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Lot n° 69

GIONO (Jean). Notes sur L’affaire Dominici suivies d’un essai sur le caractère des personnages. Paris, Gallimard, 1955. In-12, broché. Double emboîtage toile noire avec pièces de titre, intérieur papier uni rouge.

Estimation : 1 500 - 2 000 €
Description
Édition originale.
Un des 15 premiers exemplaires sur vélin de Hollande van Gelder, celui ci un des 5 hors commerce (n°C).

─ Exemplaire enrichi :

• D’une Lettre autographe signée de l’auteur sur L’affaire Dominici à l’épouse d’André Pélabon Directeur de cabinet de Mendes France.
1 page in-4 à l’encre noire sur papier filigrané (Bambou-Nippon), enveloppe conservée

11.12.1954

J’ai été très sensible à l’amitié que vous avez eu de me féliciter (élection de Giono à l’Académie Goncourt). Je me vois mal dans ces honneurs. J’en suis inquiet depuis que c’est fait. Une chose est de vivre ici dans une simplicité totale ; une autre est de « figurer ».
Pour me rassurer je me dis que peut être il s’agit de la même chose et qu’on me prendra comme je suis. J’aurais voulu être plus explicite à Digne. C’était difficile. Je m’étais interdit d’écrire ou même de faire voir mon humeur. Il ne fallait pas troubler ce qui, somme toute, était ce qu’on est convenu d’appeler le cours de la justice. J’espère avoir un jour (et peut être d’ici là le mystère comme disent les gens simples, et le malaise que nous ressentons sera dissipé) le plaisir de vous montrer ce qui dans cette région est admirable et unique. Ce
qui, au fond compose le caractère de cet homme [Gaston Dominici] peut être coupable en tout cas « tranchant » (si on peut dire) […]

André Pélabon, Directeur du cabinet Mendes France, était présent au procès Dominici à Digne.
Giono couvrait le procès à la demande d’André Parinaud, directeur de l’hebdomadaire Arts.
Notes sur l’affaire Dominici suivies d’Essai sur le caractère des personnages, Gallimard, mai 1955.

♦ Intéressante lettre qui préfigure Essais sur le caractère des personnages.

Pour l’amateur de drames qu’est devenu Giono après guerre, l’affaire Dominici arrive à point. Le tribunal est pour lui un exceptionnel observatoire de personnalités.
Aussi, quand André Parinaud, directeur de l’hebdomadaire Arts lui propose de couvrir le procès, Giono accepte. Et, lorsque Gallimard souhaite en faire un livre, il enrichit ses notes d’un Essai sur le caractère des personnages.
On est frappé par la profondeur de vue de Giono : il dénonce une procédure fondée sur des aveux et non des preuves. Il sait distinguer dans la famille Dominici mise en accusation, les médiocres et les grands caractères, que sa culture aide à définir : la vieille, c’est Hécube, le vieux «c’est un personnage de la Renaissance (…) sorti nu et cru de l’Histoire universelle d’Agrippa d’Aubigné.
André Siegfried qualifiera ces notes de « chef d’oeuvre de géographie psychologique ».
Comme Giono lors de l’affaire Dominici, jamais élucidée, Roland Barthes prononce un réquisitoire sans appel contre la la façon dont la justice et la presse ont dessaisi de sa parole un présumé coupable peu loquace: « Voler son langage à un homme au nom-même du langage, tous les crimes légaux commencent par là.»
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