Lot n° 479

SAINT-EXUPÉRY, Antoine de — Manuscrit autographe pour la Lettre à un otage. — [Vers 1941]. — 7 p. in-4 (27 x 21 cm) sur papier pelure jaune.

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Adjudication : 3 800 €
Description
♦ Précieux manuscrit du premier chapitre de la Lettre à un otage, « véritable poème symphonique » (F. Gerbod).

Notre manuscrit présente une version plus détaillée que celle finalement publiée (Œuvres complètes, II, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 89-92). Cette version inédite constitue un important complément de celle conservée à la Smithsonian Institution, à Washington. D’autant plus que, de ce premier chapitre, ne sont connus que des manuscrits et dactylographies peu élaborés.

Après le Portugal, plusieurs pages dépeignent New York, où Saint-Exupéry se trouve absorbé par l’écriture de Pilote de guerre, mais loin de sa patrie et des siens. Le bruit de la ville est envahissant, et l’empêche d’écrire. « Mais le Portugal essayait de croire au bonheur, et lui laissait un couvert à sa table et ses lampions, et sa musique. Dès le premier soir j’y dînai à bord d’une caravelle. Et tout était si plein de goût, si plein de tact, cette expression était si mesurée, si pleine de goût si charmant, si visiblement aimé par ceux qui l’avaient faite. Et qui, me semblait-il avait désiré dire au monde “voyez la qualité de notre sourire, et notre passé non trahi, voilà notre visage”. Et cette musique répandue disait, cette musique et non ce tintamarre, et qui faisait un bruit […] dans le coeur. Mais je retournais le soir à Estoril où j’allais jeter un coup d’oeil sur mes fantômes. […]. Une fois de plus je me disais : la guerre. Ce n’est point la mort qui est tragique. La mort n’est rien si j’ai où loger mes morts. Mais on fait craquer mon armature. On veut me forcer d’habiter une grande maison vide. On me découd de mon sens de la vie. Je me réveille et ne reconnais pas les murs. Je me réveille et ne reconnais pas le balancement de l’arbre. Je me réveille et je ne reconnais pas les pas des servants. […] Je suis maigre d’une vie si elle commence à quarante ans. Ce n’est rien d’être loin. J’ai toujours été loin. Mon dieu, il suffit de les [voir] exister. Et la fête de la famille. Et la fête du village. Je veux bien m’écarter. »

Foliotation partielle, de 2 à 5. Le texte présente quelques ratures.

─ PROVENANCE :
• Vente anonyme, lot 386 (Paris, 16 mai 2012).

Quelques petites taches au premier f., quelques bords un peu effrangés.
Partager