Lot n° 39

Henry de GROUX (1866-1930). 6 L.A.S. « Patsy », Paris 1915-1919, à sa fille Élizabeth à Vernègues (Bouches-du-Rhône) ; 20 pages petit in-4 ou in-8, 3 enveloppes (petites déchir. marg. à la 1re lettre, une lettre tachée).

Estimation : 1.500 / 1.800
Adjudication : 3 200 €
Description
Belle correspondance du peintre à sa fille aînée, sa « chère Za ». Filleule de Léon Bloy, elle poussa son père à se réconcilier avec son grand ami après une brouille de dix-sept ans, en 1916. Artiste, elle dessine et peint aussi, collaborant avec son père.{CR} 21 mars 1915. Lettre illustrée de deux petits dessins, décrivant le premier bombardement de Paris par les Allemands : « Nous venons de recevoir ici la visite des Zepelins la nuit dernière. Réveillés au milieu de la nuit par les clairons sonnant le “garde-à-vous” et les trombes de pompiers c’était très impressionnant. La plupart des gens se sont cachés dans les caves. Moi j’étais trop heureux de voir enfin un des spectacles les plus curieux de cette abominable guerre ». Il décrit le ciel de Paris strié par les faisceaux des projecteurs, et l’étrange silence, troublé par les vrombissements de moteurs, les mitrailles et les bombardements. Il a dessiné, en haut de page, un zeppelin décoré des mots « Deutschland über alles » et la Tour Eiffel (où sont les projecteurs qui repèrent le dirigeable), bombardée… Il lui donne des conseils : « Tu peux dessiner la comète […] aussi grande que tu veux. Mais fais-la en blanc et noir très-net sans nuance, naturellement pour bien venir en gravure »… Il souffre toujours de sciatique, « ce qui a retardé l’achèvement de tableaux qui me doivent apporter des sous. Tu sembles, à propos, avoir compris la question – socialement il n’y a que l’argent qui compte. Tout le reste est littérature et même mauvaise littérature. Tous ceux qui osent dire ou enseigner le contraire sont ou des imbéciles, ou des traîtres. Il n’y a pas de milieu. Ne l’oublie jamais »… Il va bientôt commencer le portrait de la duchesse de Clermont-Tonnerre, avec laquelle il est toujours en très bons termes… Etc. 5 février 1917, à sa femme et ses deux filles Élizabeth et Marie-Thérèse. « Je vous écris hâtivement, en plein coup de feu, tandis que le bateau ici prend l’eau de toutes part, je reste sur le pont et je commande ! Il faut m’obéir à la lettre », si l’on veut réussir à vaincre la tempête. Il envoie des instructions, parle d’un projet de livre avec Élizabeth sur les fleurs, promet d’envoyer des bois et des cuivres, recommande de ne parler à personne de leurs projets. Il souhaite acheter un autre domaine en Provence mais a besoin d’argent. « Le monument du petit d’Alignan est terminé ou à peu près… Je l’achève et il m’achève ! c’est un prodige que j’ai fait en quelques jours »... 14 août 1918. Conseils au sujet du livre d’Élizabeth : les éditeurs veulent faire « un tirage de tes bois pour les clichés qui doivent réduire tes compositions aux proportions du livre […] Voici ce que je te conseille. Il faut paraître ! Il faut que tu sois connue ! –Paraître ou ne pas être ! […] Il faut obtenir du moins que tes bois soient effacés après le tirage et qu’ils te soient restitués vierges, pour de nouvelles planches »… Quant à lui, il s’est remis à la sculpture, et a fait un Shakespeare et un Byron : « Un de ces jours je ferai Bloy ». Il va commencer le portrait de la danseuse Ibieta Prienza, « et je suis tombé au milieu de tout ce corps de ballet comme le loup dans la bergerie ! C’est une mine de portraits de danseuses toutes plus jolies les unes que le autres ! Degas va finir par tomber à quarante sous ! ». Il se démène dans toutes sortes de difficultés pour trouver de l’argent… 15 avril 1919. Il est en train de mettre sur pied une affaire qui devrait lui rapporter beaucoup d’argent : il a fondé une société avec Carlos Larronde et Berard, pour donner des fêtes et des concerts à grandes souscriptions afin de « réunir les fonds nécessaires à l’exécution du monument à Claude Debussy dont j’exécuterai avec Mixton [sa fille Marie-Thérèse] le projet à Vernègues et la statue entière à Bourg-la-Reine ». Il souhaite trouver un emplacement à ce monument à l’entrée du Bois de Boulogne à Paris. « Je voudrais aussi obtenir une salle au Petit Palais pour y faire venir le Christ aux outrages »… 17 avril 1919. Il lui recommande de garder un œil sur sa sœur Mimi qui l’inquiète un peu ; et lui envoie « une photographie, une plaque de cuivre et un bois pour que tu me commences un portrait de Barbey d’Aurevilly que je finirai – en le signant ! Il doit orner sur fond d’or l’exemplaire des Diaboliques relié avec un texte copié et enluminé de façon vraiment angélique par ce pauvre Léon [Bloy]… C’est une merveille ! »… 16 mai 1919. Conseils… Il avance dans ses travaux. « Je vais tâcher d’acheter Valcarez. Patience ». Il lui demande de ne pas chercher « à mettre la signature aux Diaboliques. Il est mieux ainsi. Attends mon arrivée »…
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