Description
en russe. Carnet quadrillé en moleskine noire (lég. usures). Sans rature ni aucun espace libre, le journal relate l'histoire d'un soldat brancardier, origi- naire de Cazouls-les-Béziers dans l'Hérault, contée avec une extraordinaire précision et une multitude de détails. Commencé à Königsbrück le 15 décembre 1914, il se termine de fagon abrupte vers la mi-février 1915, la suite ayant très probablement été consignée dans d'autres cahiers aujourd'hui disparus. Prisonnier des Allemands depuis 4 mois , il prend une décision : afin "de m'occuper et aussi pour garder un souvenir de ma captivité, j'entreprends le récit de ma campagne" en remon- tant au 22 juillet lors des prémisses de la guerre et des tensions européennes. La mobilisa- tion commence le 2 aout et un grand désir de servir la France envahit les hommes et notre diariste. Avec beaucoup d'entrain, il quitte son village de Castelnaudary (Aude) avec ses camarades (brancardiers ?) sous les vivats de la foule, vivats qui continueront tout au long de leur trajet en train jusqu'à Mirecourt. Là, ils continuent à pied, sous la chaleur, jusqu'aux zones de combat : Manonville (qui tombera le 27 aout), Domjevin, Igney, Avricourt, jusqu'à la douane et la frontière avec l'Allemagne (p. 20). "En passant dans la lorraine allemande tous les soldats lèvent leur képi pour dire au revoir à la Patrie, à la France. Hélas beaucoup ne la reverrons plus, mais à ce moment là personne ne songe à cela tout le monde est joyeux et content de rentrer en Allemagne" (p. 22). En traversant les villages allemands, quelques vieux leur sourient ("ils entrevoient l'espoir de redevenir ce qu'ils étaient aupara- vant", p. 23). Près de Sarrebourg, les canons tonnent et ils voient leurs premiers blessés et morts, aident à la logistique médicale, à ramener des blessés du front et partagent des informations avec d'autres compagnies ayant déjà été au feu (p. 28 sq). Les nuits sont terribles avec les cris des agonisants (p. 30 sq). Courage des officiers, batailles, bombar- dements, replis stratégiques... : tout est décrit de fagon très précise, même le moment où, pris entre des feux, l'aide-major de la compagnie, un homme "des moins émotionnés prend un mouchoir blanc d'une main et le drapeau de Genève de l'autre" pour signaler qu'ils transportent des blessés. Malgré cela, ils sont faits prisonniers (p. 35 sq : épisode amusant de la confiscation des instruments de musique, choix de ce qu'ils emportent avec eux, comparaison d'équipement avec les soldats allemands). Ils font route à pied, témoins des spectacles désolants de la guerre (soldats tués, entassés pêle-mêle, fusils brisés...), mais les officiers et soldats sont traités correctement bien que de fagon rudimentaire et presque sans manger. Les prisonniers portent leurs blessés, sont rejoints par des civils lorrains accusés d'avoir hébergé des blessés frangais. Ceux qui succombent sont enterrés le long des routes. A Falkenberg (Faulquemont ?), près de Morhange, ils montent dans un train (p. 47 sq) qui les conduira à Darmstad, près de Frankfurt, où ils restent quelques jours dans un camp avec d'autres prisonniers (p. 53 sq). Ils reprennent ensuite le train jusqu'à Dresden et arrivent à pied au camp de Königsbrück le 27 aout 1914 (p. 59). Com- mence la description fort minutieuse de la vie de prisonnier à laquelle le reste du carnet est consacré : lieux, stall, literie (à 3 par lit sur une couche de paille et une couverture), repas et collations diverses, travaux (à l'infirmerie pour notre brancardier -parfois à l'hopital de Königsbrück-, quelques travaux de cantonnier ou de propreté), tracas divers, rapports avec les surveillants allemands (assez tranquilles dans l'ensemble), punitions (rares), hygiène (poux), lessive, gymnastique obligatoire, événements divers dont l'arrivée de 3.000 Russes en septembre 1914 (p. 79), construction de baraquements, commentaires sur les nou- velles du front via la presse allemande ou les lettres des familles, description de chasseurs saxons, achats de denrées au marché noir, obsession des fumeurs pour assouvir leur dépendance, correspondance -surveillée- avec la famille, ennui des longues journées et passe-temps divers (construction de jeux, petites sculptures, tatouages, petits concerts, cigarettes... p. 101 sq.), rencontre avec un ami au camp (p. 103), rudesse de l'hiver, démé- nagement dans une baraque dans une autre partie du camp (nouvelle description des lieux et usages), cohabitation avec des Russes entraïnant des amitiés et de nouvelles occupa- tions (enseignement des langues pour communiquer), travaux de fabrication de béton avec du "mâche-fer", esquive du travail suivie de punition, durs travaux dans le froid de l'hiver, fêtes de Noël et Nouvel-An 1914-1915 (p. 123 sq.), désinfection des baraques et prison- niers, réception des mandats d'argent envoyés par les proches, rapports avec les gardes allemands et avec les prisonniers russes (très religieux), etc.