Lot n° 33

PROUST (Marcel) — 2 LETTRES AUTOGRAPHES signées «Marcel». — [Sanatorium de Boulogne-sur-Seine], novembre-décembre 1905. • 1. 2 pp. 1/2 in-8 d'une écriture relâchée avec signature peu lisible ; date de réception au composteur en 2...

Estimation : - 1 000 - 1 500 €
Adjudication : 2 000 €
Description
endroits, apostille autographe du destinataire, «rép[ondu]» en deux endroits ; petites taches de rouille. • 2. 4 pp. in-8 d'une écriture un peu relâchée ; date de réception au composteur, apostille autographe du destinataire, «rép[ondu]» ; petites taches de rouille.
«Il y a eu ici grand drame...»

Proust en deuil de sa mère.
Personnage essentiel de l'univers de Marcel Proust, sa mère Jeanne Weil compta beaucoup dans son rapport à la vie et à la littérature.
Sa mort le 26 septembre 1905 fut pour lui une épreuve insoutenable, la perte d'un pan entier de son temps qui disparaissait. Vers la fin de novembre, il entra dans le sanatorium du docteur Paul Sollier à Boulogne-sur Seine, et, pour surmonter cette crise, y resta jusqu'à la fin de janvier 1906. Il évoqua cette période de sa vie, en l'amplifiant, dans Le Temps retrouvé.

• 1. - [Date de réception du 28 novembre 1905]: «Mon cher Louis, il y a eu ici grand drame parce que tu n'avais pas reçu ma lettre. J'ai failli partir ! Comment ma belle soeur a-t-elle pu dire que je désirais une lampe à pétrole ! Moi qui crains la moindre odeur ! C'est une lampe électrique et un chauffoir électrique que je voulais ; mais tâche plutôt de pénétrer jusqu'à moi en demandant en arrivant l'autorisation au Dr Sollier plutôt qu'à sa femme qui te la refuserait. Ne dis pas que tu as reçu une seconde lettre et si dans l'intervalle tu as reçu la [premiè]re, dis que c'est la [premiè]re qui t'a expliqué ton erreur. De vive voix je t'expliquerai mieux cet imbroglio. D'ailleurs il m'est interdit d'écrire. Si je ne pouvais te voir, la lampe est une petite lampe électrique s'allumant sous prise si cela ne coûte pas plus de 60 fr. et le chauffoir une sorte de contenant se chauffant électriquement sous prise où je puisse mettre pour les chauffer mes tricots par exemple, au besoin si possible une chemise de nuit.
Je n'ai plus aucune force, je ne puis continuer à écrire. À toi...»

• 2. - [Date de réception du 25 décembre 1905]: «Mon cher Louis, je ne t'avais pas encore écrit, voulant te raconter la conversation que j'avais eue. Malheureusement, j'ai télégraphié pour fixer un rendez-vous à notre amie mais elle n'est pas venue (et ne m'a même pas répondu, d'ailleurs je ne demandais aucune réponse). Et j'en suis désolé. Je l'ai fait le 1er jour où c'était possible. Je voulais avoir plus de force pour t'écrire longuement et te remercier de tes bontés exquises pour moi mais je ne l'ai fait. J'ai appris diverses choses assez importantes. D'abord les br uits qui courent (genre de ce que [Lucien] Henraux avait entendu au téléphone) ont pris une consistance énorme et cela n'est pas très favorable à un projet de mariage, naturellement, si cela prenait trop de consistance.
D'autre part, j'ai eu la preuve que ce que je t'avais dit relativement à Escudier était exact. La madame de La Rochef[oucaul]d qui est ici n'est pas la d[uche]sse de La Rochef[oucaul]d [née Mattie-Elizabeth Mitchell] comme je le croyais, mais la soeur de Loche [Lise Radziwill, soeur de Léon
Radziwill dit Loche, et épouse du duc de Bisaccia, Armand de La Rochefoucauld]. Je me réjouis beaucoup de ton prochain retour et t'envoie mes tendres amitiés... Je sens l'impossibilité de m'occuper d'ici du paravent [probablement pour des étrennes]. Veux-tu m'excuser et dire que je ne le chercherai et donnerai qu'au mois de janvier quand je serai sorti d'ici.»
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