Description
Les Chauves-Souris. Clairs-obscurs. Deuxième ouvrage carminal [Paris, Georges Richard, 1892], in-4°, vélin ivoire à la Bradel, sur le premier plat portrait de l'auteur peint à l'huile par «[La]
Gandara», dessous vers autographes signés, à l'encre de Chine, sur le second plat chiffre entrelacé [JE] frappé à froid dans un médaillon à fond doré, dos lisse, couverture de soie gris perle brochée de chauves-souris, de lunes et d'étoiles et doublée de satin jaune d'or avec les mêmes motifs, tête dorée, non rogné (Henry-Joseph [Pierson] -
[La] Gandara).
ÉDITION ORIGINALE du premier recueil de poèmes de Robert de Montesquiou (1855-1921).
Éditée à compte d'auteur, elle ne fut pas mise dans le commerce.
L'année suivante parurent deux autres éditions, dont l'une avec des ornements dessinés par Forain, Whistler, La Gandara et Yamamoto.
Les Chauves-Souris, un recueil de nocturnes symbolistes.
Avec Les Hortensias bleus et Le Chef des odeurs suaves, les 164 pièces de vers des Chauves-Souris constituent le coeur de l'oeuvre poétique de l'auteur. À l'occasion d'une réédition, celui qui avouait un goût certain pour la nuit et ses mystères explique l'âme du poète éveillée par les chauves-souris: «L'étrange volatile m'a semblé représenter, par son inquiétude et son incertitude entre la lumière et l'ombre, l'état d'âme des mélancoliques.» Le talent de Robert de Montesquiou fut apprécié par Mallarmé, Verlaine, Mirbeau ou Rodenbach. Cependant, son goût immodéré pour l'extrême préciosité lui valut de devenir le modèle de des Esseintes, le dandy décadent d'À rebours, et du baron de Charlus dans À la recherche du temps perdu.
L'ouvrage est précédé d'une lettre-préface de Leconte de Lisle.
Précieux exemplaire offert par l'auteur à Edmond de Goncourt, accompagné d'un long et déférent envoi autographe, daté «Juillet 92».
Robert de Montesquiou par Antonio de La Gandara: l'un des 29 livres à portrait de la bibliothèque d'Edmond de Goncourt.
Avec Henri Beraldi, Edmond de Goncourt (1822-1896) fut l'un des arbitres des élégances bibliophiliques en matière de reliures décorées fin de siècle. Dans le Grenier de la maison d'Auteuil, à partir de 1885, Edmond reçoit chaque dimanche ses amis, artistes et écrivains, au milieu de ses collections d'oeuvres d'art et des livres de sa bibliothèque. C'est dans le cadre du Grenier et de ses amitiés qu'Edmond, en 1890, conçoit le projet d'une série de reliures destinées à habiller un choix très personnel de livres «mieux aimés» parmi les livres modernes de sa collection. Chacun de ces livres recevra, sur le premier plat de sa reliure, le portrait de son auteur par un peintre auquel le lie l'amitié. De 1890 à 1896, date de la mort d'Edmond, 29 reliures à portrait furent réalisées; toutes sur des vélins pleins établis par Henry-Joseph Pierson, son relieur favori. Parmi les associations écrivains-peintres qu'il souhaita magnifier par ces livres à portrait, on peut citer Burty par Chéret, Daudet par Carrière, Julia Daudet par James Tissot, Edmond de Goncourt par Carrière, Huysmans par Raffaelli, Régnier par Blanche, Lecomte par Renoir, Zola par Raffaëlli ou Mirbeau par Rodin. Antonio de La Gandara, quant à lui, donna les portraits de Jean Lorrain et de Montesquiou. Ces reliures, dont Bernard Vouilloux écrit qu'elles sont une innovation bibliophilique d'Edmond de Goncourt, étaient à n'en pas douter l'un des joyaux du Grenier. Cinq d'entre elles furent présentées pour la première fois en 1893, à la galerie Georges Petit pour l'exposition Portraits des écrivains et journalistes du siècle (1793-1893).
