Description
Intéressant récit et journal de captivité d’un capitaine d’infanterie. D’une écriture fine et régulière, très lisible, ce récit est divisé en cinq parties et complété par une table des matières : I « Dix jours à Verdun », 1er-10 juillet 1916 (p. 1-40) ; II « Comment je fus fait prisonnier », 11 juillet 1916 (p. 41-54) ; III « De Bouligny à Mayence », 12-16 juillet 1916 (p. 55-72) ; IV « Mon séjour à la citadelle de Mayence », 16 juillet 1916-23 mai 1917 (p. 73-125), avec un « plan sommaire et approximatif » de leur partie de la citadelle ; V « Séjour au camp de représailles de Sarrebrück Burbach », 24 mai-23 septembre 1917 (p. 126-154).{CR} Après l’évocation de la vie quotidienne du régiment enfermé dans Verdun, le récit de l’attaque du 11 juillet 1916 est très vivant et détaillé. À 15 heures, avec son colonel, ils traversent le pont sur la Meuse, puis tout le quartier de Verdun, déserté par les civils : « le bruit de la canonnade a redoublé d’intensité, on n’a aucune peine à ressentir la réalité des choses et un petit frisson nous pince le cœur ». Le général d’Anselme ne leur cache pas la vérité : « nous allons occuper un secteur terrible, le Chênois, et nous sommes un peu dans cette 71e division des troupes sacrifiées. Notre ligne en avant du fort de Vaux, à environ 1200 m de ce fort, n’existe pas à proprement parler, c’est une succession de trous d’obus que les hommes aménagent comme ils peuvent la nuit, car de jour il est impossible de montrer le bout de son nez, car les mitrailleuses du fort sont d’une extrême vigilance et comme nous sommes en contre-pente, rien ne peut leur échapper. […] Le tunnel de Tavannes a un bon kilomètre de long, c’est un abri sûr mais très inconfortable. Au début de Verdun, on y accumulait des troupes de réserve et il a pu contenir plusieurs milliers de soldats […] une odeur immonde vous saisit aux narines dès qu’on y pénètre […] nous longeons des abris dans le boyau où des hommes sont couchés, j’ai su plus tard que ce sont des cadavres qu’il est impossible d’enterrer, je les trouvais d’ailleurs bien immobiles. […] Depuis quand sont-ils là ? Des semaines peut-être, la pluie, la boue sont tombés sur eux, les ont collés et figés dans la terre avec laquelle ils se confondent, c’est affreux. Mais ici ce ne sont que quelques cadavres, plus haut dans la partie qui mène à la 1e ligne c’est un charnier véritable et l’on est obligé de marcher dessus, le boyau en est rempli. C’est, paraît-il, la nuit une véritable vision d’épouvante »… Il décrit les effets de la canonnade incessante, évoque des relèves difficiles ou impossibles, des erreurs de liaison, le débusquage de soldats cachés (« plutôt des égarés ou des gens un peu minus habens que des lâches »), les notes de service irréalistes (« de véritables âneries ») ainsi que le « crime » de faire porter des grenades par des territoriaux sous un marmitage intense. Sa capture se fait au petit matin, le 11 juillet : « je pousse quelques hommes dehors, mais ils redescendent aussitôt en criant “les Boches sont là, ils arrivent”. Nous sommes médusés, le silence règne dans l’abri, on entendait battre nos cœurs, tant tout cela a été soudain. […] une ombre paraît au seuil de l’abri. Je n’ai pas peur, je n’ai même pas perdu la tête, je sens qu’il arrive quelque chose d’irrémédiable, de fatal, contre lequel nous ne pouvons rien. Il est trop tard pour sortir de l’abri et prendre position, nous allons donc être ou faits prisonniers ou massacrés […] je sors. C’est donc fait je suis prisonnier »… La suite du carnet raconte le périple des prisonniers de Bouligny à Mayence, leur vie dans la Citadelle de Mayence (avec plan), le régime des prisonniers et leur emploi du temps, ses camarades de captivité, les impressions au fil du temps, à Noël et le 27 janvier (anniversaire du Kaiser), puis l’envoi au camp de représailles de Sarrebrück Burbach, où ils subissent des bombardements et où quelques détenus tentent une évasion qui provoque de nouvelles représailles ; le carnet s’achève lorsque les prisonniers sont évacués vers Berlin...