Lot n° 775

PÉTAIN Philippe (1857 1951) marechal, chef de l'Etat francais.

Estimation : 10 000 - 12 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
20 L.A.S. « Ph. Pétain », « Ph. P. », « Phi » ou « P. » (6 non signées), 1943-1944, à Mme Simone BUFFET ; 45 pages in-8, une carte à en-tête Le Maréchal Pétain Chef de l’État, enveloppes ; sous boîte-étui demi-maroquin rouge. 

Tendre correspondance à son dernier amour, où il évoque les difficultés de la situation politique pendant la dernière année du gouvernement de Vichy. [Simone Quérenet, Mme André BUFFET (1888-1984), femme de lettres, fut le dernier amour du maréchal Pétain. La première lettre lui est adressée à Malemort (Corrèze), les autres à Vichy (où elle logeait à l’hôtel Astoria) ou à son domicile à Versailles. Selon une note de Mme Buffet, « ces vingt lettres du Maréchal Pétain à moi adressées en 1943-44 et que j’avais offertes à la Bibliothèque municipale de Versailles le 1er juin 1944 pour n’être ouverte que dans 30 ans me furent rendues comme “dangereuses à garder” en nov. 44 par la conservatrice » (vente 19 avril 2013, n° 305). Pétain y fait allusion aux difficultés de sa charge, alors qu’il doit faire face à un contrôle accru de ses actes comme chef de l’État Français, aux actes secrets de succession (27 septembre et 12 novembre 1943) refusés par les Allemands, et aux désaccords avec son chef du gouvernement, Pierre Laval.] 1943. 24 juin. « J’ai conservé un souvenir si agréable de notre dernière entrevue que je ne résiste pas au désir de vous le dire. Et puis ne m’avez-vous pas demandé de vous écrire ? Ce que je fais aujourd’hui avec l’espoir que vous me direz que je ne suis pas seul à avoir fait un beau rêve »… 26 juillet. « Les événements sont trop délicats pour me permettre une longue absence, et je ne prévois pas qu’ils me permettent de m’absenter de nouveau avant longtemps. Gardez-moi votre affection, elle m’est infiniment précieuse. Vous avez la mienne aussi complète que vous pouvez la désirer. Je vous embrasse de tout mon cœur »… Il recommande de lui écrire sous deux enveloppes, ou par l’intermédiaire de son secrétaire particulier, le Dr Ménétrel. 23 août. Il ne cesse de penser à l’émotion de leurs retrouvailles à l’automne, « après une absence qui m’aura paru interminable. Il ne se passe pas de jours que ma pensée ne vous appelle avec une insistance toujours plus grande. […] On vit maintenant dans l’inquiétude. Chaque jour on interroge l’avenir qui hésite à divulguer son secret. Souhaitons qu’il ne soit pas trop dur pour nous »… 1er septembre. Il interviendra auprès d’André Chaumeix pour faire publier par la Revue des Deux Mondes son étude sur la Villa Médicis en 1849. « Vous êtes donc auteur !
Et vous vous adressez à moi qui ai si peur des femmes auteurs ! Rassurez-vous, je n’ai plus aucune prévention sur votre caractère d’écrivain, quand il s’agit de vous que j’admire »… La lettre de son amie ayant été ouverte par son cabinet, il lui recommande de passer par son bureau de Paris, 8 boulevard des Invalides, et le colonel de Fériet : « Depuis la fin de la guerre précédente j’ai toujours habité Paris, mon bureau étant distinct de mon appartement. […] Je serais si heureux que notre correspondance puisse être facilitée ! Quand vous verrai-je ? L’attente me pèse beaucoup. Il me tarde tellement de vous embrasser »… 14 octobre. Elle pourrait lui apporter elle-même son article pour Chaumeix : « Votre long silence ma fait de la peine. Tout l’espoir que j’avais fondé sur le gain de votre affection est en train de s’évanouir. […] Je mène ici une existence très occupée. Notre situation s’aggrave presque chaque jour. Je viens précisément d’en acquérir la preuve. – Aussi, bien qu’il m’en coûte, je change d’avis et vous demande de retarder la démarche que je viens de proposer. Je vous préviendrai lorsque je croirai que la voie est redevenue libre. Je vous quitte donc pour un temps indéterminé. […] Je vous embrasse de tout mon cœur, chère Simone ». 