Lot n° 24
Sélection Bibliorare

MEISSONNIER, Juste-Aurèle. Oeuvre de Juste Aurèle Meissonnier. Peintre Sculpteur Architecte & Dessinateur de la chambre et Cabinet du Roy.

Estimation : 40 000 - 60 000 €
Adjudication : 34 500 €
Description

 Première partie [seule parue] Executée sous la conduite de l'auteur Paris, Huquier, [vers 1748]

SUPERBE ET TRES RARE EXEMPLAIRE. L'UN DES DEUX AUJOURD'HUI CONNU A ETRE RELIE A L'EPOQUE EN MAROQUIN. L'UN DES PLUS BEAUX LIVRES D'ARCHITECTURE ET D'ORNEMENTATION. EXEMPLAIRE DE SIR ROBERT ABDY EDITION ORIGINALE Grand in-folio (581 x 420mm)

ILLUSTRATION : titre gravé par P. Aveline d'après le dessin de Meissonnier, beau portrait de Meissonnier interprété par N. D. de Beauvais d'après un autoportrait aujourd'hui perdu, 118 eaux-fortes et gravures numérotées 1-118 imprimées sur 72 planches. Les numéros 27, 107, 108 et 117 n'ont jamais été utilisés ; les numéros 104 et 105 sont utilisés deux fois ; deux pièces hors numérotation sont lettrées A* et A** sur la troisième planche. Les planches ont été gravées d'après les dessins de Meissonnier par Aveline, Bacquoy, Chedel, Audran, Herrisset, Huquier etc. 3 planches sont imprimées sur double-page, 36 à pleine page, et le reste à pleine page par groupe de deux, trois, quatre ou davantage (collation conforme à Fuhring) FILIGRANE : l'ensemble de l'ouvrage est imprimé sur un beau papier d'Auvergne portant comme marque une grappe de raisin et comme contre-marque l'origine auvergnate [Riom, Ambert] datée : « J. Sauvade, Auvergne, 1742 » (cf. R. Gaudriault, Filigranes..., 1995, pl. 138 et 139)

RELIURE DE L'EPOQUE (NORD DE L'ALLEMAGNE). Maroquin rouge, décor doré à motif végétal avec rocailles, composition de deux fl eurons au centre, double encadrement de festons et dentelle avec un fl euron dans les coins, dos à nerfs très orné, gardes de papier avec fi ligrane « C.I. Honig » (propriétaires du moulin nommé Herderskind à Zaandijk en Hollande), tranches dorées et gaufrées PROVENANCE : George Gamon Nesterovich Gama (1880-1964) ; notes manuscrites au crayon sur la première garde, d'une écriture en caractères cyrilliques datant du XIXe siècle et signifi ant : « De la bibliothèque de l'artiste Gamon-Gaman » -- Sir Robert Abdy (Paris, 10-11 juin 1975, n° 228 : « Un des très rares exemplaires en grand papier ») -- Librairie de Nobele (1977)

REFERENCES : Guilmard, pp. 155-158 -- Cohen-de Ricci, 696-697 -- Berlin Kat., 378 -- Nyberg 1969, p. 34 -- Millard, French Books, n° 119 -- Fuhring 1999, chapitres I.2, III.3 (cat. des gravures), et p. 312, note 5 (présent ex.)

