Lot n° 85

MIRABEAU (Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de, 1749-1791) le grand orateur des débuts de la Révolution. Lettre autographe signée "Mirabeau fils", [Vincennes] 1er avril 1780, au marquis de MARIGNANE. 2 pages in-4, mouillure (portrait gravé...

Estimation : 2500 / 3000
Adjudication : 3800 €
Description
joint). BELLE LETTRE DU DONJON DE VINCENNES A SON BEAU-PERE POUR OBTENIR SA LIBERATION. [Incarcéré depuis 1777 au fort de Vincennes, sur lettre de cachet par ordre de son père, après s'être enfui avec sa maitresse Sophie de MONNIER, Mirabeau implore la clémence du père de son épouse bafouée, seule personne avec sa fille à pouvoir lui accorder sa mise en liberté.] Une première démarche, l'année précédente, lui avait valu "de votre part une vive réprimande que j'ai pu mériter à plus d'un égard”. Il reconnait ses torts, "des passions, que la jeunesse rendoit trop violentes”, et il ne peut que demander le pardon et promettre de s'en tenir à une "conduite expiatoire”. Il invoque le lien qui unit leurs deux familles, qui, il l'espère, lui laisseront une nouvelle chance de se mieux comporter : "Je n'ai pas cru, je ne puis croire encore que deux familles aussi nobles par leurs principes que par leur naissance, composées de gens pleins de vertus, d'humanité et d'honneur s'unissent constamment pour condamner à la mort civile et à la mort physique un homme qui leur tient de près, qui a mal fait sans doute, mais qui leur crie à toutes deux : je veux mieux faire ; mettez moi à portée de mieux faire. C'est le plus beau des droits de l'homme généreux que la clémence. C'est peut-être le plus dur à invoquer pour ceux qui se sont mis dans le cas d'en avoir besoin. Mais je ne calcule plus d'après ce qui est agréable ou triste. Je ne considère que ce que je crois de mon devoir ; et certainement il est de mon devoir, de vous manifester mon repentir pour ce que j'ai de torts trop réels, et de vous montrer en implorant votre secours combien j'ai pour vous d'estime et de respect. Solliciter le pardon des hommes, c'est les traiter comme Dieu même, et Dieu ne le refuse jamais à ceux qui le lui demandent, il a prescrit aux humains de l'accorder jusqu'à soixante et dix sept fois sept fois. Je ne le demande pas entier, Monsieur ; je voudrois ne rien avoir gratuitement ; je voudrois que vous me missiez dans le cas de le mériter, de le conquérir ; je voudrois que vous m'arrachassiez à la mort, que vous me donnassiez le moyen d'employer honorablement et vertueusement ma vie ; que vous ne me rendissiez toutes vos bontés que lorsque j'aurois fait des premières d'entr'elles cet usage convenable et réparateur”. Sa santé est mauvaise et il ne peut se soigner en prison : "Les deux familles auxquelles je tiens, mes deux pères, ont beau être irrités contre moi, je les connois trop pour croire qu'ils soient disposés à ordonner de sang froid ma mort douloureuse et cruelle ; je les connois trop bien pour ne pas me flatter qu'ils verroient mon salut avec quelque bonté, s'ils pouvoient être sürs qu'il ne les exposât pas à de nouvelles fautes de ma part. J'ose donc demander encore qu'on sauve le physique et qu'on essaye le moral”... Son père s'est entretenu avec M. de Rougemont, Lieutenant de Roi du château de Vincennes, et c'est de lui qu'il tient que seul son beau-père ou son épouse peuvent le libérer : "C'est donc uniquement à votre merci et à la sienne que je suis, Monsieur ; et s'il faut que je périsse, ce sera vous qui m'y condamnerez ; Je vous crois trop généreux pour le faire. Si Madame de Mirabeau contribue, comme je l'espère encore, à vous déterminer favorablement, je lui vouerai comme à vous une reconnoissance éternelle, dont il n'y a aucune preuve que je ne sois disposé à lui donner, autant qu'elle et vous le jugerez convenable”. Il aurait aimé pouvoir réparer sa faute et mériter le pardon et la liberté en servant l'armée, mais ses infirmités l'en empêchent. Il demande donc la permission de s'installer jusqu'à sa guérison aux environs de Paris, "où je pusse être à portée des secours de l'art, et jouir un peu d'exercice, surtout de celui du cheval qu'on regarde comme l'unique remède à mes maux s'il en est encore”. Il le prie de croire que ces bontés le lieraient encore plus fortement à ses deux familles et l'obligeraient : "Je vous demande la vie, et je vous jure de l'employer à votre gré...”
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