Lot n° 296

MAGRITTE RENÉ (1898-1967) — Lettre autographe signée adressée à Paul ÉLUARD B— Bruxelles, 4 décembre 1941, 2 pages in?4 à l'encre sur papier.

Estimation : 2 000 - 3 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
Paul Éluard et René Magritte se sont rencontrés en 1927, époque où Magritte a vécu en région parisienne jusqu'en 1930. Il fréquente alors les surréalistes français dont
Breton, Éluard, Jean Arp et le peintre Joan Miró.

Cette lettre fut écrite en 1941.
Magritte est heureux que, malgré « la situation », Éluard puisse encore publier ses livres, dont Le Livre ouvert paru en 1941.

« Mon cher Paul,
J'ai bien reçu tes poèmes et le « Choix de poèmes ». Tu es vraiment un grand peintre. Et je suis fi er d'être ton ami. Je vois avec plaisir que malgré la « situation » l'édition nécessaire de ton oeuvre se poursuit régulièrement. Ma crise de fatigue est presque passée (elle ne fi nira jamais je crois) et je travaille depuis quelque temps avec intérêt. Il fallait sans doute que je trouve le moyen de réaliser ce qui me tracassait: des tableaux où le « beau côté » de la vie serait le domaine que j'exploiterais.
J'entends par là tout l'attirail traditionnel des choses charmantes, les femmes, les fl eurs, les oiseaux, les arbres, l'atmosphère de bonheur, etc. Et je suis parvenu a renouveler l'air de ma peinture, c'est un charme assez puissant qui remplace maintenant dans mes tableaux, la poésie inquiétante que je m'étais évertué jadis d'atteindre. En gros, c'est le plaisir qui supprime toute une série de préoccupations que je veux ignorer de plus en plus. Pour te faire mieux voir ce que je voudrais, je te rappelle « La magie noire » qui était dans mes choses anciennes un point de départ pour cette recherche du plaisir. J'ai continué dans cette voie, « L ‘Embellie » représente trois femmes nues devant la mer, vues de dos. L'une montre une rose à la mer, l'autre montre son corps, et la troisième montre à un oiseau, un oeuf.
Sur les cotés du tableau, des rideaux bleus.
Les couleurs sont un rôle à jouer également dans ces tableaux. « L'Orient » représente un vase posé sur une table devant le mur d'une chambre. Le vase est en « gros plan ».
Dans le vase, une déchirure laisse voir toute la lumière d'une jeune femme nue et de la mer et du ciel. « L'Aimant », c'est une femme nue aux longs cheveux blonds appuyée sur un rocher, auprès d'un rideau. A coté d'elle, les plis du rideau reproduisent fi dèlement les formes de la femme. Si ces choses doivent avoir une justifi cation supplémentaire, que leur charme suffi sant rende inutile, je dirais que le pouvoir de ces tableaux font sentir d'une façon aigue toutes les imperfections de la vie quotidienne. [...] ».
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