EXPOSITION : Patterns of Style. Designs for Ornament & the Decorative Arts 1675-1850, New York, Grolier Club, 1993, p. 2 : le présent exemplaire Petits accrocs restaurés dans les marges supérieures des cinq dernières planches Juste-Aurèle Meissonnier (1695-1750) naquit à Turin d'une famille d'orfèvres d'origine provençale. Il est considéré comme le plus grand artiste du style rococo car il déclina ses motifs dans tous les registres des arts décoratifs, des plafonds aux serrures, comme en témoignent les planches si inventives de cet ouvrage. On le rencontre à Paris dès 1715. En 1725, il devient orfèvre du Roy et travailla à la Manufacture des Gobelins. Puis il succède à Jean-Baptiste II Bérain, fi ls du grand Jean Bérain (voir n° 9), en 1726 comme dessinateur de la Chambre et Cabinet du Roy. Dès cette époque, sa réputation internationale est acquise. Son oeuvre est surtout connue par la gravure puisque bien peu de ses réalisations lui survécurent. Les plus fameuses de ces rares oeuvres sont évidemment les deux terrines en argent créées pour le second duc de Kingston, déployées ici sur l'une des double-pages du recueil (cf. illustration). L'une d'elles est conservée au Cleveland Museum of Art ; l'autre a appartenu au baron Thyssen- Bornemisza et fut vendue par Sotheby's à New York le 13 mai 1998. Ce recueil fut d'abord publié à l'initiative de Meissonnier par la Veuve de François Chéreau sous la forme de quelques cahiers à partir du printemps 1734 et la mention « première partie » dans le titre de l'oeuvre y fait référence. Meissonnier avait obtenu un privilège en 1733 pour lancer la publication et un tirage par la veuve Chéreau est documenté par un recueil unique de 20 planches conservé dans la collection de Waddesdon Manor. Le célèbre graveur Gabriel Huquier reprit ce projet à peine ébauché en 1738 et entama la publication de l'oeuvre complet qu'il édita sous le titre du présent volume. C'est lui qui décida de changer le format en in-folio, commanda à Meissonnier le dessin pour une planche de titre (dont le magnifique dessin, qui jadis appartenait à Jacques Doucet, est conservé à la Fondation Angladon-Dubrujeaud d'Avignon) et ajouta le portrait de l'artiste. Parallèlement à la publication de l'OEuvre, Huquier continua à vendre les suites séparément. Les travaux de Peter Fuhring datent maintenant le premier tirage de 1748. Tous les exemplaires sont en tout cas imprimés sur un papier d'Auvergne portant la date 1742. L'OEuvre de Meissonnier, outre son aspect spectaculaire et imaginatif, est l'un des livres illustrés les plus rares du XVIIIe siècle français. Cohen-de Ricci écrit : « Magnifique ouvrage, l'un des plus beaux livres d'ornementation du style Louis XV qui existent. Très rare ». Pourtant, celui qui recensa avec ferveur et pendant plusieurs décades une quantité considérable de toutes sortes d'illustrés du XVIIIe siècle, ne cite aucun exemplaire en maroquin de l'époque. De même, depuis 1977, aucun exemplaire en maroquin n'a été présenté sur le marché des ventes internationales ou nationales. La raison de cette rareté extrême des exemplaires en maroquin est simple. A la fin de l'année 1751, le marquis de Marigny rentre d'un voyage en Italie où l'avaient accompagné Cochin et Soufflot. Il devient Surintendant des Bâtiments du Roi. A la suite des découvertes de Pompéï et de Herculanum, il impose le goût néo-classique à la Cour et parmi les amateurs français. L'exubérance du rococo est laissée pour compte, ou plutôt exportée et retraitée vers l'Allemagne, l'Italie et la Russie. Relier en maroquin l'oeuvre de Meissonnier n'est plus d'actualité : le XVIIIe siècle consommait l'art contemporain. Rien de plus normal, donc, à ce que la présente reliure soit d'origine étrangère comme l'attestent le papier de garde d'origine hollandaise et l'inscription au crayon figurant sur un feuillet de garde, qui est en russe et date du XIXe siècle. L'artiste Georgui Nesterovitch Gamon-Gaman, d'origine danoise, auquel ce précieux volume a appartenu, est né en 1880 à Riga où il étudia le dessin. Arrivé en 1904 à Saint-Pétersbourg, il poursuivit ses études à l'Académie impériale des Beaux-Arts, dans la classe de gravure. Il fut arrêté à Petrograd en 1927, accusé d'espionnage, et envoyé en Sibérie. Il fut à nouveau arrêté en 1936 à Novossibirsk et envoyé au Goulag, sur la presqu'île de Kola, pour travailler sur le chantier de la centrale hydro-électrique de Kola. Il ne put retrouver Moscou que grâce au « Dégel » (1961). Il fut nommé l'année suivante, à l'âge de 82 ans, professeur de dessin à l'Institut d'architecture de Moscou. Il habitait un appartement communautaire. Il mourut dans la solitude et une extrême misère le 30 septembre 1964. Après sa mort, 300 de ses oeuvres (eaux fortes, aquarelles, dessins) furent transmises aux archives de l'Institut d'architecture de Moscou

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