Description
MANUSCRIT autographe signé « Louis Roux », Mon journal de guerre 1914-1919, avec des photographies et documents d’époque ; plus de 2100 pages in-fol., illustrées d’environ 1350 photographies originales et 680 documents divers, en 4 volumes in-fol. reliés demi-basane rouge ; plus 6 albums rassemblant 641 photographies originales au format 17 x 23 cm montées sur papier fort bleu-gris avec légendes autographes (ou commentaires en regard), reliés en 6 volumes oblong in-fol. demi-basane rouge.
Magnifique témoignage sur la Guerre 1914-1918, accompagné d’un exceptionnel reportage photographique. Cet ensemble a été composé par l’abbé Loys Roux, intégré sous les drapeaux le 1er août 1914 comme caporal brancardier, affecté au 23e régiment d’infanterie le 1er mai 1915, deux fois blessé, démobilisé le 9 mars 1919, titulaire de trois citations et de la croix de guerre. Servait au même régiment son frère Joseph, né en 1881, également prêtre dans le diocèse de Lyon, tué par un obus le 22 décembre 1915 sur les pentes du Hartmannswillerkopf alors qu’il pansait un blessé. Tous les deux furent photographes amateurs avant la Guerre ; Joseph a réclamé et reçu son appareil dès novembre 1914. Certains clichés de Loys Roux devaient être saisis par les autorités militaires, d’autres publiés par la presse. Composé vers la fin de la vie de Loys d’après son journal intime et celui de son frère Joseph, avec des extraits de la correspondance entre les frères et leurs proches, et des récits rétrospectifs fondés sur des documents de l’époque, ses propres souvenirs, et parfois la consultation d’ouvrages et cartes, Mon journal de guerre est illustré de photographies originales, situées et datées avec une grande précision, de cartes postales illustrées, cartes dessinées et imprimées, coupures de presse (dont caricatures), et truffé de lettres et cartes postales de l’époque et de documents divers : placards des autorités militaires ou civiles, fiche d’ambulance, carte d’identité, laissez-passer, autorisation de permission, souvenirs allemands, chansons, etc. Ces quatre volumes correspondent, respectivement, aux années 1914-1915 ([5]-637 p., 424 photos, et environ 250 documents), 1916 ([8]-406 p.,
289 photos, et environ 160 documents), 1917 ([7]-473 p., 352 photos, et environ 130 documents), 1918 ([7]-600 p., 289 photos, et environ 140 documents). Roux y a joint un Historique du 23e R.I. manuscrit relié au début et à la fin des volumes, en complément des années concernées. Les photographies de Mon journal sont le plus souvent de petit format (en moyenne 6 x 11 cm). Celles des albums sont de grandes épreuves (environ 17 x 23 cm). Dès le 8 novembre 1914, Joseph écrivait à leurs parents : « Ns sommes très bien placés ici pour tirer de superbes photos de la guerre. Donc envoyez-ns mon petit appareil 9 x 12 pas celui de Loys q. je ne connais pas assez bien. Le mien. […] N’oubliez pas de regarder si la poire est dedans. Envoyez l’appareil avec les châssis mais sans plaques. Ns ns débrouillerons pour le reste. Cepdt. joignez-y 1 ou 2 pochettes de papier au gélatine bromure 8 x 12 de 24 feuilles chacune, du Lumière »… Joseph reçoit le paquet le 24 novembre : ses premières photos émaillant le Journal montrent les corvées, leur officier gestionnaire, un abbé, des tombes dans un jardin et un trou d’obus, des maisons bombardées et une fabrique incendiée par les Allemands… Le reportage photographique qu’il commença alors, et qui fut poursuivi par son frère et d’autres, à toute heure et par tous les temps, montre la guerre telle qu’un poilu pouvait la connaître : tranchées, boyaux, barbelés, fusées éclairantes ; brancardiers, prisonniers de guerre, soldats en masque à gaz et civils en fuite ; villages, champs et forêts dévastés ; corvées et instants de repos ; blessés et morts ; enterrements sommaires ou cérémonieux ; régiments coloniaux ou alliés ; moments de camaraderie… Sont
