uns des autres avaient également part à sa sollicitude »…

Officier en 1807, il entre au 63ème de ligne et fait la campagne d’Espagne sous les ordres de l’énergique MOUTON-DUVERNET. Participant à de nombreux combats de la terrible guerre d’Espagne, il est fait prisonnier à Badajoz lors du blocus contre les Anglais et est emmené en captivité en Grande-Bretagne jusque en 1812. Peu après il est nommé aide de camp du général baron de La Briche. Il participe à la Campagne de France contre l’Europe coalisée. Après les dernières actions de l’armée impériale dans l’Aube, le colonel, envoyé en mission, assiste à la défaite de Paris et à la reddition de Napoléon. Dès lors il se rallie à Louis XVIII, et c’est en simple témoin qu’il assiste aux Cent Jours et à la bataille de Waterloo. Sa carrière militaire se poursuit sous la Restauration. Il s’illustre encore dans de nombreux combats, lors de l’expédition d’Espagne, où il gagne le grade de Lieutenant-colonel, jusqu’à la révolution de Juillet, où il est limogé, à l’âge de 45 ans.

Citons encore le vivant récit de la bataille de Medellin [28 mars 1809], sous le commandement du Maréchal VICTOR Duc de Bellune, où les Français firent face à des troupes espagnoles plus nombreuses, mais moins aguerries.

« Notre tactique devait donc se réduire à concentrer nos forces, dans le but d’épier une première faute, et de la mettre à profit. […] Toujours disposés à se flatter, les Espagnols ne doutaient pas un instant, qu’appréciant la position critique dans laquelle il s’était engagé, le général français ne cherchât son salut dans une fuite précipitée. En toute hâte, ils descendent des hauteurs de Don-Benito, craignant déjà de ne pouvoir nous attendre. Plus nous nous retirons, plus leur ardeur augmente ; en peu de temps, ils ont envahi la plaine, parcouru un grand espace, continuant à s’avancer, faisant de nouveau retenir l’air des cris de mort aux prisonniers. Mais l’illusion touche à son terme… À la voix du Maréchal, l’armée s’arrête, fait volte-face, les trompettes sonnent, les tambours battent la charge, on attaque sur tous les points, et sur tous les points, l’Espagnol lâche pied. Vers la gauche, le 63e appuyé de deux régiments de cavalerie, marche également à l’ennemi, qui fait sa décharge à bout portant. Le premier rang de nos compagnies est couché par terre, et ne se relève plus… Mais jamais premier avantage ne coûta plus cher, jamais témérité ne fut plus rudement expiée. L’ennemi n’a pas le temps de rechercher ses armes que déjà nous l’abordons et rien qu’à l’arme blanche… Fantassins, chasseurs et dragons, ne font qu’une masse, devant laquelle tout doit céder. À l’instant, même leur ligne est enfoncée, le ravage dans ses rangs, le pêle-mêle devient complet, ce n’est bientôt qu’un horrible carnage, une boucherie dont le souvenir seul fait frémir. Qu’on se rappelle seulement nos sapeurs devançant les bataillons, maniant la hâche comme le Mamelouk son cimeterre, d’un seul coup abattant les têtes, et les faisant tomber à leurs pieds !... Et ce jeune officier, se jetant dans mes bras pour obtenir merci ! »… On ne fit aucun prisonnier, pendant le premier choc : « Sur 1200 baïonnettes du 63e, 300 furent tordues ! »…

─ Provenance
• Ancienne collection du Vicomte Edmond de BOISLECOMTE (1849-1923) avec sa signature sur la page de titre.

─ On joint
• un petit dossier de brouillons du Vicomte de Boislecomte d’une notice biographique sur Beauval pour la publication des « Treize mois de captivité ».
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