Lot n° 1102

MIRABEAU Honoré-Gabriel de Riquetti, Comte de (1749-1791) le grand orateur des débuts de la Révolution. L.A.S. «Mirabeau fils», [Londres] 28 décembre 1784, à un ami ; 2 pages in-8.

Estimation : 1 200 - 1 500 €
Adjudication : Invendu
Description
Belle lettre de son exil à Londres, sur sa situation difficile et sur ses oeuvres.
[Dans sa lettre, datée du même jour que la préface de ses Doutes sur la liberté de l'Escaut, réclamée par l'Empereur (Londres, G. Faden, 1784), Mirabeau parle de son travail, de sa maîtresse Henriette de NEHRA, et d'un pamphlet de Joseph SERVAN, probablement Questions du jeune docteur Rhubarbini de Purgandis, adressées à MM. les docteurs-régens, de toutes les facultés de médecine de l'univers, au sujet de M. Mesmer, & du magnétisme animal (Padoue, dans le cabinet du Docteur, 1784).] «Je vois bien que lorsqu'il n'y a ni services à rendre à tes amis, ni mémoires balloniques à demander tu te rappelles tout au plus, le nom de ceux qui t'aiment, et tu n'as pas la plus légère démangeaison de leur écrire. Mais moi qui brûle la fievre au coin de mon feu, et dont la poitrine, par sympathie je crois, souffre cruellement, je pense à toi parce que je me porte mal, et que tu te portes bien, ce qui fait dans mon ame compensation de plaisir et de peine, de sorte qu'en y joignant l'aimable convalescence de ma compagne [Henriette de NEHRA] qui reprend sa force et sa beauté, je supporte avec une patience dont je suis moi-même étonné ma situation pénible. Je m'en veux pourtant de ne t'avoir pas écrit depuis plusieurs jours, et je ne m'absous pas en me disant que tu me dois une réponse ; je me dis au contraire que tout autre que le philosophique Toi seroit inquiet de moi ou fâché contre moi. Dans les deux cas je puis te dire : frappe mais écoute. À dater depuis les derniers jours du mois dernier, je suis occupé d'un travail instant, pénible et nécessaire qui a tellement rempli mon temps que mes journées n'y ont pas suffi ; j'ai pris plus de la moitié de mes nuits, ce dont mon Henriette m'auroit bien dispensé, et je me suis tué à ce métier. Je n'ai plus un corps de fer comme autrefois et quoique je sois de la trempe de ceux qu'un sentiment délasse d'un travail, la fatigue d'écrire après avoir écrit m'a toujours fait remettre au lendemain, et le repos absolu après la besogne m'étoit encore plus nécessaire le lendemain que la veille. Cela tient à ce que je sens qu'il m'est impossible de t'écrire brièvement [...].
Le Docteur ELLIOT a été tout aussi délicat et généreux que tu l'avois prévu. Nous n'avons pu lui rien faire accepter ; il nous a renvoyé à la mort de mon père. Quelle que soit ma fortune, je ne pourrai pas payer le service qu'il m'a rendu en redonnant la santé à mon ami ; c'est pour moi le retour du bonheur. J'aime je l'avoue, la médecine qui arrive et qui chasse la maladie. Comment veux-tu que ces gens là ne tiennent pas le genre humain bridé à leur service jusqu'à la fin des siecles, quand on voit un d'entr'eux nous rendre avec deux lignes d'écriture l'être chéri pour qui nous venons de trembler.
Bien des superstitions se sont établies à moins de frais et sur des raisons plus légères. Servant [Joseph SERVAN] vient de faire un livre contre eux qui me paroîtroit d'une conséquence fâcheuse pour la faculté si quelque chose pouvoit l'être. Il me semble que depuis le chapitre de Montaigne et les sarcasmes de Moliere, ils n'ont guère été plus rudoyés. Je te prêterai cela à ton retour ; à quand ton retour ? Car tes quinze jours se prolongent cruellement».
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