Lot n° 167

LAMARTINE Alphonse de (1790 1869)

Estimation : 4 000 - 5 000 EUR
Adjudication : 4 940 €
Description
17 L.A.S. («Alphonse de Lamartine», «Lamartine», etc.), et 3 L.A., 1819-1841, à Gabriel de FONTENAY; 53 pages in-4 ou in-8, nombreuses adresses.
Importante correspondance politique et amicale à son «maître en diplomatie» et ami fidèle.
[Secrétaire de légation et chargé d'affaires à Florence (1816), puis à
Naples (1820) où il connut Lamartine, second attaché à l'ambassade,
Gabriel, chevalier puis vicomte de FONTENAY (1784-1855) poursuivit sa carrière comme secrétaire d'ambassade à Saint-Pétersbourg (1823), puis ministre plénipotentiaire à Stuttgart (1827-1849). À son retour d'Orient, en deuil de sa fille, Lamartine passa quelques jours chez lui à Stuttgart.]
Mâcon 15 janvier 1819. Lamartine rappelle les circonstances dans lesquelles ils se sont connus, et prie Fontenay d'intervenir auprès du gouvernement toscan, en vue de faire concéder, près de l'île d'Elbe, «une petite isle nommée la Pianozza inculte et inhabitée, quoique son sol soit très susceptible de culture»; le gouvernement français, tant que c'était en son pouvoir, «craignoit je pense que l'etablissement qu'on y formeroit ne servît a ravitailler les Corsaires anglais»... Des agriculteurs-propriétaires français, dont «Mr de Nansouty de Dijon et quelques uns de mes amis et moi-même si je puis aussy y mettre quelques fonds» désireraient mettre l'île en culture... Milly 8 décembre 1821. Il s'occupe de son manoir dans le Charolais, en attendant «qu'un favorable souvenir du ministre me renvoye en quelque coin d'Italie, ou que son oublié précoce me laisse vieillir où je dois mourir [...].
Tout va paisiblement ici, les partis sont un peu endormis ou du moins fatigués de leur haine. [...] la majorité possédante et pensante veut et peut le bien; mais la majorité écrivassante et calculante veut l'impossible et le trouble»...
Mâcon 12 décembre 1821. Commentaire sur la crise ministérielle: «la France se félicitoit comme le Roi d'un état d'amélioration et de fixité morale, quand nous avons été replongés tout à coup dans nos perplexités ordinaires par toutes les basses passions déchaînées, des haines personnelles l'ont emporté sur les grandes vues générales et nous contemplons les uns avec effroi, les autres avec une joie insensée, l'union monstrueuse de deux partis qui ne peuvent se toucher que par les extrêmes. Si ce ridicule accouplement ne produit pas quelque avorton, comme je l'espère encore, ce sera à coup sur quelque monstre: l'union du péché et de la mort dans Milton, n'est pas plus bisarre et pas plus funeste que l'union de la sottise et du crime»... Mâcon 13 février 1822. À l'instar des séismes sur la côte napolitaine, «nous tremblons aussi politiquement», mais «ce sont d?impuissantes clameurs pour cette fois, la nation qu'on évoque dort encore d'un profond someil, et si le ministère continue dans sa voie de sagesse actuelle elle dormira à jamais. Ces conspirations sont trop répétées, trop infructueuses, trop avantureuses pour être un symptome national»... Quant à lui, pris par sa famille, il s'estime «un homme coulé enfin, acrochant encore par indulgence une continuation d'appointements [...] tandis que vous monterez d'échelon en échelon au pinacle de la diplomatie»... Londres 4 octobre 1822. Son père lui apprend l'arrivée à Mâcon de dessins charmants qui rappelleront à sa femme son séjour d'Ischia: «Vous ne pouviez nous faire une gentilezza plus aimable»... Lui-même espère «en vain à quelque chose de mieux qu'une place d'attaché diplomatique, je n'ai pu parvenir à rien, c'est un grand malheur que d'avoir fait une fois quelques vers dans sa vie on vous juge à jamais incapable d'autre chose !»... [Paris 7 septembre ? 1823]. «Vous allez nous quitter pour un siècle vous marchez aux grandeurs, moi je m'en retourne confus dans mon coin. Florence est donné à Boissy. Sic vos non vobis. [...] Si vous pouvez parler de moi à l'empereur de Russie, lui présenter un de mes volumes et m'avoir quelque croix russe, n'y manquez pas. Cela flatteroit merveilleusement ma belle-mère et ma famille»...
Saint-Point 13 septembre [1823], sur La Mort de Socrate: «Je viens de donner ordre qu'on le fasse relier élégament et qu'on vous en porte 2 exemplaires 1° pour vous et puis pour l'empereur de Russie». Mais quand son «2e volume» [Nouvelles méditations poétiques] paraîtra, il n'enverra pas d'exemplaire pour l'empereur, «à cause de l'ode sur Ste
Hélène»... 27 mars 1824. «Je vous envoie le 1er volume de mes oeuvres pour S.M. l'empereur accompagné d'une petite offrande poétique. Si cela n'est pas écrit dans les formes, faites-le recopier et donnez le lui directement ou indirectement. Je tiendrais beaucoup à obtenir une marque quelconque de faveur de sa part car je n'en obtiens pas ici.