25 octobre. Il prendra des dispositions pour la recevoir en novembre. « Je pense à vous très souvent et ne puis imaginer que je ne vous connais pas depuis toujours et que même je vous aimais jeune fille. Les temps sont difficiles ; l’avenir est bien embrouillé. Comment s’y reconnaitre dans ce désordre des esprits. Pour m’aider à m’y reconnaitre j’ai besoin d’avoir avec moi quelques cœurs dévoués et c’est vers vous que je me tourne »… 18 novembre. Ravi et ému de la savoir arrivée à Vichy, il l’attend le soir à 6 heures. « J’hésite à me présenter à votre hôtel. Je crains que ma visite n’attire l’attention »… 20 novembre. « Il serait bon que vous portiez une carte dans l’après-midi chez la maréchale. Vous seriez accompagnée de votre fille ; la maréchale habite à l’hôtel Majestic. […] en quittant la maréchale vous vous arrêterez à l’hôtel du Parc chez moi : votre fille rentrera chez elle et viendra vous retrouver à 8 heures au salon de l’hôtel avec son mari, pour dîner. Comme sujet de conversation, vous pouvez rappeler vos souvenirs anciens »… 21 novembre. « J’ai pris la décision de ne pas paraître ce matin aux couleurs. Je vous en expliquerai la raison ce soir à dîner où je vous demande de venir à 8 h. avec votre fille et son mari »… 28 novembre. Il croit avoir répondu comme elle le désirait à l’affection qu’elle lui a manifestée ; depuis son départ il pense sans cesse « à la tendresse dont vous m’avez donné des preuves […]. Plus que jamais j’ai besoin de votre affection. Elle m’est nécessaire pour continuer la lutte que je soutiens chaque jour et qui, à la longue, devient épuisante »… 13 décembre. « Ma tâche est de plus en plus rude et difficile. Donnez-moi au moins une petite aide morale […]. Les journaux ne parlent pas de mes difficultés ; aussi le public reste muet ; ce qui m’étonne beaucoup »… Il demande une photo qui lui rappellerait « ces yeux que j’aime » : « gâtez-moi un peu vous me le devez, en récompense des efforts que je fais pour la France et pour vous »… 1944. 4 janvier. « Votre silence me fait de la peine. J’ai eu tellement d’ennuis ces derniers jours que je comptais sur un mot affectueux pour me réconforter. J’ai besoin de votre affection »… 14 janvier. Elle est bonne de venir lui apporter le réconfort de sa présence « dans la situation profondément pénible dans laquelle je me trouve aujourd’hui ». Mais une rencontre ne sera pas facile : « Il y a deux solutions, ou vous voir chez moi ou vous voir à votre hôtel […]. Les nouvelles qui m’arrivent de toutes parts sont inquiétantes. Nous devrons prendre de très minutieuses précautions pour nous rencontrer »… 15 janvier. « Je vous attends chez moi ce soir à 6 heures. À cette heure l’obscurité n’est pas complète. Pour le retour à l’hôtel, vers 7 ½, je vous ferai accompagner par un de mes hommes »… 16 janvier. Le général Campet va lui transmettre son invitation à dîner ce soir : « Dans ces conditions, je crois prudent de supprimer votre visite de 6 heures qui attirerait un peu trop l’attention. Cette visite pourrait être reportée à demain […]. Je ne vous ai pas repéré ce matin. De mon observatoire c’est très difficile, mais j’ai pensé que vous étiez là. Je me sens près de vous de plus en plus »… 17 janvier. « J’ai eu une matinée pénible aujourd’hui. Je pense qu’elle sera suivie de plusieurs
autres, ou plutôt, je le crains »… 4 février. « Je me suis séparé de vous et c’est une impression douloureuse. Quoi que je fasse il me semble que je n’ai pas votre approbation et j’en souffre. L’approche des événements prochains tendent aussi à accroître mon malaise intérieur […], j’ai besoin de vous et de votre tendresse et j’appelle au secours »… 4 [avril]. Le temps a été long depuis leur dernière rencontre : « Je trouve que vous avez la mémoire courte ». Il évoque la visite d’une délégation des maires de S. et O. et des frères Tharaud « que vous aviez chargé d’une mission pour moi. Ni eux, ni le Préfet qui les accompagnait ne m’ont parlé de vous. […] Vous avez compris que je me trouvais aux prises avec de graves ennuis qui ne sont pas près de s’atténuer. Ils me viennent de partout, du nord, du sud et de l’ouest. La situation ne fera sans doute que s’aggraver. Il faudra faire face à l’orage et tendre mes muscles. J’y suis mal préparé parce que des fautes ont été commises qui me font une mauvaise préparation à la lutte. Enfin si un danger me menace je me figurerai que vous êtes à mes côtés et que vous vous efforcez de détourner de moi les mauvais coups »… 17 avril. Il s’interroge longuement sur la date de la dernière lettre de son amie, en insistant sur la consigne des deux enveloppes, « en attendant le jour heureux où la correspondance sera redevenue libre »… [Château de Voisins, près Rambouillet] 13 mai. « Je suis ravi d’apprendre que nous sommes si près l’un de l’autre […] je puis faire porter une lettre chez vous vous prévenant de ma visite, bien que je sois assez surveillé. […] Tout est difficile en ce moment. Gardez-moi votre confiance et sachez attendre »…
 
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