Lot n° 197

Roger PEYREFITTE (1907-2000). 5 L.A.S., juin-décembre [1942], à Henry de Montherlant, à Paris ; cartes postales de correspondance, 1 page in-8 chaque remplie d’une minuscule écriture, avec au verso adresses de l’expéditeur et du destinataire.

Estimation : 700 / 800
Adjudication : 750 €
Description
Intéressante correspondance adressée à « M. Millon » (autre patronyme de l’écrivain), signée au nom de l’expéditeur (une « R.P. Fitte » et une « de St Phalle »), parlant à mots couverts de leurs liaisons et aventures homosexuelles, de la nouvelle pièce de Montherlant La Reine morte, et de son propre roman Les Amitiés particulières.{CR} Toulouse 27 juin. « Je ris encore du poème (“Donne-lui donc à bouffer, disait la mère”.) à bouffer “la bonne lettre”, naturellement. Mais aussi ne suis-je guère porté à gémir pour vous de la fermeture d’Espinathie, que tant de garçons compensent largement »… 29 juin. Il participe de loin aux succès de son ami, et confirme son arrivée aux environs du 14, pour la Saint-Henry, « petite fête intime, chez le rival d’Espinathie, avec “gâteau”, bien entendu », et un bref séjour. À Toulouse, c’est « morne. N’ai d’ailleurs guère “la tête à ça”, passé par mon travail. Une incompréhension gale, qui me faisait souvent […] aspirer après ces horizons parisiens que vous m’assombrissiez. Maintenant que vous me les peignez en rose, c’est des “chefs-d’œuvre” et des “superbes éditions” que vous me dégoûtez. Où est le temps où je disais : mon œuvre (je ne prétendais pas encore au chef-d’œuvre), c’est une vie. Trop heureux homme qui menez admirablement les deux de front (aurai-je un jour votre savoir-faire ?), – la plume et l’“épée” ! »… 12 septembre. « J’applaudis, de loin, aux enrichissements de la célèbre collection : les deux nouvelles divinités inscrites sous les nos X et XVI me paraissent devoir être des morceaux de choix, et qui me prouvent qu’il n’est de bonnes antiquités que de Paris. Ici, ce n’est pas que le choix ne serait abondant, car j’ai décidé, une fois de plus, de m’en tenir à ce que les antiquaires m’apportent à domicile : j’ai accroché – pas trop haut – mes cornes de chasseur. La statuette qui faillit vous être livrée à Paris a fait plusieurs fois mes délices, – et je n’ai pu décider son propriétaire de me la livrer en forme : elle va, elle vient, elle est fugace »… Dorat 29 septembre. Il a retardé son retour à Toulouse, et « espère que vous n’ayez été fâché que l’on vous vît d’ici en petit garçon vêtu de velours noir, et en boucles blondes. Je sais qu’il est des images qui vous sont antipathiques, tout autant qu’à moi. […] Charme de fin de vacances “garées des voitures” », avec récit d’une virée à Gergovie…Toulouse 29 décembre. Il a attendu pour écrire de savoir ce qu’était devenue l’affaire du major : « la plaignante a été convaincue être une personne “de mauvaise vie”. Le major s’est fait blanc de son épée, comme on disait autrefois. Brave major ! Il y a un dieu pour les majors et pour leur ordre. – Lettre de J.V., qui proteste hautement contre le changement du titre, et je me rends à sa raison : vous connaissez ma “versatilité”. En vérité, c’est que je n’ai rien trouvé de bon à la place. Ainsi, le sort en est jeté : je serai l’auteur des A.P. [Amitiés particulières] Tant pis ! Ou tant mieux ! Ne croyez pas que c’est l’avis de V. qui l’emporte à mes yeux sur le vôtre. Vous savez que ce fut, au fond, toujours le mien : ce livre ne peut pas avoir d’autre enseigne. Et laissons notre amitié en dehors de cela. C’est quand vous l’aurez lu que vous jugerez de ce que vous pouvez faire, quel que soit le titre […] Et, une fois de plus, je déclare que la littérature est une chose, l’amitié et la vie une autre. Ne parlons donc plus de cela. – Je fais mon deuil de La Reine Morte – état vacant au point de vue lutte personnelle, en ce moment. Quel évangile, en effet, que celui-là ! »…
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