Henri Bouchot écrit alors qu'elles en furent le «clou». Six de ces reliures à portrait sont aujourd'hui conservées dans des institutions publiques parisiennes.
Antonio de La Gandara (1861-1917), l'un des portraitistes attitrés du comte de Montesquiou.
L'un et l'autre sont des habitués du Grenier. Ils sont liés d'amitié depuis 1885. Le comte a beaucoup fait pour les débuts de l'artiste. Lancé dans la haute société parisienne, La Gandara en sera l'un des plus brillants portraitistes. Outre celui-ci, au moins deux autres portraits de Montesquiou par La Gandara sont connus: un fusain de 1891 et une huile, vers 1887, conservée au château d'Azay-le-Ferron.
Sous son portrait par son ami, Montesquiou a écrit quelques vers à l'encre de Chine, accompagnés de son élégant monogramme.
Goncourt a, comme à son habitude - ici sur la première garde du volume -, écrit à l'encre rouge quelques appréciations sur l'ouvrage et quelques caractéristiques de cet exemplaire: «Exemplaire de la première, et de la belle, et de la rare édition des Chauves-Souris [...] précédée d'une lettre dédicatoire manuscrite. Portrait du poète exécuté à l'huile par Gandara dans l'été de 1893.» Dans l' «inventaire littéraire» qu'il établit en 1894, il a en outre noté que le portrait de Montesquiou par La
Gandara «ren[d] bien la silhouette et le port de tête du poète».
Exemplaire cité par Vicaire.
Parfaitement conservé, il est préservé dans une chemise-étui moderne à dos de maroquin olive.
Sont joints: - une LAS à Madame [Arman de Caillavet], 4 pp. in-4° à l'encre noire sur papier ocre, datées «Pavillon des Muses». Le poète regrette «l'anéantissement» d'un projet commun, mais assure sa correspondante que des «liens invisibles» existent entre eux, «incessamment disponibles». Née Léontine Lippmann, Madame de Caillavet tint un salon littéraire important et fut la maîtresse et l'égérie d'Anatole France.
Montesquiou emménagea au Pavillon des Muses, à Neuilly, vers 1900 et y vécut onze ans.
- 2 épreuves avec la lettre du portrait de Montesquiou gravé par Henri Guérard d'après Whistler, paru dans la Gazette des Beaux-Arts en 1903 (C. Bertin, n° 548).
Édition limitée à 100 exemplaires, tous imprimés sur papier de Hollande Van Gelder, au filigrane à la chauve-souris.
Dimensions: 247 x 192 mm.
Expositions: Portraits des écrivains et journalistes du siècle (1793-1893), galerie Georges Petit, juin 1893; Antonio de La
Gandara, gentilhomme-peintre de la Belle Époque, 1861-1917, Versailles, musée Lambinet, 3 nov. 2018-24 février 2019, n° 38.
Provenances: Edmond de Goncourt (Cat. Livres modernes, 5-10 avril 1897, n° 21), avec son ex-libris gravé par Gavarni; Philippe Kah (1897-1972), avocat et homme de lettres, avec son ex-libris (aucun catalogue à ce nom à la BNF); Pierre Bergé (Cat. II, novembre 2016, n° 484), avec son ex-libris.
Vicaire (G.), Manuel de l'amateur de livres du XIXe siècle. 1801-1893, V, 1106; Crauzat (E. de), La Reliure française de 1900 à 1925, I, pp. 118; Vouilloux (B.), «Une collection d'unica. Les livres à portraits d'Edmond de Goncourt», in CONTEXTES, 14 | 2014 (édition en ligne); Galantaris (Ch.), «Les Goncourt bibliophiles», in Le Livre et l'estampe, XXXX, 1994, n° 142, pp. 7-63; Coron (A., éd.), Des livres rares..., BNF, n° 232 (Germinie Lacerteux des Goncourt, ex. d'Edmond, vélin, portrait d'Edmond peint par Raffaëlli); Mathieu (X.), Antonio de La Gandara, gentilhomme-peintre de la Belle Époque, 1861-1917, Versailles, musée Lambinet, 3 nov. 2018-24 février 2019, n° 38 (avec reproduction) et passim.