Lot n° 1340

MASSENET Jules (1842-1912) — 7 L.A.S., Pont-de-l’Arche (Eure) et Paris juillet-août 1893, [à Louis GALLET] ; 37 pages 8, 2 à en-tête Le Mûrier Pontde-l’Arche, une enveloppe.

Estimation : 1000 - 1500
Adjudication : Invendu
Description
Très intéressante correspondance au librettiste de Thaïs [d’après le roman d’Anatole FRANCE, créé le 16 mars 1894 à l’Opéra de Paris].

Ces lettres témoignent de l’attention extrême que le compositeur portait aux décors et à l’éclairage, alors même qu’il terminait les ballets de son œuvre. [Initialement destiné à l’Opéra-Comique, Massenet devait adapter Thaïs aux exigences du Palais Garnier, après que son interprète principale, Sibyl Sanderson, eut quitté l’Opéra-Comique suite à un différend avec Carvalho sur ses cachets.]

Il est question ici d’Anatole France, du metteur en scène Alexandre Lapissida, des décorateurs Marcel Jambon et Eugène Carpezat, et de l’éditeur musical Heugel.] Pont-de-l’Arche 10 juillet. « J’ai travaillé et bientôt je rapporterai l’esquisse des ballets – esquisse qui promet une série de sensations très intéressantes à mettre en scène. – Nous n’aurons jamais fait quelque chose de plus “trouvé” »…

Il reviendra à Paris pour voir les directeurs ; il espère que les maquettes seront prêtes. « Ah ! Le ballet – (mieux que cela !) dans le décor rêvé !!! – Avec la fin… en rêve, enfin !.. – Pourvu que cette fin… convienne – il y a là une sensation inouïe si cela est bien dans le décor… – Je voudrais vous faire entendre la musique !! »…

Paris 18 juillet. « Je “m’imagine” que vous allez travailler aux légendes à placer au-dessus de la musique de ballet. […] J’aimerais à vous consulter pour la mise en place avec la musique.

– N’oubliez pas de signaler aussi les indications pouvant servir au maître des ballets pour les accessoires &a »…
– Il a été au Louvre : « grâce à une promenade faite en compagnie du conservateur du Musée Égyptien j’ai vu des choses très utiles à employer dans Thaïs. Ah ! Si Carpezat pouvait s’en inspirer ! – Sa maison de Nicias est bien pâle, bien nue… C’est peu dans le caractère de cette époque. – Hier j’ai vu des “Isis” qui sont des Vénus. – Masque en or – yeux en pierres précieuses – corps peint chair – étoffe drappée à la romaine – coiffure moitié égyptienne moitié romaine – c’est du temps d’Hadrien (2d siècle ap. J.-C.). – Et puis aussi un Éros adorable – une petite terre cuite de la grandeur ! – La statuette est peinte – comme toutes les statues grecques. – C’est la Renaissance qui a inventé cette sculpture incolore ! »… – Tourmenté pour les décors du deuxième acte, il estime nécessaire de faire connaître à Carpezat le livre dont parle Anatole France.
« Quant à Jambon je ne crois pas à des “à peu près” car il a pris des renseignements et c’est un poète et un peintre. – Mais son décor du ballet sera-t-il clair ?.. – A-t-il pensé à la série des voiles transparents & invisibles pour l’entrée & la sortie du ballet ? – D’après la description du dernier décor je me retrouve dans le “rêve” que j’avais fait. – Je pense être ravi ! – 1° Causer avec Carpezat. Le convaincre qu’il faut faire pittoresque, lumineux et polychrome. 2° Lui montrer l’ouvrage copte. Et aller revoir ses dessins ! […] Et France ? Quand le connaîtrai-je ? »…

28 juillet. Longue « Note » sur les décors, qui doivent s’accorder avec le caractère de la partition. « Ainsi il est bien convenu que l’austérité, l’archaïsme, la simplicité la couleur antique doivent appartenir au 1er décor et surtout au dernier ! – Le 2d acte est au soleil, à la gaîté, à la frivolité, au brillant, à la couleur locale, aux détails amusants. Il faut que l’on vive de la vie de cette époque enfin ! »… Il cite des descriptions du livre « admirable » de France sur le cadre de vie des cénobites, notamment l’ombre et la lumière, et des détails de la cour du couvent : « J’ai travaillé en vivant avec le livre d’Anatole France – chaque mot a été ma nourriture. – Si vous ne mettez pas ma pauvre musique dans le milieu qui l’a “aidé à venir” ce sera triste pour tous »… Il insiste aussi sur l’apparition « calme, plastique » de Thaïs dans la Thébaïde, et sur ses mouvements dans un décor lumineux et gai, « un paradis de plaisirs dans un palais féerique. – Je me fie à vous, car là c’est une invention »… Il souligne d’autres éléments des décors à revoir ou à surveiller, car il partira à la campagne dans sa Thébaïde, pour achever les ballets, sans avoir vu les maquettes terminées…

Le Mûrier 31 juillet : « Avez-vous pensé à parler à Jambon de la modification excellente apportée par vous à la Vision (3e acte) ciel d’or et des saintes nimbées autour de Thaïs mourante »…

21 août. Lapissida voudrait avoir le poème complet de Thaïs. Massenet a dressé la liste des costumes, personnages, accessoires, « effets spéciaux » et le matériel du ballet ; il a remis à Heugel la partition d’orchestre du ballet et sa réduction piano. Il aimerait que le mot de « ballet » ne soit ni sur le poème, ni sur la partition : c’est « la suite de la pièce et non pas un divertissement intercalé !!. – Je crois cela la vérité et très en rapport avec votre pièce »...
Retiré dans son « antique maison », il attend « les mois d’angoisse à passer dans ce théâtre – l’angoisse de l’interprétation, veux-je dire ! – Car je ne m’occupe pas du sort d’un ouvrage écrit avec conscience »…

─ On joint :
- 6 L.A.S.
et
- une carte de visite a.s. à divers : le graveur Baudon (pour la gravure des Scènes pittoresques et de Marie-Magdeleine, 1874), Albert Carré, Blanche du Bosquet, un directeur, un ami, etc.  
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