précisés non seulement le sujet et la date, mais souvent aussi l’heure, la luminosité (soleil, ombre, pluie), le temps de pose et des informations techniques : « pellicule détériorée par le thioxydant Lumière », etc. Les dernières photographies du 6e album sont postérieures à la guerre : pèlerinages à divers sites, décoration de l’abbé Roux de la médaille militaire (1921) et de la Légion d’honneur (1960). En guise d’avis au lecteur, Loys Roux écrit : « J’ai durant la guerre noté à peu près tous les jours les évènements et mes impressions. Mais je ne rapporterai ici que l’intéressant et l’utile. » Et d’ajouter, à l’encre rouge : « J’ai relu ce journal et j’ai pensé qu’il valait mieux gratter certains passages et certains noms, pour ne pas nuire à des réputations. » Pourtant il dénonce nommément, et à de nombreuses reprises, le major militaire incompétent de son bataillon, et il renonce à supprimer des passages violents de son journal à l’époque des mutineries : « Pourquoi cacher la vérité aux lecteurs ? »… Également à l’encre rouge, il a noté des anniversaires de faits de guerre de l’histoire de France (batailles, investissement de villes, traités de paix, depuis la guerre de Cent Ans jusqu’à celle qu’il a vécue), des commentaires éditoriaux (notamment sur les « fotos »), et des références à L’Imitation de Jésus-Christ. Malgré son avertissement de discrétion, Mon journal de guerre demeure un vibrant témoignage de l’expérience de cet aumônier-infirmier, et de celle des poilus qu’il suivit. Auprès d’eux, Loys fit la campagne d’Alsace d’août 1914, celle de Lorraine de septembre, la guerre de positions dans le secteur de Saint-Dié, d’octobre 1914 à décembre 1915 ; il fut en Alsace et à la bataille de la Somme, et prit part aux campagnes de 1917 et 1918. Poursuivant
les Allemands qui battent en retraite, le régiment de Roux se trouva à Maerke-Kerckem, en Flandre-Orientale (Belgique), au moment de l’armistice. Nous ne pouvons donner ici qu’un rapide aperçu de ce document exceptionnel, où le récit des marches et des combats alterne avec des notes sur les tranchées, les postes de secours, les pertes (dont des états nominatifs, en 1918), les chefs sur le terrain et l’état-major lointain, la propagande, ainsi que des impressions personnelles, rumeurs, preuves d’incompétence et d’injustice militaires et de préventions contre le clergé, et des remarques sur l’état d’esprit des soldats, les dégâts matériels, la détresse humaine, la lassitude teinte d’amertume avec lesquelles on a accueilli la fin… 1914-1915. [Saint-Jean d’Ardières (Rhône)] 1er août 1914. En vacances avec Joseph chez leurs parents, Loys apprend la mobilisation : « Me voilà content. Il y a dix ans que j’attends la guerre. Je me suis fait une âme héroïque dès mon jeune âge par mes lectures et mes rêveries et je partirai sans pleurs. […] J’ai à venger : mon bisaïeul Louis Garde, capitaine de la Grande Armée et mon grand-père Philibert Monnet grenadier au 17e de ligne sous Louis-Philippe et qui non combattant en 1870 a tant versé de larmes sur nos revers. […] Je note sur mon carnet les principaux anniversaires d’anciennes guerres »… Saint-Dié (Vosges) 14 novembre. Joseph écrit à leurs parents : « Loys et moi venons d’être proposés pour l’avancement. Loys pour le grade de sergent et moi pour celui de caporal. Mais… ns av. refusé pcq’il aurait fallu ns séparer et quitter notre ambulance »… Loys ajoute : « J’ai refusé mais avec un certain regret. Il aurait été bon d’être sergent et surtout d’aller au service “de l’avant”. Ça me pèse tant d’être bêtement caporal d’ordinaire »… Et de confier à son journal, le 16, sa honte d’être resté « un piteux caporal infirmier »… [Secteur de Saint-Dié] 27 janvier
