Catalogue non publié. Seuls les administrateurs peuvent voir ce catalogue sur le site.
Lot n° 166

GIONO (Jean). L.A.S. à Louis Brun. 2 pages in-4 à l’encre noire sur papier filigrané (Marais).

Estimation : 1 500 - 2 000 €
Description
6 octobre 38

Vieux,
Elise et moi travaillons d’arrache pied et nous avons presque fini. (Il va lui envoyer le texte Précisions)Ne t’inuquiéte pas ,tu vas recevoir le texte d’ici quelques jours.Il y avait quelques remaniements à faire pour
lesquels il fallait malgré tout un peu de temps.Oui, beaucoup de déserteurs italiens à Briançon,
pour ma part j’en ai vudix, armes casques et bagages et fusils qu’on emmenait à la place puis à diverses reprises j’en ai revusquatre, puis deux ou trois ,puis quelques uns les uns après les autres .Ca ,c’est ceux que j’ai vus.Mais un officiel m’a affirmé qu’il y en avait 600 à Marseille, provenant d’un bateau qui a refusé d’aller en Espagne .Il y avait également m’a certifié un officier du 2e bureau beaucoup de déserteurs allemands. Et il y avait égalementbeaucoup de déserteurs français. Mardi on a du appeler la gendarmerie de Manosque de toute urgence à Valensole ou les paysans refusaient de partiret ne sont pas partis ; deux gendarmes blessés.
Toutes les municipalités paysannes ont démissionné. Mercredi soir, le département des Basses Alpes a été en rébellion ouverte de 4h du soir à 7h et si nous n’avions eu la nouvelle du départ pour Munich la révolution
véritable éclatait au moment ou les affiches de mobilisation générale étaient apposées. Je peux te le dire parce que j’étais au premier rang de cette organisation .Mardi à 10h j’ai fait une réunion publique sur la
place de Manosque. En plein air, sous la pluie, approuvé par tout le monde dans une unanimité totale devant trois malheureux gendarmes qui n’ont pas dit un mot. J’ai été d’une violence de langage inouïe. Ce
jour là le contingent 4 n’est pas parti de Manosque.
Le 8 n’est pas parti.
Dans la journée de mercredi j’ai reçu plus de 800 personnes étrangères venant de Toulon, Gap, Grenoble, Saumur, Dijon, Nantes, des marins de Brest etc. et tout ce monde est resté à Manosque attendant l’événement.
Il y a à la présidence du Conseil à Paris un rapport du préfet des Basses Alpes parti de Digne mercredi à 6 h du soir qui signale la situation comme désespérée. Si tu as quelques accointances fais toi le montrer tu verras. Je le connais, je l’ai vu. L’ambulant des PTT me l’a apporté à Manosque pour que je le voie avant Paris. Il y avait des complicités partout.
Extraordinaire lettre d’affabulation de Giono.

Il n’aimait pas prendre la parole en public et chez lui une accumulation de détails laisse présager le mensonge selon son biographe Pierre Citron: Giono, 1895-1970, Seuil, 1990.
Même Albert Camus a cru à ces affabulations. Dans une lettre du 11 novembre 1939 à Blanche Balain, Camus écrit :
...D’autres paysans que les vôtres, et pourtant pas si loin des vôtres, sont aujourd’hui en prison pour avoir dit leur amour de la paix. Ce sont ceux de Manosque et ils ont suivi Giono.
Partager