Lot n° 275

GAUGUIN PAUL (1848-1903) — Lettre autographe signée adressée à Émile SCHUFFENECKER Tahiti, 10 avril 1896, 4 pages in-4 à l'encre sur papier ocre, enveloppe autographe conservée (déchirée, marque postale mais sans timbre). — (Plis...

Estimation : 8 000 - 10 000 EUR
Adjudication : 11 000 €
Description
légèrement marqués, petite fente sur le pli d'un des feuillets).
Belle lettre écrite lors du second et définitif séjour de Gauguin à Tahiti.

Le peintre, désespéré, expose les difficultés matérielles qui le conduisent à abdiquer toute fierté et évoque le manque de reconnaissance à son égard, lui dont les hardiesses ont enseigné la liberté à des artistes qui vendent davantage que lui. Il demande de l'aide à son ami le peintre Schuffenecker qu'il connaît depuis 1873 et dont l'amitié ne se démentira jamais.
Il évoque les « singeries habituelles » de sa femme Mette pour obtenir de l'argent alors que selon lui, elle n'est pas malheureuse du tout et gagne facilement sa vie à Copenhague.
Elle a donc trompé Schuffenecker en lui demandant l'envoi de tableaux, mais Gauguin ne peut en vouloir à son ami. Quant à lui, il est « dans la mélasse jusqu'au cou », endetté et sans ressources. S'il fait confiance au marchand de tableaux Lévy, un homme très entier « convaincu et très adroit » contrairement à bien d'autres, il a absolument besoin d'argent n'en ayant plus que pour quatre mois, même en ne buvant que de l'eau et en se nourrissant de pain et de thé... « A 50 ans bientôt je suis par terre sans forces et sans espérance. A la jeunesse j'ai donné en quelque sorte à défaut d'enseignement la liberté: par mes hardiesses tout le monde ose aujourd'hui peindre à côté de la nature et tous en profitent, vendent à côté de moi parce qu'encore une fois tout paraît maintenant compréhensible à côté de moi. Enfin ne récriminons pas. Toujours est-il que j'ai perdu toute fierté. Jamais on ne m'a protégé parce qu'on me croyait fort aujourd'hui je suis faible je demande protection ».
Il compare sa situation à celle d'Émile Bernard et de Charles Filiger, « des jeunes moins intéressants que moi » qui bénéficient eux de protection et de l'aide de leur famille. Gauguin demande à Schuffenecker de demander un prêt au comte de La Rochefoucauld: « Daumier qui me valait bien avait sans rougir accepté une rente de Corot », en rappelant qu'il a encore à Paris une petite statue « que je crois une pièce unique à Paris soit comme matière céramique soit comme art. Enfin faites l'impossible et vite aussitôt parce que le temps c'est ma ruine.
[...] ». « [...] J'ai reçu une lettre de Vollard qui me propose de lui faire une planche gravée et tirée par moi à 100 exemplaires. Mais à quoi pense-t-il. Comment veut-il que je fasse cela ici, je n'ai pas le papier nécessaire et une presse. Surtout le papier... - Dites-lui donc qu'il n'y a pas mauvaise volonté de ma part mais impossibilité de ma part. Il me demande aussi de baisser le prix des deux petits tableaux de soleil de Van Gogh.
Donnez-lui l'autorisation de les vendre 300f chaque et net pour moi [...] ».

♦ Lettre émouvante et exceptionnelle de Paul Gauguin.
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