1915. « Les gens sont inquiets. Vraie panique, beaucoup disent que les Allemands approchent. On a tellement peur de les voir revenir qu’à tout instant on s’affole et chaque fois que nos pièces tirent plus que de coutume on croit à une attaque victorieuse. […] La nuit et la neige amplifient le son. Ce sont d’énormes et fréquents coups de gueule. Jamais encore nous n’avions entendu pareille canonnade »… Plus tard, il attribuera cette attaque funeste pour les 23e et 133e R.I. au désir du général BULOT, dont on avait célébré dernièrement la promotion, de se distinguer. « Un peu de vérité sur l’attaque du 27. Sous les ordres du Lt colonel Dayet du 133 le 2e bataillon du 23 devait attaquer. Le colonel Dayet fit tous ses efforts pour que l’attaque n’ait pas lieu, la jugeant vouée à un échec. Le général Bulot maintint ses ordres. L’attaque partit, le colonel Dayet la suivit, sa cravache à la main, cherchant manifestement la mort qu’il trouva. Le résultat fut affreux : 230 hommes perdus dont 130 tués. Pas d’autre résultat que ces morts et une solide haine des soldats pour le général Bulot »… 22 décembre. « Pas de nouvelle de Joseph. Nul ne l’a vu, ça me paraît bizarre »… Les circonstances des jours précédant la mort de Joseph, et des difficultés pour obtenir de ses nouvelles sont racontées dans le détail. 24 décembre. Lettre de Loys annonçant à ses parents la mort de Joseph : « L’attaque eut lieu et réussit très bien. J’appris que Joseph était parti avec la deuxième vague d’assaut afin de soigner les blessés restés sur le terrain […]. Il n’a pas souffert car il a été tué net. Bien heureux ceux qui meurent pour la justice, car ils verront Dieu »… 1916. [Secteur de Quiry-le-Sec (Somme)] 1er juillet. « Très chaud soleil. Violente canonade. Le soir revue de la division par JOFFRE assez loin de Quiry. J’aurais voulu y aller. Le major me fit rester avec des brancardiers pour nettoyer le pays. Succès de l’offensive. À peu près toute la 1re ligne est enlevée. Succès anglais »… 11 juillet. « Couvert
par moment. Dit messe X. Beau. Ai le noir »… Suivent plusieurs pages de réflexions tardives sur la question du commandement : son désaccord avec son père, avec les mauvais éducateurs des séminaires, sa déception à l’armée… Remarques sur son évolution politique : royaliste, le Sillon de Marc Sangnier… [Bois du Sommet, plateau de la Pépinière (Somme)] 13 septembre. Longue lettre à son frère André, dénonçant les « bourrages de crânes, du Matin particulièrement », concernant l’esprit combattif des troupes. Il livre des impressions éprouvées en parcourant le terrain de leur attaque du 30 juillet, « parsemé de cadavres boches d’abord, et plus loin, hélas, français. Ici le long d’un boyau aboutissant au petit bois du Sommet des soldats du 22e R.I. furent tués à leur poste de combat par notre artillerie. Nos obus firent là du très bon travail. Par endroit le boyau, peu profond d’ailleurs, était méconnaissable. Combien purent s’échapper ? Bien peu […]. Sous le feu de notre artillerie, les survivants du boyau durent se replier avec perte, vers le bois, lui-même soumis à un tir de destruction effroyable qui réduisit les arbres à l’état de poteaux télégraphiques et creva les abris. […] Un peu partout des têtes de mort, des ossements et une horrible bouillie où ne se pouvait reconnaître ce qui fut boche, ce qui fut français »… Récit illustré d’une photographie de « Tête de Boche »… [Bois du Sud] 15 septembre. « Je porte des croix sur les tombes. Des fusils agités par le vent semblent appeler une croix pour que la tombe sorte de l’anonymat. Je prends des photos macabres dont 2 boches. […] Lamentable spectacle. Oh ! la guerre. Qu’on amène ici ceux qui veulent la guerre à outrance. C’est une infecte bouillie humaine. Ici un bras, un pied, une capote pendue aux arbres avec les bras dans les manches »… Nombreuses photographies de cadavres en décomposition. 1917. Gueux (Marne) 26 avril. Contrordre donné aux permissions tant attendues. « Et voilà ! C’est du français tout pur : tâtonnement, indécision, ordre, contrordre et mépris total du moral du troupier »...
