Description
Renault), et carnet autographe signé, 1915-1916 ; 105 pages formats divers, la plupart in-4 (qqs en-têtes dont 2 des Automobiles Renault), qqs cartes postales de Correspondance des Armées de la République, qqs enveloppes et adresses avec cachets Aviation militaire Escadrille M.F. 41 et marques de franchise militaire, et un carnet in-12 en partie impr. de 35 pages autographes (plus ff. blancs), couv. moleskine verte.
Bel ensemble de documents du jeune aviateur, engagé volontaire pour la durée de la guerre. La correspondance témoigne de ses conditions de vie et de ses aspirations, de son angoisse aussi. Il est aussi souvent question de son oncle Louis Renault, lui-même engagé dans la construction de matériel de guerre. [Jean Renault fut tué le 31 mars 1916 au cours d’un combat aérien dans les environs de la cote 304, à Esnes (Nord), le lendemain de sa dernière entrée dans son Carnet d’emploi du temps].{CR} 1914. Lyon 5 septembre. Paris était « tout agité de l’arrivé trop rapide de l’ennemi, tout était désert, et les fuyards nombreux sur la route. […] je suis soldat sapeur mécanicien du premier génie engagé volontaire, ce qui m’a d’ailleurs donné pas mal d’ennuis, car au conseil de révision il ne voulait pas me reprendre me trouvant un peu trop faible, j’ai été obligé d’insister et puis, et puis je suis soldat »… 12 septembre. Il ne voit presque personne en dehors des officiers qui le commandent : « Je mange environ deux cent kilomètres par jour »… Il donne des nouvelles de l’usine familiale, transportée en partie à Lyon ; ils sont installés dans les locaux du constructeur automobile Rochet-Schneider… Lyon 21. Louis Renault est parti pour Paris en le chargeant de voitures mitrailleuses actuellement en construction. « Les événements de guerre sont meilleurs, espérons la fin de tout cela au plus tôt »… 1915. Belfort 22 avril. Deux camarades d’escadrille ont été décorés par Joffre ; le remplaçant du capitaine Gouin l’a mis à la voilure légère : « J’aurai à monter en aéroplane de temps en temps pour remplacer ceux qui seraient fatigués et c’est tout. J’espère toujours que Maman changera d’avis pour le pilotage j’en serais tellement content et heureux »… 11 avril. Il a 23 ans, et il a écrit à sa mère, et à Louis « pour qu’il me fasse entrer dans une école de pilote, ayant souvent volé ici, j’aurais une si grande joie à piloter que je pense que cette fois ils ne me le refuseront pas »… 27 mai. « Enfin je commence à être aviateur et en suis assez fier. Je serai bien curieux de voir ma tenue d’Anglais bleu clair […] J’espère que maman est la moins nerveuse possible […]. Nous avons 15 élèves italiens qui sont arrivés ici pour apprendre à piloter »… [Chartres 14 septembre]. « J’ai un gros noir de vivre des mois loin des miens et commence à être vraiment très très las physiquement et au moral, aussi. Je vole toujours beaucoup, c’est d’ailleurs là mon seul plaisir »… Secteur postal 154 29 [novembre]. Arrivé en « des contrées mourantes », il n’était guère préparé à la vie très dure : « le froid et l’humidité, une nourriture tiède et mauvaise, une paillasse sur la terre, comme un pauvre soldat. Je crains comme disent les enfants d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre »… 2 décembre. « Je n’étais pas du tout fait pour cette vie, et j’en souffre un peu petite sœurette ! Mais j’espère qu’un jour un certain oncle oubliera (si j’ai fait des fautes contre lui) et qu’il me pardonnera, et me fera venir en des lieux plus paisibles »… 7 décembre. Depuis deux jours, « visite aux batteries sous les marmites puis reconnaissance en avion ». Il demande « un fétiche pour mon coucou »… Belfort 9 décembre. « Je fus encore une fois de plus au-dessus des boches aujourd’hui et je te prie de croire que ton frérot passe par de nombreuses émotions »… 11 décembre. « Bonne nouvelle, je viens d’être proposé au grade de sous officier […] pour une reconnaissance que j’ai faite avant-hier et qui a été d’un très bon résultat »… 28 [décembre]. « Je suis nommé sous-officier c’est vraiment épatant hein ! Je suis archi-bouffi. J’ai été aujourd’hui rendre visite en aéro à Violet qui est près d’Arcy-sur-Aube. J’ai longuement parlé à son capitaine qui m’a dit s’être occupé de moi pour me faire venir chez lui […] J’ai néanmoins peu d’espoir de quitter mon petit bois dont j’ai un peu plein de dos »… 1916. 