Lot n° 32

Dumas fils (Alexandre). Correspondance d'environ 145 lettres et pièces, pour la plupart adressées au poète Joseph Autran. 1844-1878 et s.d. Joint, une quinzaine de lettres et pièces, dont des lettres de Dumas père, de l'épouse de Dumas fils...

Estimation : 4.000 / 5.000
Adjudication : 3 600 €
Description
(Nadejda dite Nadine Knorring, princesse Narychkine) et de leur fille Colette Dumas. Joseph Autran se lia avec Dumas fils en janvier 1847 lorsque ce dernier passa par Marseille au retour d'un voyage, et il s'ensuivit une longue amitié de trente ans. C'est Dumas fils qui poussa Joseph Autran à proposer sa pièce La Fille d'Eschyle à son père pour le théâtre de l'Odéon, où elle rencontra un succès certain. Dumas père proposa alors à Joseph Autran de venir travailler pour lui. Dumas fils évoque ici ses reuvres et celles de Joseph Autran, leurs succès et leurs échecs, ses voyages à lui en Algérie (1846), Espagne (1848) ou Silésie (1851), sa vie sentimentale et galante, la Révolution de 1848, le siège de Paris, mais également son père Alexandre Dumas. Avec quelques poèmes. - Paris, 5 mars 1847 : « Partez tout de suite en m'écrivant où et comment vous arriverez. Vous perdez 200 f. par jour à ne pas venir... mon père vous aDore . iL ne parLe que De vous, vous aLLeZ travaiLLer avec Lui à st-germain, il veut que vous ayez de grands succès, etc.etc. Partez. Partez... » - Paris, 2 octobre 1847 : « ... vous sereZ joué avant monte-cristo, fiez-vous à moi... » - Paris, 29 octobre 1844 : « ... j' arrive D'anvers où je suis aLLé voir Des rubens avec L'iLLustre auteur De mes jours. Quant aux peines de cxur elles ont disparu, mon cher. Cependant, il faut que je vous conte quelque chose de joli. « Huit ou dix jours après que j'avais quitté cette charmante vipère comme dit votre poétique amie, on jouait une première représentation dans laquelle elle continuait ses débuts. Je lui avais promis d'y aller mais pour éviter de nouveaux regrets, je n'y fus pas et rentrais me coucher à deux heures. Je m'endormis comme un homme qui a un bon estomac et une conscience pure, et il y avait deux heures que je jouissais de ces deux faveurs du Ciel quand je fus réveillé par un violent coup de sonnette. J'allais ouvrir et je vis ma vipère qui malgré la pluie et à minuit passé arrivait chez moi. Elle entra et me dit que ne m'ayant pas vu au théâtre et ayant appris que je devais partir le lendemain elle ne voulait pas me laisser partir sans me voir, et elle s'assit sur mon lit où je m'étais recouché. Il pleuvait, il était minuit, il y avait quinze jours que je vivais comme St-Antoine, ma foi je fis ce que tout autre eùt fait - elle entra fille et sortit femme. Je fis même tout ce que je pus pour qu'elle sortit mère - et le lendemain je partis. Je suis revenu hier 28 et je n'ai pas de nouvelles. Et voilà bien des choses à tout le monde... » - misloWitz [à l'ouest de cracovie, Mystowice dans l'actuelle Pologne], 18 avril 1844 : « Croirez-vous que je suis à 750 lieues de vous... Prenez une carte d'Europe, ni plus ni moins, mettez le doigt sur Paris. Y êtes- vous ? Oui et bien poussez votre doigt jusqu'à Bruxelles, de là prenez à droite et allez jusqu'à Cologne, entrez en Saxe, passez à Dresde, reprenez haleine et allez toujours. Vous voici à Breslau - encore un coup de collier jusqu'à la frontière de Prusse. Arrivé là, cherchez parmi les plus petits noms le nom de Myslovitz et dites-vous : un de mes meilleurs amis est là en ce moment. Par quelle suite d'aventures je me trouve là c'est ce que vous saurez un jour, mais ce qu'il serait trop long de vous écrire. sacheZ seuLement que Dans ce coin obscur Du monDe, en face De La frontière poLonaise au miLieu De pLaines Désertes et D'immenses forêts De sapins, votre nom a été prononcé tout récemment et Des vers De vous Dits tout haut en regarDant L'orient. Vous sont-ils arrivés ? Qui disait ces vers ? C'était moi. À qui ? À Raphaël Félix qui m'annonçait qu'enfin sa s&ur [la comédienne Rachel] allait jouer La fille d'Eschyle [pièce de Joseph Autran]. Qui m'eut dit que j'apprendrais cela en Silésie. Comment Raphaël se trouvait-il là, me direz-vous. Il revenait de Varsovie et il était en tournée pour les engagemens de Rachel à l'étranger... Il ne sera pas dit que ma vie aura eu une péripétie nouvelle sans que j'aie pensé à vous, témoin déjà de bien des péripéties... » Dumas fils venait d'avoir une liaison avec la belle comtesse Nesselrode, Lydia Zakrzewska, belle- fille du puissant ministre russe. Le