Le 2me volume sera bientôt imprimé de même. Je vous l'enverrai [...].
Ce 2me volume sera un peu amendé de choses qui l'ont sans doute fait arrêter en Russie. Le siècle est sévère. On écrit ici que je suis plus obscène que Catulle Horace et l'Arioste»... Schinznach 12 juillet 1824. Il le félicite d'être «chef dans la première cour du monde», en l'absence de son ambassadeur: «encore un échelon de la fortune de grimpé. Mais grimper n'est pas le mot pour vous vous les enjambez: pour moi qui ne suis pas d'un naturel rampant, je rampe cependant dans la Carrière dipplomatique. Je suis encore votre attaché et peut-être mourrai-je avec ce seul titre. Cependant j'aspire toujours a Florence.
M. de CHATEAUBRIAND qui ne m'a pas favorisé y a nommé un ancien attaché du Mis qu?il avoit en horreur»...
Saint-Point 29 juillet 1825. Il est nommé à Florence, alors qu?il n'y pensait plus, et accepte par égard pour la santé de sa femme. «Vous savez à quoi se borneroit mon ambition. Depuis que je ne vous ai écrit j'ai vécu presque toujours dans ma solitude rustique [...]. De toutes les insipidités dont se compose l'existence humaine une fois la saison de l'amour passée, la moins insipide encore c'est une vie occuppée à remuer la terre et les pierres, première et dernière destinée de l'homme. [...] Je ne fais plus de vers, j'en suis dégouté»... Florence 15 novembre 1825.
Nouvelles de la légation, où «l?ami Antoir» [attaché de légation] et luimême regrettent Fontenay. «Le service étoit doux de votre règne, vous n'étiez ni éxigeant ni capricieux, le mis de La Maisonfort ne l'est pas non plus quand il est seul, mais il a un entourage qui quoique spirituel ne rend pas les relations aussi sures et aussi simples que seroient les notres sans cela. Jusqu'à présent pourtant je me tire d'affaires en louvoyant et il n'y a pas eu encore de choc direct, mais beaucoup de mots dits par-derrière»... Il fait un tableau agréable de sa vie de tous les jours...
Florence 20 avril 1826. Remarques sur la religion et la politique, qu'il voudrait éloigner l'une de l'autre. «Les gouvernements la professent quand ils s'en servent comme d'un instrument.
Je passe ici pour un Jésuite déguisé, tant ils ont en horreur tout ce qui croit en Dieu et vous savez combien je suis loin de l'ultracisme en tout genre»... Allusion à son duel avec le colonel Pepe... Florence 1er février 1827. «Je vous avais cru ministre en Hanovre et un an s'est écoulé sans résultat. J'espère qu'enfin vous me montrerez le chemin vous mon maître en diplomatie [...]. Je vous imite ici, car j'adore Florence plus qu'aucun pays que j'aye habité. Je me résignerais pour toute ambition à y rester toute ma vie humble chargé d'affaires»...
Paris 27 octobre [1828]. Annonce de sa venue à Fontainebleau. Il prie
Dieu «pour qu'il bénisse comme vous le méritez ce point capital de votre vie. Raportez-vous-en au coeur de vos amis pour ceci, et soyez heureux»... Mercredi soir [29 octobre 1828]. «Voyons-nous: et surtout donnez-moi à souper et à coucher à Fontainebleau. Rien ne porte bonheur que de fréquenter les heureux et vous le serez alors plus qu'oncques vous ne le fûtes»... Mâcon 13 décembre 1829. Il est au «comble de la douleur»: la mort de sa mère le détache «encore plus de tout excepté de ma femme et ma fille et du souvenir de quelques vrais et bons amis. [...] Je ne sais où en est ma destinée diplomatique.
Le duc de Laval me demande à Londres on m'a parlé de mille choses ailleurs. Je ne m'y intéresse plus non plus qu'à rien»... 22 mars 1836.
«J'ai publié ces jours-ci un épisode à poésie [Jocelyn] que je voudrais vous envoyer ainsi qu'à M. Swab et je désirerais bien qu'il fût tenté de le traduire»... Dans quelques jours il part à Venise... Genève 29 juillet 1841. Sa femme lui apprend sa visite, «une bonne pensée perdue pour moi mais dont la mémoire restera dans mon coeur. Votre présence et votre amitié m'auraient rapellé les beaux jours de 1820 à Naples et les sombres jours de 1833 à Stugardt. Bonheur et tristesse vous rendaient également cher à nos souvenirs [...] Continuez à nous représenter et à nous honorer en Allemagne. Ma politique à moi est éminement allemande. C'est la seule qui convienne à ce demi-siècle rempli par la question d'Orient. L'Allemagne est un contrepoids posé au milieu des deux grandes ambitions du monde. C'est à nous de ne pas le jetter dans un des bassins russe ou anglais mais de nous combiner avec elles pour faire force et paix»...
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