Lot n° 41

Henry de GROUX. 3 L.A.S. « Henry », Paris 1917-1919, à sa femme Marie de Groux, à Valcarez à Vernègues (Bouches-du-Rhône) ; 11 pages petit in-4, une enveloppe.

Estimation : 800 / 1.000
Adjudication : 2 500 €
Description
Belles lettres à sa femme sur son travail pendant la guerre.{CR} 16 mai 1917. Il s’inquiète de ne pas avoir de ses nouvelles, surtout à cause des soucis que leur pose son éditeur M. d’Alignan : lui a-t-il envoyé l’argent comme promis ? Si oui, quelle est la somme exacte : lui n’a pas reçu son compte et a besoin de savoir exactement où ils en sont. Il revient avec insistance sur cette question… Il est en train de terminer les tableaux « qui étaient encore en souffrance : Joffre, etc. etc… Cette besogne avance et beaucoup de ces tableaux sont devenus très beaux ». Il lui faut une grande patience pour supporter les irrégularités de son existence, et il ne quittera pas Paris sans la somme d’argent promise en poche. Il n’a pas pris de décision au sujet de l’atelier sinon qu’il est décidé à quitter celui de la rue Chaptal. On lui a parlé d’un atelier rue du Faubourg St Honoré ayant appartenu au peintre Zuloaga, qu’il ira voir demain… Leur fille Élisabeth brûle d’envie d’aller rejoindre sa mère à Valcarez, mais elle hésite, à cause de l’état de santé de son parrain [Léon Bloy], « qu’elle craint de ne plus revoir et qui lui peint l’avenir dans des couleurs noires… je me rends compte qu’on cherche à la garder »... On voudrait faire une exposition de lui à La Haye. Il recherche et demande où sont rangées quelques études, pensant pouvoir en tirer de l’argent. Il va dîner chez la duchesse de Clermont-Tonnerre qui veut lui parler. « Elizabeth travaille, elle a fait un nouveau bois très réussi. […] Maritain est pris pour le service armé », ainsi que Carol-Bérard ; et il a eu des nouvelles de Bertin. Il n’en peut plus de la guerre, il songe à ses œuvres. Le livre de Bloy va paraître prochainement, etc. 9 juin 1917. Il a renvoyé sa domestique : « il est temps que je mette à la porte cette ordure de femme », sur les méfaits de laquelle il s’étend sur toute une page… « Ma scyatique et ma névralgie intercostale me reviennent beaucoup à la faveur de l’irritation que j’éprouve du contact de ces sales et vilaines mains où se passe ma vie difficile pourtant si pleine de labeur. Car je continue à travailler beaucoup. J’ai mis de côté tout un lot de dessins originaux que je suis bien décidé à ne pas remettre à d’Alignan et que je confierai probablement à Nuils, dès qu’il pourra s’occuper d’une exposition à La Haye. […] Il a fait écrire une lettre recommandée à Élizabeth pour d’Alignan à fin de lui réclamer les œuvres qu’il détenait d’elle abusivement et inutilement », et lui-même devra bientôt faire la même chose. Cette semaine, il va travailler « aux usines de guerre Citroën que j’ai visitées et où des travaux assez importants, bien rémunérés m’attendent je crois. […] Le prix de la vie ici est exorbitant et si la guerre dure c’est un vrai problème de savoir ce qui sera possible de faire à Paris l’hiver prochain et comment vivront les pauvres et même les riches ». D’Alignan ment en disant qu’il lui a donné plus d’argent, c’est un « vil Tartuffe »… « Le livre de Bloy, les Méditations d’un Solitaire a paru. C’est un livre émouvant en somme et au demeurant un de ses meilleurs bien qu’il me semble je ne sais pourquoi l’avoir déjà lu et relu. Il y a de fort beaux passages et aussi de bien puérils […]. Que notre Elisabeth porte donc comme elle pourra la gloire très lourde de cette dédicace ! ». Lui-même n’a pas encore pu aller voir Bloy à Bourg-la-Reine, car il est trop pris, et doit s’entendre avec d’Alignan pour un projet autour du Livre de Prospero qui pourrait marcher. « Mon labeur est énorme ; mais, malheureusement encore, tu le vois, plus onéreux que fructueux. Et quand la journée est finie je suis tellement abruti d’énervement que je fatigue, qu’il m’est pour ainsi dire impossible de songer aux lettres, d’ailleurs très nombreuses, que j’aurais à écrire »… 17 janvier 1919. « Je suis en ce moment très occupé avec un buste de Clemenceau qui je crois sera un chef d’œuvre […] Je me fais fort d’en tirer de l’argent ». En attendant il la prie de lui envoyer un peu d’argent. « Je vais envoyer à Élisabeth bois et cuivres pour qu’elle puisse faire un beau portrait de moi. – J’y tiens beaucoup [….] tout est moulé et fait un grand effet. Le Balzac, superbe. Le masque de Byron, idem »… Il a reçu ses tableaux de la duchesse de Clermont-Tonnerre : « Je vais envoyer à Élisabeth son portrait et plusieurs œuvres que je veux mettre à l’abri ». Il voudrait savoir si la proposition du curé de Vernègues pour Le Christ aux outrages est sérieuse : « Le tableau est en parfait état à la maison communale ou Hôtel de ville de St Gilles »…{CR} On joint une copie manuscrite du contrat entre l’éditeur d’Alignan et H. de Groux, 6 novembre 1916.
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