Lot n° 192

Paul MORAND (1888-1976). 4 L.A.S., 1948-1975, à Emmanuel Berl ; 9 pages formats divers, 2 enveloppes.

Estimation : 1.200 / 1.500
Adjudication : 2 000 €
Description
Correspondance amicale, avec une longue lettre sur le Journal inutile.{CR} Vevey 6.IX.1948, demandant une lettre de recommandation « pour ton beau-frère argentin, en faveur d’un vieil ami, Jean Burnay, conseiller d’État, qui part à B.A. [Buenos Aires] représenter le B.I.R. (le Bureau International des Réfugiés) ». Il voir Pierre Fresnay « qui tourne au Gd St Bernard, et Yvonne qui l’attend au pied de torrents déchaînés ». Il ajoute : « Les Asiatiques ont soulevé ici un enthousiasme général. Noé [de Giono], beaucoup moins »… 23/2/1952. Il donne le détail, fixé avec son épouse Hélène, de leur voyage d’une semaine en Espagne ainsi que l’hôtel où Berl pourra les rejoindre à Montpellier ; ils prévoient de visiter Barcelone, Saragosse, Madrid… Paris 31.XII.1974. Il approuve l’idée de Fallois de « renouveler, avec toi, le Livre de poche »… « à moi aussi, les escaliers font peur ; je peux les monter, non les redescendre ; c’est pourquoi je ne viens plus sonner à ta porte. Pense bien à moi ; la vie est difficile au grand âge ; tu n’y es pas encore, tu as du temps devant toi. Hélène souhaite me libérer (dit-elle), sans se rendre compte que son fantôme sera plus lourd que sa présence, qui, malgré tout, m’est plus chère que ma vie. Je t’embrasse ; je ne t’oublie pas ; personne ne t’oublie ; ton influence est partout »… 9.X.1975. Longue lettre au sujet de la publication posthume de son Journal inutile : « Je n’aime pas choquer mes contemporains ; aussi, dans mon Journal inutile (titre emprunté à Figaro) j’ai eu plaisir à écrire que j’ai, à la fois, chagrin et grande joie, à voir l’emporteuse vaincue. Je suis trop vieux et trop bête pour entamer, si je le dis publiquement, une polémique, qui choquera. Je t’entends me répondre : pourquoi t’en cacher ? Il y avait là matière d’une œuvre intéressante, que tu n’as pas donnée, avec ta paresse habituelle ? Tout ceci pour répondre au petit tas de secrets de Malraux »… Hélène lui avait demandé, peu avant sa mort, de détruire les carnets de notes qu’elle avait tenus. Cette dernière volonté souleva en lui des doutes sur sa propre démarche : « Le temps de la séparation est venu. Sans avoir rien décidé. J’ai finalement tout envoyé, sans jamais relire, à la Bibl. Nle, me disant : si qq chose a gardé de l’intérêt, cela verra le jour ; sinon, que tout cela aille au diable ! […] Bref, je m’en suis remis à l’an 2000 de décider. Tu me connais assez pour penser que ce n’est pas par amour et considération de ma personne que j’ai tout gardé, même contre l’avis d’Hélène. Alors, pourquoi ? »… Il évoque le cas de Gide qui « ne croyait pas à la postérité ! Tout son Journal est écrit en y pensant. Le meilleur de lui, dans ce domaine, et ce qui restera sera le Journal de la petite dame, qui, elle, n’y pensait pas »… Il termine en félicitant Berl pour le prix Marcel Proust… Il ajoute une réflexion sur les notes de V. Hugo et les Contemplations : « je comprends mieux cette œuvre sublime en les éclairant par la lecture et le déchiffrement de ces notes »…
Partager