5 janvier. « As-tu appris la mort d’Édouard de Layens ? J’en suis tout affolé. 2e bon copain tué en avion, tu ne peux te douter de l’effet que cela me produit. Il s’est tué avec un nouvel appareil qu’il venait chercher. Il faut en prendre sur soi pour ne pas trop penser à tout cela lorsque l’on décolle, mais je te jure que ces morts de bons amis me frappent beaucoup »… 7 février. Son appareil sera à changer, cela lui permettra peut-être de venir à Paris… 20 février. « J’ai volé au-dessus de Poincaré […] j’attends un long mot de toi au sujet de Louis. S’occupe-t-il de moi. J’en ai tellement assez »… 22 février. « J’ai l’intention d’aller voir en aéro et d’atterrir auprès des restes du Zeppelin abattu »… 27 février. Les pilotes ne travaillent jamais à leur machine : « c’est à nos mécanos que l’on confie ces soins, la seule chose à faire est de surveiller à ce qu’il le fasse bien. Je m’occupe le plus possible de mon moteur, mais […] j’y touche le moins possible, un aéro n’étant pas une auto, et une panne peut coûter très chère »… 5 mars. Un sombre cafard le travaille : « Dieu quelle merveille d’avoir un oncle si riche et si bon joueur de tennis, il fait vraiment l’impossible pour que nos liens familiaux se resserrent, je ne sais si je reviendrai de la guerre, mais je te garantis qu’après pareil élan d’affection pour me revoir, je ne tiendrai pas à le voir beaucoup et à être sous ses ordres. J’aimerais l’emmener une fois là-haut quand ça chauffe il jugerait différemment. C’est beau de servir son pays loin au danger »… Sainte-Menehould 14 mars. « J’ai écrit à Louis et espère de toute ma force qu’il va penser à moi »… 22 mars. « Je deviens fou. Chaque vol est une angoisse sans nom. Il y a une moyenne d’un descendu par jour. On voit un type partir et il ne revient pas […]. Nous couchons dans les hangars, mais je m’en fiche la dureté de vie n’est rien en comparaison des émotions par lesquelles je passe »…{CR} Le Carnet d’emploi du temps de Renault recueille au jour le jour le détail de ses services aériens, du 10 mai 1915 au 30 mars 1916, avec la durée de ses vols, la présence éventuelle de passagers, élèves ou coéquipiers. Délivré à Chartres le 10 mai 1915 par la Direction de l’Aéronautique militaire, il sert aussitôt : « Lundi 10 mai – derrière le pilote – double commande »… Suivent des indications de vols sur pistes, des épreuves du brevet de pilote militaire (15-16 juin, « ligne droite » à 1800 m et « spirale » à 500), d’essais de divers appareils (le 232, le 568, le Maurice Farman 1915, le 595, le 989)… À partir du 6 août, il multiplie les vols sur Chartres ; la cadence s’intensifiant, il fait 22 vols le 1er octobre, avant de commencer des vols d’entraînement au Bourget. Nommé à l’escadrille MF 41, il fait un premier vol d’essai avec observateur le dimanche 5 décembre, et note dès lors « recherche des lignes », « reconnaissance », « vol en double commande », « vol de photographie », « liaison infanterie », « entraînement mitrailleur », « surveillance des lignes », divers voyages et les noms des aspirants, mécanos, sergents, lieutenants ou capitaines qui l’accompagnent, etc. Le 30 mars 1916, veille de sa mort, Renault a fait un essai du 1496 avec un mécanicien, d’une durée de 30 minutes, à 500 mètres d’altitude…{CR} On joint un lot d’environ 70 photographies (formats divers) de Jean Renault, la plupart comme soldat, devant ses avions, avec d’autres militaires, etc.