Les soldats sont maintenus en ligne qu’ils réussissent ou échouent, ne pouvant espérer du repos qu’avec 40% de pertes. « Il faut entendre ces discours violents : c’est à qui restera dans les tranchées au départ. C’est à qui fera camarade. On n’entend que menaces de mort contre les généraux : Bulot surtout »… Loys est d’accord avec les poilus : « Non ce n’est pas la France que nous servons. C’est l’ambition des chefs de la politique et de l’armée. Tant que nos officiers ne se donneront pas plus de peine pour leur métier nous n’aurons pas la victoire. La victoire je n’y crois plus. D’ailleurs nous n’en sommes pas dignes à aucun point de vue ni militaire, ni diplomatique, ni moral, ni religieux, ni intellectuel, ni scientifique, ni surtout méthodique »… Et de pointer les raisons pour lesquelles la victoire leur a échappé, dans la journée du 16 avril : erreurs des chefs, réserves insuffisantes, etc. « Si BAZELAIRE n’est pas capable de commander qu’on le fusille, au lieu de cela on va l’envoyer à Cannes. Un poilu qui dans son épouvante abandonne la ligne de feu au combat est fusillé, un général qui fit massacrer 30 ou 40 mille hommes comme Seret à l’Hartmannswillerkopf et Bazelaire à Loivre est mis en disponibilité. […] Comment aurait-on confiance et le soldat a-t-il tort de crier nous sommes trahis. Ah ! les Boches ont bien raison grâce à la supériorité de notre commandement nous avons arrêté l’offensive française du 16 avril. Ces gens font la guerre. Chez nous c’est l’intérêt personnel qui prime tout […]. La croix de guerre est la plus déplorable invention qui se soit faite en cette guerre. Que de souffrances que de sang répandu pour que le ruban vert et rouge orne la poitrine des généraux. On a bien eu raison de mettre du rouge au ruban ! Ce rouge rappellera aux officiers que cette décoration a été gagnée par le sang de leurs hommes »… Reims 3 mai. Déploration des ruines de Reims… Fort Saint-Thierry (Marne) 4 mai. Relève désordonnée, « le Français étant définitivement incapable d’organiser la chose la plus ordinaire. Comment peut-on rester socialiste quand on voit la négligence, le je m’en fichisme général dans cette entreprise collective qu’est la guerre ? »… [Secteur du Blanc de craie (Marne)] 6 mai. Altercation avec un jeune officier alors que Roux enterre un soldat : « Ces gamins s’imaginent que leur galon d’or les rend plus intelligents qu’un poilu de 35 ans, infirmier, brancardier depuis 2 ans 8 mois »… [Ville-en-Tardenois (Marne)] 1er juin. Long récit d’une mutinerie, « fait capital » qui se produit à la veille de remonter en ligne : le rassemblement d’une centaine d’hommes du 23e R.I. qui crient « “à bas la guerre ! à bas la guerre ! on ne remontera pas.” Au-dessus des têtes une loque rouge au bout d’un bâton. C’est un morceau de ceinture rouge »… Le soir, manifestation nombreuse et paisible dans le village : « Ces gens-là ne donnent pas l’impression de révolutionnaires mais d’hommes convaincus de leurs droits et décidés à les revendiquer. […] Nous sommes heureux, follement heureux. Car cette manifestation, cette révolte des soldats las de se battre sous des chefs incapables et tracassiers pour un pays où la guerre ruine et tue les uns et enrichit les autres, cette révolte c’est la fin de la guerre,
du cauchemar. […] c’est la joie partout et ceux qui ne descendent pas manifester sont de cœur avec les manifestants. Les commentaires vont leur train et l’unanimité est parfaite »… Le général Bulot vient parlementer avec un groupe de 600 ou 700 devant la mairie : « lui le sot a cru d’un mot, d’un geste apaiser l’émeute, retourner cette foule hurlante et la conduire à sa suite à la bataille, ardente et chantant la Marseillaise. Désillusion cruelle ! Haï car il l’est et le mérite il est entouré et ne peut réussir à parler. […] Sur l’odieux Bulot profitant des instants où la foule ne le presse pas trop des morceaux de bois sont incessamment jetés, le général est poussé, bousculé, injurié. […] Je jouissais pleinement de l’humiliation de Bulot d’abord, de la vue d’une émeute, d’une foule tour