mari était intervenu et avait ramené son épouse dans leur domaine de Mislowitz. Mais l'amant les suivit pas à pas jusque là, après avoir emprunté à son père l'argent nécessaire à son voyage : il finit par être refoulé à la frontière par la police russe. - Dieppe, 28 avril 1871 : « ... je vous féLicite De ne pas vous être trouvé cheZ vous quanD Les obus sont venus nous renDre visite. Cet hommage de mars à Apollon est d'ailleurs tout ce qu'on doit attendre de ce dieu stupide qui se laissait prendre par Vénus et envelopper par Vulcain... Moi je continue à lutter, sans estomac, contre les choses de la vie et même de la mort. Je me défends avec une insolence remarquable. Je devrais être mort depuis des tems immémoriaux, mais puisque chacun a pris la résolution dans ce siècle bizarre, de ne plus croire à quelque chose, je me suis décidé à ne plus croire à la maladie et je m'en trouve très bien... La mort étant la chose la plus sure de la vie, je ne sais pas pourquoi on lui ferait l'honneur de la craindre. C'est bien assez de la subir... Il y a dans le monde trois ou quatre choses supérieures qui valent la peine qu'on s'occupe d'elles, comme le travail, la vérité, l'honneur, les honnêtes gens et les bonnes gens, mais du reste, paille à litière pour mes chevaux, et je vous assure que j'assisterais tranquillement et le bras croisés à l'extermination d'un million d'hommes si j'étais convaincu que cela doit être ainsi. mon royaume n'est pas De paris. je L'aipLacé pLus haut que ça. j'aiprévu. j'ai emporté avec moi ce à quoi je tenais. je Les Laisse Détruire ce qu'on peut toujours refaire, Des tabLes et Des caDres, et je regarDe fonctionner cette immense preuve De La bêtise humaine . Je sais, je savais avant que nous touchions à la période d'exécution inévitable qui doit toujours en bonne justice et en bonne logique, précéder la période de rédemption ; je sais que toute métamorphose commence par la mort et que pour ressusciter comme Lazare il faut commencer par pourrir et puer comme lui. Je sais d'où je viens, je sais par où je passe et je sais où je vais... Les ombres chinoises que les nécessités momentanées font danser sur le papier huilé de la politique actuelle me sont absolument indifférentes quand elles ne me font pas rire. C'est du séraphin épileptique, c'est de la dernière convulsion, du fictif dont la mort a été providentiellement décrétée pour la fin de ce siècle. Je vis donc dans une sévérité et dans un équilibre parfait d'esprit et de conscience au-dessus de cette danse des ombres. c'est Le coup De L'étrier De ce qui ne revienDra pLus, c'est Le marDi-gras D'un cimetière païen. Ces gens-là piétinent et tassent la terre qui contient la grande semence dont les premières feuilles vont poindre dès que le vent de la vérité va souffler d'en haut et dissiper comme des feuilles mortes ou coucher comme du fumier toute cette fausse humanité... » - dumas Père à Joseph Autran, Paris, 24 juin 1857 : « aurieZ-vous garDé par haZarD La moitié D'un pLan De tiberius gracchus que j'avais fait avec vous ? Si vous l'avez gardé, il me serais utile et je vous prierais d'être assez bon pour me l'envoyer... » - dumas Père à un « cher ami », Paris, début septembre 1847 : « ... Voici ma réponse cathégorique. Non seulement mon désir mais ma voLonté est que La pièce D'autran passe tout De suite, c'est-à-Dire entre maison-rouge et monte-cristo, c'est-à-dire dans six semaines ou deux mois. mais La pièce, maLgré ma position Dans Le théâtre , ne passera pas sans Lutte. Maquet est parfaitement de mon avis et pense qu'il est non seulement loyal comme promesse, mais encore de bonne administration, que la pièce passe entre nos deux pièces - mais, je le répète, il y aura lutte... Tu peux envoyer ma lettre à Autran. » le Poète marseillais JosePh autran (1813-1877), entré à l'Académie française en 1868, fut soutenu à ses débuts par Hugo et Lamartine. Opérant une synthèse entre le style de ce dernier et certains traits de la manière gréco-latine antique, il eut l'ambition de devenir le grand poète de la Provence et, avant Mistral, consacra à sa terre natale plusieurs recueils comme Laboureurs et soldats (1854). Il ne limita cependant pas à cela les jeux de sa lyre : il s'acquit la célébrité en 1848 grâce au succès de sa tragédie La Fille d'Eschyle, et laissa un célèbre recueil consacré à La Mer (1835), qu'il récrivit entièrement et republia avec un égal succès en 1852 sous le titre Les Poèmes de la mer.
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