Lot n° 123

Pauline Viardot. 6 L.A., Saint-Pétersbourg et Moscou [janvier-avril 1853], à son mari Louis Viardot ; 29 pages in-8 sur papier fin à son chiffre couronné (une lettre incomplète de la fin avec petites corrosions d’encre).

Estimation : 2.000 / 2.500
Adjudication : 5 500 €
Description
Belles lettres à son « bien aimé Loulou », véritable journal de ses succès en Russie à Saint-Pétersbourg et à Moscou. La plupart de ces lettres s’étendent sur plusieurs jours.{CR} [Saint-Pétersbourg février]. Louis vient de la quitter. Elle voudrait savoir si « tu es bien casé dans la voiture, et surtout si tu as conservé ton bon courage jusqu’au bout »… On lui a finalement demandé de ne chanter que les 3 actes d’Otello : « c’est autant de fatigue en moins ». La représentation a été très longue, avec plusieurs rappels : « Je n’ai pas chanté merveilleusement bien mais enfin, ça aura été mieux que je ne l’espérais, d’après l’envie démesurée que j’éprouvais… de ne pas chanter. Mlle Spezia crie comme deux aigles »… Elle donne des leçons à la Grande Duchesse Hélène, chez qui elle a aussi répété La Prova d’un operia seria [de Francesco Gnecco] ; vivante relation de la répétition ; « Rubinstein jouera la Marche funèbre de Chopin »… – Mercredi 1 h. du matin. La Prova d’un operia seria a rencontré un vif succès : « J’étais poudrée avec mes cheveux et tout le monde m’a trouvé jolie comme un cœur ». Lablache et elle ont été rappelés huit fois… Elle a répété Le Prophète… M. Stieglitz lui a écrit un joli billet, accompagné d’un bracelet [dessin] avec « quatre beaux gros grenats cabochons, entourés de petits diamants. C’est la pierre à la mode ici » ; elle est allée dans le magasin pour connaître le prix : « 1700 francs ! Excusez ! Mais je veux pourtant le changer pour une pierre d’une valeur comme dans tous les pays et qui ne soit pas sujette aux caprices de la mode »… – 27 février/10 mars. Le Prophète a été joué pour la seconde fois devant une salle comble : « Le succès a été encore plus grand que le premier soir pour moi. Mario a été un peu moins mauvais mais son rôle est tout à fait effacé à côté du mien. J’ai été rappelée 21 fois dans le courant de la soirée. Franchement sans moi l’ouvrage tomberait à plat car tous les effets de masses et la plupart des accessoires indispensables à l’opéra de Meyerbeer, tels que les patineurs, les danses, le soleil, l’orgue et les cloches sont fort mauvais. Tout le monde trouve ennuyeux les actes où je parais peu. Le 3ème acte, le 2nd ici, n’arrache pas un seul applaudissement. Mais, en revanche, je te réponds que les deux derniers font de l’effet. On pleure, on rappelle, on hurle »… Mario est « d’une nullité désespérante. Tout le succès est pour moi et ses beaux yeux. La seule chose que l’on trouve à redire dans Fidès, c’est que j’ai l’air trop jeune ! Qu’y faire ! […] On me trouve trop à mon avantage ! »… Elle va écrire à Meyerbeer… Tolstoï est venu la voir pendant un entracte… On donne le lendemain les deux premiers actes de Guillaume Tell et un acte du Duc Foscari de Verdi avant de terminer par La Prova… Elle s’inquiète de la fermeture des grands théâtres à Londres, et craint de se voir forcée de « courir les provinces au cachet !! »… Elle va chanter « Rigoletto et demain le Prophète. Ce sera ma 22me représon, en comptant les 3 bénéfices »… – 25 mars. Elle a fait fureur la veille dans un concert privé avec le Chacho Moreno, « et les deux nouvelles romances russes qui ont été bissées avec frénésie »… Elle va partir pour Moscou, mais le Théâtre brûle encore, et elle devra chanter dans la salle de la noblesse. Elle sera reçue dimanche par l’Impératrice… – Moscou 27 mars. Elle donne le programme de son second concert… Elle fait la liste des objets circassiens qu’elle a achetés, et le compte des frais de son concert. Elle fait le dessin de la broche de grenats et diamants que lui offre l’Impératrice, d’une valeur d’un millier de francs. « Les 150 R. de ton fusil cédé à Tourguénieff sont rentrés dans ma sacoche ». Le temps lui semble long… Elle doit se rendre à une soirée de l’Impératrice… Son rhume qui tarde à se résorber l’a de nouveau forcée à remettre un concert… Elle partira dimanche pour Saint-Pétersbourg. Elle a chanté à l’Assemblée « pour payer ma dette pour la salle. […] J’ai donc chanté les Mazourkes, la leçon tyrolienne, et l’air russe nouveau. Il y a eu 6 rappels »… – St Pétersbourg 16/28 avril. Les intempéries ont ralenti son voyage. Elle donne des détails sur son voyage de retour… Le concert des Léonard au Théâtre Michel s’est « frénétiquement passé. Comme toujours, comme partout, c’est moi qui ai eu les honneurs. […] La salle était bien garnie – le public fou, à la lettre, dès que j’ai paru. J’ai chanté la cavatine du Barbier, Lubilaia et Solovie, répété, et les Chansons espagnoles – plus l’air de Dargomijski demandé par toute la salle » ; elle fait le compte des rappels à chaque morceau, « et 20 à la fin du concert ! »… Nouveau succès « au grand concert pour les pauvres honteux », où elle a chanté 4 romances russes de Dargomijski…
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