à tour sage et déchaînée, attentive et fractionnée en petits conciliabules, acceptante et irréductible, applaudissant un chef et hurlant la mort à cet autre à grands coups de gueule avec de cinglantes injures et des poings tendus »… Bulot essaie en vain de calmer les émeutiers : « Cris, injures reprennent. Les bras se tendent renforçant l’affirmation : on ne remontera pas ! Je suis dans la stupeur. Quel être que ce Bulot ! Comment lui qui fut toujours de la dernière grossièreté envers ses soldats, lui qui engueulait du matin au soir, lui qui fit aller les hommes à l’exercice du matin au soir malgré la chaleur et sans exception, faisant lui-même la chasse dans les cabanes, lui qui fit manœuvrer sa brigade le jour de Pentecôte a l’impudeur d’affirmer qu’il a toujours eu soin du bien-être de ses hommes ! Quelle idée a-t-il de nous ? Il nous prend pour des êtres inférieurs, sans intelligence, bons à mener à coup de bottes. […] Les morceaux de bois pleuvent, les injures retentissent. Bulot impuissant, ouvre dans son visage presque noir une bouche convulsée. En vain ! Dans le tumulte nul n’entend. […] Moi je m’abreuve de l’humiliation de cet être qui nous fit tant de mal. Un soldat porte un mouchoir rouge au bout d’une trique il promène la loque révolutionnaire devant les yeux de Bulot et lui en effleure le visage. Le fanion de la division arraché a été remplacé par une chaussette »… Roux a collé dans le journal des feuillets de notes prises sur le vif… Suit le récit de l’arrivée du général de division MIGNOT, et du dénouement progressif du rassemblement, aux cris de « à Paris ! », et au chant de l’Internationale… Roux insère aussi d’importantes « notes et réflexions » de l’abbé Bouvier, témoin
de l’émeute et analyste perspicace de ses causes : lassitude physique et morale, échec de l’offensive d’avril, le droit au repos lésé, un général de brigade prompt à offrir ses troupes pour des attaques, des nouvelles de grèves, manifestations, et de démarches socialistes en faveur de la paix à l’arrière, les prétendues mutineries d’autres corps… Roux livre sa propre analyse rétrospective… 1918. 3 janvier. Lettre à ses parents : « 1917 s’est mal terminé pour nous et 18 commence mal. Le gouvernement qui prit la peine d’envoyer une circulaire recommandant de laisser pleine liberté aux Musulmans de célébrer la naissance du prophète (26 Déc.) n’a pas jugé bon d’en faire autant pour nous et des éléments de notre division furent mis sur les grandes routes pour Noël »… Il décrit un voyage en chemin de fer sans paille ; à l’arrivée ils font une marche sous la neige, la nuit, alors qu’un autre lieu de débarquement les aurait rapprochés du cantonnement… Le poste de secours est une salle sans paillasses... [Einville (Meurthe-et-Moselle)] 28 février. « Les communiqués, les journaux surtout auront détruit en nous durant cette guerre la croyance en la sincérité. […] Cette guerre aura mis en nous un scepticisme absolu sur la bonté de la nature humaine, sur le désintéressement, la prévoyance, l’esprit d’ordre et de méthode de la plupart des français. Dans cette guerre la France est la nation poire, les poilus les poires du front. Pendant et après la guerre les catholiques sont et seront les poires et parmi les catholiques les curés seront les plus poires […] Notre régime républico-maçonnique n’a produit que des médiocrités »… 28 mai : « Nous partons à Westontre. Ça bille. Au retour coucher puis alertés blessés. On bondit. Billage en règle. Enfin on se décide à emporter le blessé mais un obus arrive au chemin creux je suis touché. Attaque boche. […] il faut lever les yeux au ciel car ici-bas il n’y a plus d’espérance. Le fantassin est un damné voué à l’enfer par l’orgueil, l’égoïsme, la méchanceté et la science de ses semblables »… « Sancta Maria Hoorebeke » 11 novembre. Photos de soldats s’embrassant ; Loys met en légende : « Seule démonstration de joie, forcée, d’ailleurs »… Bibliographie : Jean-Pierre Guéno, Gérard Lhéritier, Entre les lignes et les tranchées (Gallimard/Musée des lettres et manuscrits, 2014, p. 20 sqq.).