Lot n° 51

PROUST (Marcel) — LETTRE AUTOGRAPHE signée «Marcel». — S.l., [date de réception du 5 mai 1909]. — 5 pp. in-8 ; date de réception au composteur en 2 endroits ; trace d'onglet affectant quelques lettres, manque de papier marginal avec perte...

Estimation : - 3 000 - 4 000 €
Adjudication : 2 000 €
Description
d'un mot, quelques marques et une biffure au crayon bleu.
«Dès que les questions littéraires sont en jeu, rien ne saurait m'aveugler...»

Proust boursicoteur malheureux.
L'écrivain, malgré les conseils qu'il demanda à des amis et relations, fut un piètre gestionnaire de sa fortune.
Il fit allusion à ses déboires boursiers dans ses pastiches du Figaro.

«... Si tu vois M. Lambert [le banquier Léon Lambert, lié aux Rothschild], je voudrais que tu lui demandes 1° s'il trouve qu'il est encore temps et opportun d'acheter du "Tram Li[g]ht and Power" de Rio Janeiro (société pour doter Rio Janeiro de tramways, lumière et force motrice), c'est une valeur dont je sais qu'il était grand partisan il y a six mois mais je ne sais s'il croit la hausse près d'être terminée. Est-ce actions ordinaire, préférence, obligations qu'il faut en acheter ? Des actions ordinaires, préférence, ou obligations du port de Pará [Brésil], du chemin de fer de Rosario à Puerto-Belgrano [Argentine], du Tanganyka [Rhodésie] seraient-elles préférables à Tram Li[g]ht and Power de Rio Janeiro... 2° Estime-t-il que les actions Hambourg America (Packets farth) [la compagnie Hamburg-
Amerikanische Packetfahrt-Actien-Gesellschaft] seraient bonnes à vendre (ayant été achetées à peu près à ce cours) ou à garder. 3° Y a-t-il une mine d'or à gros revenus dont il ne soit pas mauvais d'acheter maintenant ? - D'autre part, mon cher Louis, As-tu par hasard des tuyaux sur la g[ran]de maison de banque de Hambourg, la maison Warburg, dans laquelle je me trouve avoir de l'argent. Saistu si c'est aussi sûr que de l'avoir ici au Crédit Industriel ou chez Rothschild. J'ai vendu dernièrement pour deux cent mille francs de Vichy et ce sont les derniers remplois qui me restent à faire qui me font poser ces questions.
Crois-tu que j'ai été assez bête pour racheter à 89 f. le consolidé russe que j'avais vendu à 82 !

Mon cher Louis, en relisant tes dernières lettres, j'ai été frappé de la bonté avec laquelle tu m'y parlais, et des sentiments délicieux de délicatesse que tu y exprimais à propos des chagrins qui traversent en ce moment ta vie. La noblesse de tes sentiments [donne] à ce que tu écris une véritable beauté.
Et plus d'un écrivain serait jaloux de certaines phrases que j'ai lues avec une impartialité absolue (car dès que les questions littéraires sont en jeu, rien ne saurait m'aveugler) et où tu as trouvé pour y exprimer des sentiments exquis une forme parfaite et rare. Je suis de coeur avec toutes tes préoccupations et avec leurs chers objets. Tout à toi... Sais-tu quand tu verras M. Lambert. - Puisque je n'ai toujours pas d'ordres de toi relatifs à ce bureau, puis-je du moins m'occuper de l'âne (ou poney ?) pour le jeune Louis [étrennes qu'il souhaitait offrir depuis janvier à Louis Suchet d'Albufera et à son fils Louis].»
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